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Dictionnaire des anthropologies, Mathilde Lequin & Albert Piette (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 03 Février 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Dictionnaire des anthropologies, Mathilde Lequin & Albert Piette (dir.), Presses Universitaires de Paris Nanterre, septembre 2022, 1076 pages, 25 €

 

Quand il arrive qu’on s’ennuie, le fait est là : on ne se sent alors plus guère avancé d’être un homme. On pense le monde, mais rien pourtant ne nous y intéresse. De même, dans l’angoisse : on préfèrerait carrément alors (mais toujours en vain, car toute préférence est humaine) ne pas être homme. On y est face au néant (chance que n’a jamais l’animal), sans face à face possible. Enfin dans la perplexité intellectuelle (troublé de devoir choisir sans savoir quoi, cherchant l’idée qui invaliderait les autres en terminant le problème), notre propre irrésolution, justement, nous paraît exclusivement et invinciblement humaine. Par exemple dans ce Dictionnaire des anthropologies, quand les conceptions de l’humain de 115 penseurs nous sont (en huit-dix pages chacune) remarquablement restituées, presque toutes convaincantes et presque toutes incompatibles, une certitude naît de notre trouble même : l’homme est l’être que la diversité des réponses à la question de son être rend perplexe. L’homme est le seul animal que le problème qu’il est intéresse : les problèmes qu’ils ont semblent largement suffire à tous les autres animaux.

Voyage en haute Connaissance, Bertrand Vergely (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 25 Janvier 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Voyage en haute Connaissance, Bertrand Vergely, Les éditions du Relié (Guy Trédaniel), janvier 2023, 336 pages, 18 €

 

Le sous-titre de cet essai (Philosophie de l’enseignement du Christ) en indique clairement l’objet et l’enjeu ; une interprétation spéculative (mais ardente, et joyeuse !) de la nature du Christ et du message évangélique depuis l’idée d’une Vie infinie qui s’incarne en lui, et vient nourrir exemplairement la capacité propre à l’homme, par sa raison consciente et libre, de « faire vivre la vie même qui est en lui ». Or le constat de l’auteur (p.120) est sans appel : « Nous voulons apporter une réponse aux questions que pose la vie et nous ne sommes pas vivants ! ». Or « il faut être un être humain qui est. Pour être cet être humain, il faut avoir rencontré l’être, ce qui fait être et celui qui est et qui fait être. Le Christ a cette science » (p.89). « Haute Connaissance » est donc d’abord la science de vivre de tout son être ! C’est pourquoi, l’idée de vie étant omniprésente ici, quelques mots sur son sens (d’abord bien sûr biologique), pourront aider à saisir à quel titre, selon Bertrand Vergely, une Vie divine pourrait éclairer toute vie humaine depuis celle même du Christ.

Bumboat, Pierre Vinclair (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 17 Janvier 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, Le Castor Astral

Bumboat, Pierre Vinclair, Le Castor Astral, septembre 2022, 88 pages, 12 €

 

Il y a peu d’années, l’auteur, qui habitait alors Shanghai avec sa  femme Clémence, annonçait à son ami Ivan – le fameux poète Ivar Ch’Vavar – son probable départ pour Singapour (où le présent livre fut écrit et se tient) en un sonnet drôle et parfait – figurant dans le recueil « Sans adresse » (Lurlure, 2018) :

 

« Ivan, ne prends pas tout de suite un billet pour

Shanghai : il se pourrait que nous quittions la Chine

au début de l’été. Une grosse semaine –

quinze jours : nous saurons dans un délai très court.

Je dis, je tais, j’avance en faisant un détour,

révélant quand… mais la destination ? Devine !

Être clown en 99 leçons, Fabrice Hadjadj (par Marc Wetzel)

, le Mercredi, 11 Janvier 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Être clown en 99 leçons, Fabrice Hadjadj, Editions La Bibliothèque, 162 pages, octobre 2022, 9 €

On a beau dire : mieux vaut rencontrer, en ouvrant un livre, une épuisante intelligence qu’une revigorante, ou même, apaisante sottise. Ces cent cinquante pages font qu’on est servi : une extraordinaire vivacité intellectuelle, un sens déroutant (et constant) de la formule, une acuité qui réellement ne craint rien (c’est politiquement très incorrect, mais culturellement très correcteur), un bon petit miracle rhétorico-spirituel (comme on n’espérait guère plus, mais aussi comme on ne s’inquiète pas de le mériter peu, parce qu’on est conquis, content et ébahi). Comble de chance : on n’envie pas le génie de l’auteur (car on le sait douloureux sous le mince masque, et lui-même le remettant en cause, faisant comme tapis, ingrat et obscur, à chaque relance), on y respire librement (car l’humour débridé veut bien nous donner l’intelligence de supporter la sienne), on pardonne (l’unique fois où l’on a rencontré l’auteur, à la sortie d’un théâtre qui jouait la pièce d’une nièce, il jouait de l’accordéon en argumentant sur le trottoir à peu près désert, et l’on s’était promis de tirer vengeance, un jour, de cette si clownesque impertinence). D’abord, trois ou quatre aperçus de cette singulière virtuosité, respectivement : le clown d’abord, assumant son nez rouge, y considère d’abord son nez tout court ; ensuite il prend sa propre candeur avec le sérieux que sa naïveté lui semble, logiquement, mériter ; enfin son masochisme prend logiquement plaisir à s’avouer tel (et le clown encourage ses persécuteurs, qu’il comprend trop bien). Voici les trois passages (on en ajoutera un, sûrement) :

Sèvre, eaux fortes, Vincent Dutois (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 06 Janvier 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Sèvre, eaux fortes, Vincent Dutois, Le Réalgar-Éditions, 2020, 44 pages, 4,50 €

 

C’est un texte génial, et qui n’est presque rien : un livret de trente-cinq pages, sorti il y a deux ans, qui tient dans la main. Le titre évoque la Sèvre Niortaise (fleuve côtier qui, avec la Nantaise – qui n’est, elle, qu’une simple rivière –, baptise le département bien connu de l’Ouest français, et finit en face de l’île de Ré), joue avec le nom de la gravure sur plaque de cuivre (l’eau forte est l’acide qui creuse les traits voulus en sillons qu’on remplira d’encre et imprimera sur papier), propose un cliché, sobre, nu et net du Marais Poitevin proche (l’auteur est aussi photographe). Sept lieux proches les uns des autres (les coordonnées baroquement fournies font foi) sont successivement commentés. On attend un hydrologue, un ethnographe, un promeneur, un natif ; on les a. On a, surtout, un styliste étincelant, d’une démoniaque virtuosité, qui vous décrit aussitôt quatre anciens clampins du cru (les « frères tous-pareils » !), posant pour l’avenir (dont ils se souciaient peu, qu’ils méritaient moins encore) dans une prose poétique dont on ne connaît pas, dans la langue française, d’équivalent actuel :