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Récits

Le Passeur, Stéphanie Coste (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 22 Novembre 2021. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Gallimard

Le Passeur, Stéphanie Coste, janvier 2021, 129 pages, 12,50 € Edition: Gallimard

 

En 2007, dans Bilal sur la route des clandestins, le journaliste italien Fabrizio Gatti écrit une odyssée vibrante qui rend compte de ce qu’il a vu et vécu – du Sénégal jusqu’au camp de rétention de Lampedusa, après s’être glissé dans la peau d’un immigré clandestin. Sans prétendre faire œuvre littéraire, il témoigne et c’est bouleversant. Le souvenir de cette lecture me pousse en janvier 2021 à aborder Le Passeur de Stéphanie Coste. Tout de suite, nous sommes au cœur de l’évènement : Sur la côte libyenne, deux arrivages de migrants – Soudanais et Somaliens – cuisent depuis une bonne semaine – entassés dans un entrepôt, dans l’attente d’un embarquement imminent pour la terre promise, l’île de Lampedusa. Mais Seyoum, passeur sans scrupule, ne fera pas charger tant que toute sa marchandise ne sera pas au complet. Or, une troisième « cargaison » d’une soixantaine d’Erythréens se fait languir. Et c’est tout le passé de Seyoum qui va débouler avec ce troisième convoi.

Paris sous la terre, Pérégrinations dans le métro parisien, Solange Bied-Charreton (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 27 Octobre 2021. , dans Récits, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Les éditions du Rocher

Paris sous la terre, Pérégrinations dans le métro parisien, octobre 2021, 192 pages, 15,90 € Edition: Les éditions du Rocher

 

Dans son essai Paris sous la terre, Solange Bied-Charreton nous livre au travers d’un petit journal de bord écrit sur un an, de l’automne 2017 à l’automne 2018, ses réflexions, impressions lors de ses pérégrinations volontaires dans le métro parisien. Elle observe, note, hume, renifle, écoute, se remémore les trajets de son enfance et de son adolescence, les compare à ce qu’elle vit, le stylo à la main, alors âgée de 35 ans. Quelques brèves notes historiques, littéraires, musicales, cinématographiques, architecturales, ponctuent ses déambulations pédestres car ces multiples parcours empruntent non seulement les diverses lignes du métropolitain mais ses innombrables couloirs, escalators, tapis roulants, escaliers aux marches bordées de métal agressif.

La marche, exercice indispensable à celle qui tisse sa toile sur un réseau aux multiples échangeurs, bifurcations insolites, nœuds ferroviaires, stations tentaculaires où viennent se croiser, se mélanger, se coudoyer, se perdre, s’ignorer, des êtres de tous horizons, de tous âges, de toutes confessions, le temps d’un trajet professionnel, d’un rendez-vous à l’autre bout de la ville, d’une partance à venir vers des lieux de vacances ainsi que leurs retours.

Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 06 Octobre 2021. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Jacques Flament Editions

Le Printemps de Lazare, Julien Burgonde, mai 2021, 222 pages, 16 € Edition: Jacques Flament Editions

 

Quand la maladie traverse le parcours familial et professionnel d’un cancérologue connu et reconnu, c’est la descente infernale. Il faut apprivoiser ce cancer logé dans le corps, il faut se donner les défenses, et alors, dans cette lutte inégale, les réserves cèdent, les recours s’amenuisent. Viennent les traitements lourds, douloureux. Hormonothérapie, radiothérapie, etc. On les a tant recommandés aux patients, mais ici le cancérologue est devenu le patient. Il faut tout revoir avec d’autres yeux, sentir autrement.

Le pouvoir de ce livre qui scrute et décèle la maladie avec le tact et la précision entomologique est de redonner confiance, en dépit de tout, de la peur de mourir, de celle de voir sa vie amoindrie, celle aussi de ne plus avoir de repère visible, tant les craintes sont venues interrompre le cours vital.

Tenir carnet de sa maladie, c’est pourtant une manière d’éradiquer la peur foncière, c’est aussi faire fi du cancer pour noter au jour le jour les progrès.

Le Monde qui reste, Pierre Vergely (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 01 Octobre 2021. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Héloïse D'Ormesson

Le Monde qui reste, Pierre Vergely, août 2021, 256 pages, 18 € Edition: Héloïse D'Ormesson

 

C’est un récit étonnant que nous livre Pierre Vergely : il restitue les épreuves subies par son père Charles Vergely. Celui-ci, âgé de dix-sept ans, s’engage dans la Résistance en 1940. Il est dénoncé après avoir effectué une mission en Normandie et arrêté par la police militaire allemande le 10 mars 1941. Ce pourrait être un livre, un de plus, écrit par un ancien résistant sur son action, ses décisions, ses convictions. C’est le fils, Pierre Vergely, qui écrit au lieu et place du père, pour lui rendre hommage, bien sûr, mais aussi pour expliciter les raisons de son engagement, et décrire les états moraux successifs par lesquels peut passer un détenu entre les mains des nazis et de la Gestapo. Tout commence à la prison du Cherche-Midi, dont les conditions de détention sont décrites par Pierre Vergely : « La prison est une déclaration de guerre aux règles élémentaires qui, au monde, donnent un cadre. Entre quatre murs, ce cadre est réduit à un point de compression dans lequel l’espace et le temps s’annulent ». C’est l’univers carcéral lui-même qui est remis en cause : « Et sans se salir les mains, l’exécutif peut y exécuter. Sans compassion et sans cœur, l’ordre judiciaire est en place ».

Constellation du tigre, Yannick Le Marec (par Marie-Hélène Prouteau)

Ecrit par Marie-Hélène Prouteau , le Jeudi, 30 Septembre 2021. , dans Récits, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Arléa

Constellation du tigre, Yannick Le Marec, mai 2021, 160 pages, 18 € Edition: Arléa

 

Voici un livre inclassable qui abolit les frontières des genres. Constellation du tigre tient du récit, de l’essai, fait abondamment usage de documents d’archives très variés. Cette exploration aux infinies ramifications sur « les tigres qui avaient un jour traversé Paris depuis les grandes chasses des empires coloniaux » procède d’une quête documentaire. Le point de départ en est la mort à Paris le 24 novembre 2017 de la tigresse Mévy échappée de sa cage et qui dut être abattue dans la rue par son dompteur.

Tout le livre se trouve placé sous le signe de la disparition. Dans les premières pages sensibles, Yannick Le Marec s’attache à l’échappée de l’animal puis aux circonstances de sa mort. L’empathie est là mais pas de grandiloquence. Il vient ensuite alerter le lecteur sur l’implacable disparition de cette espèce, cent mille voici un siècle, plus que trois mille cinq cents en liberté aujourd’hui. Yannick Le Marec figure le tigre comme l’animal qui disparaît.