Identification

Roman

Massalia Blues, Minna Sif

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 05 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Alma Editeur

Massalia Blues, février 2013, 392 p., 18 € . Ecrivain(s): Minna Sif Edition: Alma Editeur

Être aimé ne sert à rien.

Pour ne pas être seul,

Il faut être capable d’aimer

Dino Buzatti

 

Minna Sif nous plonge au cœur d’une sorte de cour des miracles, pègre et misère s’y côtoient, pour le pire et exceptionnellement pour le meilleur. C’est Marseille la belle, ses quartiers, son vieux port, ses vendeurs à la sauvette, ses marchands de sommeil, ses parias et ses prostituées, et dans cette cour grouillante de la ville basse, un roi découronné pousse son Caddie. Clochard et clandestin, fier et roublard, Brahim refuse d’aller chercher des papiers à la préfecture. Et cela, malgré les offres d’aide insistantes de la narratrice, écrivain public du côté de la Poste Colbert, pour tout un monde sans voix, parfois même sans droits. Enfant déjà, elle était la voix de ses parents, venus eux aussi de douars marocains aux noms imprononçables.

Le griot de l'émir, Beyrouk

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 04 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Afrique

Le griot de l’émir, Editions Elyzad (Tunis), mars 2013, 167 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Beyrouk

 

Le Silence de la mer de Vercors. Une famille française, pendant l’Occupation, est obligée de loger un officier allemand. Celui-ci impose sa présence quotidienne dans le séjour, parle à ses « hôtes » qui lui opposent un mutisme obstiné. Un soir, l’Allemand se met devant les rayons de la bibliothèque. « Toute cette maison a une âme », observe-t-il. Il caresse les reliures. Balzac, Baudelaire, Chateaubriand, Corneille, Descartes… Il s’exclame : « Quel appel ! ». Le lecteur s’arrête un instant, perplexe : on a quand même voulu assujettir une maison pourvue d’une telle « âme », pour reprendre le mot de l’intrus lui-même… Il aurait fallu que, par extraordinaire, le feu permanent que constituent tous ces noms dans la bibliothèque n’éclaire ou ne chauffe plus du tout pour que fût réellement envisageable le succès d’une telle entreprise… Non ?

C’est d’un refus de la même sorte que traite Le griot de l’émir du Mauritanien Beyrouk. Dans un Sahara des temps anciens, un griot, héritier d’une vieille et exceptionnelle tradition artistique, est pour ainsi dire empêché par la qualité et la richesse culturelle dont il émane de se résigner à l’humiliation de la défaite.

Les Avenirs, Hafid Aggoune (2ème recension)

Ecrit par Laurent Bettoni , le Mardi, 02 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Les Avenirs, Éditions StoryLab, mars 2013, 5,99 € . Ecrivain(s): Hafid Aggoune

 

Avant tout, il faut raconter l’histoire de ce livre, car il s’agit d’une belle histoire ; non pas raconter l’histoire que raconte ce livre (qui est également une belle histoire, nous y reviendrons), mais le parcours du texte, son aventure, son itinéraire, son combat, pour arriver sous les yeux des lecteurs. Et pour y rester.

Les Avenirs est le premier roman de Hafid Aggoune. Publié en 2004 par les éditions Farrago, il a reçu le prix de l’Armitière cette même année et le prix Fénéon en 2005. Puis l’éditeur a cessé son activité en 2006, et le livre est devenu indisponible en version brochée.

L’auteur a récupéré ses droits numériques et les a confiés à StoryLab, en 2013, qui peut ainsi sauver ce roman de l’oubli et en proposer une version corrigée ainsi qu’enrichie d’un entretien filmé de Hafid Aggoune. Celui-ci y explique fort justement que le support de lecture importe moins que le contenu lui-même et que seules comptent la diffusion et la (sur)vie des œuvres.

Quand les colombes disparurent, Sofi Oksanen

Ecrit par Victoire NGuyen , le Lundi, 01 Juillet 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Stock

Quand les colombes disparurent, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, Stock, La cosmopolite, mai 2013, 400 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Sofi Oksanen Edition: Stock

 

La roue Estonienne

 

La formulation choisie par Alexandre Soljénitsyne, La Roue Rouge, pour évoquer son œuvre fleuve de 7 tomes concernant l’histoire de la Russie puis de l’URSS, s’adapte parfaitement à ce troisième roman de Sofi Oksanen. Premièrement parce qu’elle a consacré une conférence avec d’autres collègues écrivains et universitaires sur l’œuvre de l’écrivain russe disparu il y a quelques années. Deuxièmement parce que son roman au titre évocateur, Quand les colombes disparurent, relate l’Histoire de l’Estonie et ses rapports conflictuels avec l’Allemagne Nazie puis l’Union Soviétique pendant la Guerre Froide. L’Estonie est prise en étau entre deux idéologies. Bien qu’englobée dans l’Union Soviétique après la Seconde Guerre Mondiale, elle n’a jamais cessé d’entretenir des relations « coupables avec la Finlande et les deux autres voisins du Nord… ».

La tendresse, Jacques Ancet

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 25 Juin 2013. , dans Roman, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Poésie, publie.net

La Tendresse, publie.net, collection Temps Réel, janvier 2011, 120 pages, 3,49 € . Ecrivain(s): Jacques Ancet Edition: publie.net

 

Voyez le pianiste Nelson Freire, lorsqu’il joue : ses mains à chaque instant font comme – exactement comme – si elles dessinaient, sans tremblement, sans même l’esquisse d’un vacillement, un cercle parfait.

Et Nelson Freire, quand il se met au piano, transforme chaque morceau en une seule phrase musicale, avec ses différents tempi, faisant ressentir à quel point l’ampleur du mouvement (mouvement de vie, mouvement d’eau, mouvement de lumière) donné à la partition par ses mains, et l’extraordinaire précision dans cette ampleur confèrent à chacun des accords confiés à l’ivoire, aux cordes et au bois du piano son identité indivisible. Sa particularité secrète. Qui irradie en nous. Soudain. Cet accord, dans cette irradiation par quoi il paraît totalement, de toute son unicité, se voyant renvoyé au monde duquel il ne peut s’extraire et qui est constitué de la totalité des accords (et du silence, sans quoi rien ne peut se dire, d’une musique qui, pour ne rien vouloir dire, signifie tout, suivant l’adage steinerien). Au monde qui loin de nier sa singularité la façonne de bout en bout.