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Où vivre, Carole Zalberg (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 17 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Où vivre, Carole Zalberg, Grasset, octobre 2018, 144 pages, 16 €

 

Après une très longue absence, l’héroïne du dernier roman de Carole Zalberg, Où vivre, embarque à Paris pour une visite à la branche de sa famille installée en Israël. C’est à son retour que le besoin irrépressible de garder trace monte en elle. Elle nous informe : « Pour discerner la vérité fragile et complexe de ces vies, il fallait éviter le fracas du réel et de son actualité constamment tourmentée. Il fallait écouter leurs voix à tous. Tantôt lointaines, fantomatiques, tantôt vives et exigeantes, elles ne m’ont plus quittée ».

L’héroïne ouvre le bal puis délègue successivement la parole à chacun des personnages importants de cette famille pour mieux s’en emparer et nouer le tout dans un bouquet final digne de celui d’un feu d’artifice. La réussite est incontestable. Nous suivons cette chronique sans pouvoir nous en abstraire un instant. Pourtant, pas de péripéties surprenantes, pas de rebondissements imprévus. Non, dans ce roman choral, ce qui est impressionnant, c’est le trajet intérieur d’un groupe de personnages de papier qui sont tous en lien étroit avec l’héroïne et avec Israël, ce pays chéri et désavoué. Elle, qui vit en France, qui n’est là qu’en visite, surplombe tous les récits et réussit à tisser une toile et à donner une cohérence implacable à l’ensemble de ces méditations.

L’amie, la mort, le fils, Jean-Philippe Domecq (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 12 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Thierry Marchaisse

L’amie, la mort, le fils, septembre 2018, 128 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Jean-Philippe Domecq Edition: Thierry Marchaisse

 

« Anne Dufourmantelle a péri le 21 juillet 2017 pour sauver des enfants de la noyade en Méditerranée… ». Personne ne pouvait imaginer la vague d’émotions que cette disparition imprévisible allait déclencher aussi bien chez les personnes qui l’avaient connue, rencontrée ou lue que chez un nombre incalculable d’inconnus.

Vingt ans d’une longue et féconde amitié, comment est-il possible ensuite de résister à cette disparition brutale et inacceptable ? Une véritable tempête fond sur toutes les personnes proches. La seule solution qu’a trouvée Jean-Philippe Domecq pour affronter la débâcle et le désespoir c’est de se lancer frénétiquement dans l’écriture. L’écriture comme bouée de sauvetage à laquelle s’accrocher : « J’ai eu besoin d’écrire, sans trop savoir pourquoi mais obéissant deux mois plus tard à la fidélité du chagrin, au choc que cela fut, puis aux ondes que cela fit… Par cercles s’élargissant au fil du temps avec tous ceux qui en furent et demeurent atteints ».

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet, éditions La rumeur libre, novembre 2017 (Prix Max Jacob 2018. Préface Gérard Chaliand), 128 pages, 16 €

 

Un territoire à soi

Voici comment Béatrice de Jurquet définit elle-même son écriture : « J’ai capté des bribes de phrases attrapées dans le temps suspendu hors du bruit assourdissant du quotidien. J’ai cherché la juste place, la vibration, la résonance, l’attention aux choses minuscules, le rythme intérieur, la musique intérieure, le silence, le souffle ».

Le silence est indispensable pour savourer la poésie. Alors, un conseil, choisissez l’intimité, enfoncez-vous douillettement dans le fauteuil le plus confortable de votre maison, attendez tranquillement que vienne le crépuscule, à l’orée de l’automne quand les jours raccourcissent, allumez une lampe pour créer juste une lumière tamisée. Vous voilà préparé à savourer Si quelqu’un écoute de Béatrice de Jurquet, recueil de poèmes paru en 2017 dans les éditions La Rumeur libre. Dans ce recueil, vous retrouverez beaucoup de thèmes chers à l’auteur et déjà explorés dans son roman La Traversée des lignes : Les paysages et les maisons d’enfance,

« Un pays qui n’existe que d’être écrit ».

Les mères qui blessent, Se libérer de leur emprise pour renaître, Anne-Laure Buffet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 13 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Les mères qui blessent, Se libérer de leur emprise pour renaître, Eyrolles, juin 2018, 163 pages, 18 € . Ecrivain(s): Anne-Laure Buffet

« Quoi de plus parfait aux yeux d’un petit enfant que ses parents ? ». Il est réconfortant, même dans certaines circonstances extrêmes, de croire la vox populi qui prétend que les femmes posséderaient dans leurs gènes « l’instinct maternel ». Dans les livres saints on vante « La Vierge Marie », symbole de la mère sacrificielle. D’innombrables poèmes et chansons populaires célèbrent la mère dévouée à ses enfants. Le jour de la fête des mères, on incite les enfants à la glorifier. Quelle belle image pieuse ne nous a-t-on exaltée si longtemps ! La mère était intouchable jusqu’à, à certaines époques, offrir une médaille aux mères de familles nombreuses. Combien de livres pathétiques nous content les mères admirables qui ont donné naissance à des fils prodiges. Comment alors certains enfants ne se sentiraient-ils pas exclus de la normalité et même coupables de ne pas vouer à leur mère un impératif d’amour sans réserve ?

Un enfant qui ne reçoit pas à sa naissance un minimum d’amour et d’attention des personnes qui en ont la charge ne peut survivre. Alors, pour pouvoir se maintenir existant, l’enfant va accepter l’attitude de ces parents comme normale. « Il cherche à leur ressembler ou au moins à leur convenir ».

Platine, Régine Detambel, par Pierrette Epsztein

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 24 Août 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Platine, Régine Detambel, Actes Sud, mai 2018, 192 pages, 16,50 €

Platine, le plus cher de tous les métaux, le plus précieux, un métal rare, mystérieux, inaltérable, relativement malléable, très maniable. Quelle force a ce mot solitaire, titre du dernier roman de Régine Detambel qui nous conte l’existence intense et agitée de turbulences de Jean Harlow. Le récit s’attache à nous faire pénétrer dans l’envers d’un décor trop flamboyant pour ne pas cacher les failles, les béances, les fêlures de la femme, littéralement adulée durant les quelques années de sa courte vie. Malgré le triomphe fulgurant et incontestable de la vedette, le lecteur réalise très vite que la rutilance de ce succès est en fin de compte bien dérisoire. Cette chronique dorée ne s’arrête pourtant pas uniquement à l’histoire d’une des plus grandes stars des années 1930. Sa viséeest beaucoup plus ambitieuse et déborde largement ce cas tout à fait singulier pour atteindre un questionnement bien plus universel.

Jean Harlow, de son vrai nom Harlean Carpenter, naît le 3 mars 1911 à Kansas Citydans l’état du Missouri. Elle ne vient pas d’un milieu modeste. Elle est la fille unique du docteur Carpenter, chirurgien-dentiste, homme faible, et d’une jolie blonde potelée, Jean Carpenter, son épouse qui l’écrase. Très vite le couple fait chambre à part. Et la mère d’Harlean trouve sa consolation dans le bourbon et le cinéma où elle se rend avec sa fille et rêve, devant les beaux acteurs bien musclés, de faire partie un jour de ce monde fabuleux.