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Roman

Le monde futur, Wang Xiaobo

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 07 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Actes Sud

Le monde futur, traduit du chinois par Mei Mercier, octobre 2013, 190 Pages, 20 € . Ecrivain(s): Wang Xiaobo Edition: Actes Sud

 

La résistance d’un intellectuel


Le monde futur est un récit qui se scinde en deux temps. D’abord, le livre s’ouvre sur l’histoire de « L’oncle ». Cet homme, décédé au moment où commence l’intrigue, a été écrivain. Cependant ses œuvres n’ont jamais été publiées : « Mon oncle était écrivain, mais il n’a rien publié de son vivant ». Le narrateur, son neveu, est chargé d’écrire une biographie de cet oncle : « (…) ils sont venus me voir et m’ont demandé de consacrer à mon honorable oncle une biographie ». Et c’est l’occasion pour le narrateur de commenter l’histoire de vie de son oncle et particulièrement ses relations avec les femmes. C’est aussi une opportunité pour ce biographe de mettre en exergue ses propres émois sexuels face à sa tante pour qui il nourrit passion et fantasmes érotiques. Racontée sur le mode de la dérision et de l’humour, la biographie est immédiatement condamnée. Loin d’une narration classique, le livre choque par ses références sexuelles. Le narrateur est accusé de pornographie et devient à son tour un être nuisible à reconditionner.

Tout s'effondre, Chinua Achebe

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 06 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Actes Sud

Tout s’effondre (Things fall apart), octobre 2013, trad. de l’anglais (Nigeria) Pierre Girard, 230 p. 21,80 € . Ecrivain(s): Chinua Achebe Edition: Actes Sud

 

Avant même de s’introduire en ce roman, il est recommandé au lecteur de se défaire de ses œillères ethnocentriques d’Européen, d’oublier la vision déformée qu’il se fait de l’Afrique et des Africains au travers du prisme de ses repères usuels, de s’extraire de ses propres critères culturels, de ne pas se conduire, surtout, en touriste textuel.

Il faut épouser le point de vue du narrateur, qui est lui-même profondément inscrit, ancré, enraciné dans le contexte « civilisationnel » du récit, et entrer dans l’univers du personnage principal, Okonkwo, membre de l’importante ethnie ibo, répartie, à l’époque de l’histoire qu’on peut situer aux XVIe/XVIIe siècles, au moment où commencent les rafles massives organisées par, ou pour, les marchands d’esclaves, et où arrivent les premiers missionnaires chrétiens, en une multitude de petites communautés villageoises autonomes sur un vaste territoire correspondant à la province orientale du Nigeria actuel.

C’est dans l’une de ces communautés constituées de neuf villages indépendants que naît Okonkwo, qui, dès qu’il est en âge de raisonner, jure de se démarquer de son père, connu pour ne pas être des plus courageux.

La fille surexposée, Valentine Goby

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 05 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Alma Editeur

La fille surexposée, janvier 2014, 136 pages, 17 € . Ecrivain(s): Valentine Goby Edition: Alma Editeur

Les éditions Alma ont choisi de faire illustrer les thèmes fondamentaux de l’art énoncés par Picasso dans La Tête d’Obsidienne : « la naissance, la grossesse, la souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la révolte et peut-être le baiser ». Valentine Goby a opté pour la révolte, thème développé dans son ouvrage La fille surexposée.

Dans ce récit, l’auteure décrit le voyage d’une carte postale. Celle-ci passe des mains du photographe qui prend le cliché à une prostituée marocaine, pour finir dans les mains d’un soldat français qui l’achète dans une boutique de Casablanca, dans les années 40. Cette carte parvient enfin dans les mains de la petite-fille de ce militaire, à l’occasion d’une inspection des papiers d’un héritage.

On connaît, bien sûr, le penchant auquel on peut céder par facilité ou par préjugé, lorsqu’on évoque le Maroc, l’Afrique du Nord. On pense aux peintures orientalistes de Delacroix, aux portraits des femmes de la kasbah écrits par Pierre Loti. Valentine Goby veut, dans ce livre, faire justice de ces visions. Ce qu’elle nous dit, c’est que cette carte postale, avant d’être la représentation d’un exotisme facile, est d’abord un mensonge. Ce dernier engobe bien sûr la condition de prostituée à cette époque dans le Bousbir de Casablanca. Ce vocable viendrait de la déformation de l’euphonie du prénom Prosper que les autochtones auraient changé en « Bousbir ».

Médium, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 01 Février 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Médium, janvier 2014, 176 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Time is money, la folie gronde. La contre-folie, elle, prend son temps. Pour qui ? Pour rien. La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit, n’a aucun souci d’être vue ».

Lorsque la folie gronde, il vaut mieux être protégé par un paratonnerre, réel ou imaginaire, peu importe, mais il convient de s’armer de contre-folie, s’arrimer à la terre, et flécher le ciel. En ce siècle crispé, il y a des lieux, des êtres, des livres qui en tiennent avec légèreté l’office. Rien de nouveau sur la planète Sollers, la petite aiguille de sa boussole amoureuse lui indique toujours la même direction : Venise. Ville médium, ville dictionnaire qu’il ouvre et parcourt accompagné d’or – Loretta –, d’une fleur – Ada –, et de son moraliste, l’immortel de Versailles – Saint-Simon.

Médium est le roman de la folie et de son contre feu. L’une, on sait sur quoi elle tient : trafics en tous genres – dollars, organes et arts –, falsifications, vérités et mensonges, mauvais romans et mauvaise vie, l’autre repose sur quelques certitudes : immortalité et musicalité du Temps, amours gagnés, lectures attentives et écriture permanente, mouvement permanent du corps joyeux, trilogie divine. Le Père lit, le Fils écrit, et le Saint Esprit ne cesse d’aller et venir entre Paris et Venise sans changer de place.

La maladie de la mort, Marguerite Duras

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 31 Janvier 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Marguerite La Maladie de la mort, Les Éditions de Minuit, 61 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Marguerite Duras Edition: Les éditions de Minuit

Un homme paie une femme pour vivre dans son orbe, et tenter, par son regard principalement, de mettre son mystère à jour, dans la nuit du monde, du ressenti et des corps.

C’est ainsi que tout commence. C’est ainsi que tout commence, toujours, pour Duras :

Vous devriez ne pas la connaître, l’avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débarrasser des pleurs qui le remplissent. Vous pourriez l’avoir payée. Vous auriez dit : Il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours. Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c’était cher. Et puis elle demande : Vous voulez quoi ? Vous dites que vous voulez essayer, tenter la chose, tenter connaître ça, vous habituer à ça, à ce corps, à ces seins, à ce parfum, à la beauté, à ce danger de mise au monde d’enfants que représente ce corps, à cette forme imberbe sans accidents musculaires ni de force, à ce visage, à cette peau nue, à cette coïncidence entre cette peau et la vie qu’elle recouvre. Vous lui dites que vous voulez essayer, essayer plusieurs jours peut-être. Peut-être plusieurs semaines. Peut-être même pendant toute votre vie. Elle demande : Essayer quoi ? Vous dites : D’aimer.