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Roman

Le Mystère Fulcanelli, Henri Lœvenbruck

Ecrit par Stéphane Chemin , le Mardi, 18 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

Le Mystère Fulcanelli, octobre 2013, 450 pages, 21 € . Ecrivain(s): Henri Lœvenbruck Edition: Flammarion

Livre après livre, le romancier Henri Lœvenbruck sait comment tirer les fils d’une bonne histoire. Immédiatement, ceux qui savent et apprécient les délires d’intrigues du biker le plus cool de la littérature frenchie, pensent Rasoir d’Ockham, Les Cathédrales du vide, L’Apothicaire. Pas du roman de garage tout ça ! Pour les novices, prenez un bol d’Histoire, mettez-y une pincée d’humour, une bonne louche de gros œuvre, adjoignez-y une solide documentation, secouez le tout, saupoudrez d’imagination, décorez d’un zeste de mystère et servez sur tranches bien chaud…

Ce coup-ci, les marrons étaient chauds depuis plus d’un siècle ! Bon, pour les brêles en ésotérisme, Le Mystère Fulcanelli est aussi connu du bon peuple que la somme exacte des bâtonnets dans Rain Man. Ça n’empêche pas de s’intéresser, et même les billes en « fulcanellisme » avancé peuvent apprécier ce livre qu’Henri Lœvenbruck a mis plusieurs années à écrire. Fulcanelli, c’est l’arlésienne. Au 20e siècle, de nombreux chercheurs, des passionnés, des érudits, des exégètes se sont cassé et les dents et le cabochon à vouloir découvrir la véritable identité de ce mystérieux alchimiste du 19e siècle. La faute à un homme : son assistant, son apprenti, son « padawan », l’homme par qui le mystérieux monsieur F. prend corps (et plume) sur le papier : Eugène Canseliet.

Marcel Proust, Un amour de Swann, orné par Pierre Alechinsky

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 17 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Arts

Marcel Proust, Un amour de Swann, orné par Pierre Alechinsky, 208 p. octobre 2013, 39 € . Ecrivain(s): Pierre Alechinsky Edition: Gallimard

 

Alechinsky* aime à épouser le mouvement immobile, – immobilité déployée –, d’un livre, par ses traits – incisifs, débridés, et ouverts sur un silence que rien ne saurait venir briser : celui du recueillement, de la prière qu’est tout sommeil véritable (le sommeil étant un repli de l’être, soudain miniaturisé – sans qu’il soit utile, pour cela, que le corps change de forme –, dans le cocon d’invisible qu’il garde reclus dans lui).

Il a ainsi « illustré » – ajoutant souvent eaux fortes – de très nombreux livres et plaquettes pour les éditions Fata Morgana. L’on retiendra notamment Oiseau ailé de lacs et Invention de la pudeur de Salah Stétié, Trois poèmes d’Alvaro de Campos de Pessoa, Mon voyage en Amérique de Cendrars, Fleur de cendres de Lokenath Bhattacharya, Plénièrement de Gracq, Le poète assassiné d’Apollinaire, Celle qui vient à pas légers de Jacques Réda, Vacillations de Cioran, Les rougets d’André Pieyre de Mandiargues, et Le carnet du chat sauvage de Charles-Albert Cingria. Sans oublier les très beaux – car très nus – ouvrages de Gérard Macé, où paraît une pensée, dans ses muscles non forcés.

Tuez qui vous voulez, Olivier Barde-Cabuçon

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 17 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Actes Noirs (Actes Sud)

Tuez qui vous voulez, une enquête du commissaire aux morts étranges, février 2014, 384 p. 22,90 euros . Ecrivain(s): Olivier Barde-Cabuçon Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Troisième volet des enquêtes de Volnay, le commissaire aux morts étranges, Tuez qui vous voulez plonge le lecteur à la veille de Noël 1759 dans un Paris trouble, partagé entre l’excitation des fêtes données par Louis XV, les remous subversifs politico-religieux des convulsionnaires, héritiers des jansénistes, les intrigues, les luttes intestines entre les services de police, les Affaires étrangères et le Secret du Roi, avec d’un côté Sartine, le duc de Choiseul, et de l’autre le Chevalier d’Éon et la tentative de résurrection par un inconnu d’une fête moyenâgeuse transgressive : la fête des fous.

Autant d’ingrédients sulfureux, propres à brouiller les pistes pour brosser le portrait d’une capitale à deux doigts de l’implosion.

«La semaine dernière reprit Sartine d’une voix sourde, nous avons connu une émeute. Un laquais avait dit des sottises à ses maîtres. Pour le punir, on le condamna à être exposé en public au carcan avant d’être conduit en prison au Châtelet. On n’eut pas le temps de planter le poteau du carcan que la populace s’en émut, balaya les rangs des archers du guet et brisa le poteau. Les archers durent tirer, faisant plusieurs morts. Le quartier est resté en ébullition jusqu’à la nuit malgré les renforts envoyés sur place. »

Contrepoint, Anna Enquist

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 14 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Babel (Actes Sud)

Contrepoint, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, janvier 2014, 226 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Anna Enquist Edition: Babel (Actes Sud)

 

La musique est une thérapie


Pour comprendre ce roman, le lecteur doit avant tout se référer à son titre car il révèle à lui seul le fil conducteur du récit. « Contrepoint » dans le vocabulaire de la musicologie insiste sur l’importance des règles et principes qui régissent une composition. Dans son article pour l’Association Rythmes et Harmonies de l’Ecole de Musique à Mulhouse, Alain Heim définit ce qu’il appelle le « contrepoint » de la façon suivante : « (le contrepoint) ne désigne pas une forme musicale elle-même, mais la manière de la concevoir, de la composer. Le contrepoint est un ensemble de règles et de principes garantissant à une composition une certaine valeur esthétique ».

Le sujet est posé et la trame romanesque peut se poursuivre. En effet, dès l’ouverture du roman, le lecteur assiste au travail du protagoniste féminin, appelé ici « la femme ». Elle essaie de comprendre et d’exécuter une œuvre particulièrement difficile, les variations Goldberg de Bach.

Cent vingt et un jours, Michèle Audin

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 08 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Cent vingt et un jours, décembre 2013, 184 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Michèle Audin Edition: Gallimard

 

Nombres ; chiffres ; raisonnements. Mathématiques. Michèle Audin est ainsi construite ; ses écritures aussi. Pour autant, poésie – ô combien ! sentiments, humanité surtout – donc, littérature, se sont invités au banquet de ce petit livre dense, poignant, dont le titre Cent vingt et un jours est, du reste, écrit, mais non posé en langage mathématique.

Cela aurait pu être un recueil de nouvelles, dont les chapitres auraient porté le nom de ceux, nombreux et bien campés, qu’on croise dans ce reflet du fleuve du siècle dernier. Enfer brumeux que visiterait Orphée, où divaguent ceux de la Grande Guerre et ceux de la terrible Seconde, brisés, bourreaux ou carrément perdus ; parfois, tout ensemble… Mais c’est un roman-récit, et non des nouvelles, qu’a préféré Michèle Audin, la mathématicienne, qui fréquente aussi – et, plutôt bien – la façon si particulière de penser et de travailler des historiens. Elle n’a pas voulu de ce mot « fin » au bas des chapitres, de ces mini histoires bouclées. Son récit a besoin du temps long, décliné et repris d’un bout à l’autre des pages, sans presque reprendre son souffle, comme un immense problème, dont on ne sait au final s’il peut se résoudre, et qui va son chemin, raisonné, rassemblant ses données, n’en oubliant aucune, cherchant les preuves, les vérifiant, les additionnant au fil de l’Histoire. Comptabilité unique ; scansion des malheurs.