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Récits

L’année du Singe, Patti Smith (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 19 Novembre 2020. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallimard

L’année du Singe, octobre 2020, trad. anglais (USA) Nicolas Richard, 180 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patti Smith Edition: Gallimard

 

L’étreinte de la mémoire : Patti Smith

Patti Smith poursuit l’inscription de ses traversées. Elle franchit le temps sans défaillance, restaurant au besoin l’orée du réel par des épigraphes ensevelis là où le mot se déclare non définitif mais inscrit néanmoins ses sommations.

A chaque passage, ses blessures, ses murmures, ses étreintes. La créatrice coud au temps de l’année du Singe des charnelles, mais aussi mystiques intrusions en ce geste d’écrire où les mots qui scellent les défaites du monde et quelques victoires personnelles.

Ici, au reliquaire de dissonances en dissidences, en disparitions, fatale introspection que ses précédents livres incisaient, fait place une révélation plus profonde, et un élancement tourbillonne entre les rêves qui demeurent même s’il faut toujours se réveiller ensuite, comme le rappelle la dernière page du livre.

Vivre sans amis, Ou comment j’ai (temporairement) quitté Facebook, Arnaud Genon (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 17 Novembre 2020. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Vivre sans amis, Ou comment j’ai (temporairement) quitté Facebook, Editions de la Rémanence, octobre 2020, 126 pages, 12 € . Ecrivain(s): Arnaud Genon

 

Le titre du livre semble nous parler de la radicalité d’un ermite, d’un isolé profond, disposé à une quête spirituelle hors des siens. Mais le sous-titre fait aussitôt sourire : il ne s’agira que d’une déconnexion temporaire de Facebook.

Cette opposition immédiatement exprimée entre une apparente conviction d’ermite et une disparition éphémère sur un réseau social (on ne disparaît pas vraiment quand on disparaît de Facebook, et même, on ne disparaît pas du tout) semble être le fil conducteur de cette suite de réflexions, rédigées au cours d’un mois de sevrage de réseaux sociaux. Et ce qui apparaît inévitable avec une telle décision, c’est la reconnexion qui s’opère avec la vie réelle : le narrateur le sait et l’a toujours su, puisque le livre s’ouvre quasiment avec L’Allégorie de la caverne, de Platon, soulignant que les anciens prisonniers retrouvent ou découvrent une forme de vérité une fois qu’ils sont libérés de leur mur (Facebook).

Marcher sur la diagonale du vide, Jean-Luc Muscat (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 21 Octobre 2020. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Mot et le Reste

Marcher sur la diagonale du vide, juin 2020, 122 pages, 13 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Muscat Edition: Le Mot et le Reste

 

Après avoir écrit Voyage du côté de chez moi, sorti chez le même éditeur en février 2019, Jean-Luc Muscat récidive avec Marcher sur la diagonale du vide. Dans le premier, l’auteur partait à pied de chez lui, dans le second, il part de Vézelay pour revenir à pied jusqu’à chez lui, près de Figeac dans le Lot. Un trajet qui s’inscrit dans un rectangle que géographes et démographes appellent « diagonale du vide » et que l’auteur requalifie de diagonale de la déprise, « pour exprimer le déclin de la population et des services de proximité, eu égard aux habitants de ces régions qui ne vivent pas en état d’apesanteur ». Un trajet d’environ 660 km, que l’auteur va parcourir en 25 journées d’avril.

Il est difficile de transcrire la marche, car l’acte d’écrire se fait à l’arrêt, au moment des pauses ; si la marche est inspiration, alors l’écriture en serait l’expiration, une expiration qui laisse des traces. Ainsi Marcher sur la diagonale du vide, en invitant le lecteur à marcher avec l’auteur, le déplace en une succession de tableaux mêlée d’impressions, de réflexions, d’anecdotes.

Ma Douleur, Mohamed Ghafir (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 11 Septembre 2020. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Ma Douleur, Mohamed Ghafir, éd. Ressouvenances, 2019, 80 pages, 10 €

 

Journal de détention

Ma Douleur, livre au titre sobre, évoque l’arrestation de Mohamed Ghafir à Paris le 9 janvier 1958 par la DST. Cet Algérien né en 1934, qui ayant refusé d’effectuer son service militaire dans l’armée française, fut emprisonné plusieurs fois à Fresnes, à la Santé, à Châlons-sur-Marne et dans le camp de rétention du Larzac, en tant que responsable du FLN en France. Ce cahier de doléances, rédigé sous forme d’un journal, où sont reproduits deux fac-similés du manuscrit original, recoupe les « événements » d’Algérie par le biais d’un seul homme, et c’est cela qui est d’un grand intérêt. Les rendez-vous militants de Mohamed Ghafir sont inscrits avec précision. Les noms de famille des résistants sont systématiquement effacés et gommés du cahier, preuve de la grande honnêteté de l’homme, qui, par ailleurs, ne mange pas à sa faim. En plus de se trouver quotidiennement objet de brimades racistes, les Algériens étaient taxés d’« étrangers ». Les policiers, munis de règlements préfectoraux, usaient en toute impunité de la force afin d’entraver leur liberté de circuler, sous peine de « ratonnades ».

De l’Angleterre et des Anglais, Graham Swift (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Récits, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

De l’Angleterre et des Anglais, juillet 2020, trad. anglais, Marie-Odile Fortier-Masek, 368 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans ce recueil de 25 nouvelles très courtes, Graham Swift fixe avec un œil d’une précision extrême le destin d’autant de personnages, qui, sans son habileté d’écrivain, sa sensibilité et son regard teinté d’une ironie souvent bienveillante, n’auraient eu que peu de chances de retenir notre attention. Tous ou presque sont issus de la middle-class britannique, anglais de pure souche ou représentants de ce que l’Empire a colonisé pendant plusieurs siècles aux quatre coins du globe et vivent éparpillés sur une grande partie du territoire britannique, tous sont décrits à un moment de leur histoire personnelle où ils se trouvent en grande vulnérabilité tant sur le plan psychologique, qu’affectif, voire matériel.

Lire ce recueil de nouvelles revient à comprendre comment passionner son lecteur lorsque les héros sont d’une banalité affligeante, qu’ils se complaisent dans une forme de désespoir tranquille, glissent de l’ennui vers une résignation emplie de souvenirs à ressasser, essaient de comprendre quand et pourquoi ils en sont arrivés à leur état actuel avant l’inéluctable pirouette vers le néant.