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Récits

Ecritures carnassières, Ervé (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 21 Avril 2022. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Ecritures carnassières, Ervé, Editions Maurice Nadeau, Coll. A vif, avril 2022, 150 pages, 17 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Dans la droite ligne de cette nouvelle collection A vif dirigée par Adeline Alexandre et Delphine Chaume, les Editions Nadeau publient un ouvrage témoignage rendant compte d’un itinéraire asocial. L’auteur, pseudonyme Ervé, est une de ces ombres de la rue qu’on aperçoit à peine, qu’on croise avec une inattention répétée, dont on oublie ou dont on nie inconsciemment et immédiatement la réalité.

Retiré à sa mère à l’âge de six mois par décision de justice, Ervé enfant passe d’une famille d’accueil à un foyer de la DDASS aux règles de vie monacales, dans le département du Nord économiquement sinistré. Mais dans le temps de l’écriture, Ervé est un SDF (acronyme pour l’anonyme moderne qu’est ce marginal ne pouvant être localisé à une adresse « citoyenne »).

Entre ces deux époques, Ervé traîne une existence chaotique, fracturée.

Soit !

Le piéton de Naples, Dominique Fernandez (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 20 Avril 2022. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Philippe Rey, Voyages

Le piéton de Naples, octobre 2021, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Dominique Fernandez Edition: Philippe Rey

 

Pour son cent unième ouvrage, Fernandez, italianiste invétéré, spécialiste de Pavese, Pasolini, traducteur de l’italien, professeur, romancier, essayiste, a voulu donner de Naples, une vision multiforme et complexe. Cette ville, que nous connaissons surtout par les ouvrages érudits de Schifano, mérite, en effet, tous les détours.

Tout ici attire l’œil du voyageur, du touriste, du simple amateur : la baie, l’ordonnance de la ville, les églises nombreuses, les hauteurs, Spaccanapoli, l’histoire politique d’une ville souvent conquise par l’étranger et toutes les traces laissées des passages.

Sait-on que « la napolitude est quelque chose de si particulier, de si fragile, de si précieux, qu’elle se dissout, s’évapore au contact d’un milieu qui n’est pas le sien » ? Ainsi, « la spécificité napolitaine », chaque Napolitain l’a dans la peau, par son histoire, par ses coutumes, par sa langue. A l’étranger, il se sent perdu, oublié, ignoré.

Disputes au sommet, Ismail Kadaré (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 07 Mars 2022. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Fayard, Histoire

Disputes au sommet, janvier 2022, trad. albanais, Tedi Papavrami, 216 pages, 19 € . Ecrivain(s): Ismail Kadaré Edition: Fayard

 

Le sous-titre Investigations définit précisément le contenu et le dessein de cet ouvrage de l’écrivain albanais pressenti à plusieurs reprises pour le Nobel de littérature, ce à quoi il est fait allusion de façon récurrente dans le fil de ce récit, cette potentialité, qui lui a valu quelques tracasseries de la part des autorités de son pays, ayant un rapport étroit avec « l’affaire ».

« L’affaire » en question, sujet passionnant, présenté comme unique préoccupation de cette œuvre singulière de Kadaré, n’est autre qu’un entretien téléphonique de trois minutes ayant eu lieu en juin 1934 entre Staline et Pasternak à propos de l’arrestation de Mandelstam.

L’auteur analyse l’une après l’autre pas moins de treize versions peu ou prou connues de cette conversation, chacune rapportée tantôt par des témoins directs ou présupposés, ou se prétendant tels, tantôt par des protagonistes évoluant dans la sphère politico-littéraire entourant Pasternak et Mandelstam.

« Des treize versions que je possédais, chacune tentait, solitaire et butée, de livrer la vérité ».

Le Pain perdu, Edith Bruck (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 04 Février 2022. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, Editions du Sous-Sol

Le Pain perdu, Edith Bruck, Editions du sous-sol, janvier 2022, trad. italien, René de Ceccatty, 176 pages, 16,80 € Edition: Editions du Sous-Sol

 

Il y a une bibliographie d’Auschwitz, de Dachau, des autres camps, de la Shoah. Des ouvrages essentiels, comme ceux de Robert Antelme, de Primo Levi, d’Imre Kertész, de Jorge Semprun, signalent des récits directement éclairants sur cette période. Témoignages bouleversants aussi. On est avec Le Pain perdu dans le même ordre d’idées, dans la même qualité d’approche.

Bruck, née en 1931 en Hongrie, dans une famille juive, est déportée à treize ans à Auschwitz et connaîtra d’autres camps, des années terribles d’émigration forcée, de déni humain, avant de s’installer, un jour, en Italie.

D’une famille nombreuse, six enfants qui ne survivront pas tous à la guerre, Edith relate avec réalisme, acuité, âpreté ces années-là qui pourront un jour renseigner utilement toutes celles et tous ceux qui ne sauront plus rien de la période nazie et de ses conséquences funestes.

Toute la famille a été embarquée un jour où la mère avait réussi à faire lever le pain. Il n’aura pas eu le temps de connaître le four et de rassasier ces pauvres exclus par le régime dans leur propre pays, du seul fait d’être juifs.

Mauthausen, Iakovos Kambanellis (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 29 Novembre 2021. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Albin Michel

Mauthausen, Iakovos Kambanellis, janvier 2020, trad. grec, Solange Festal-Livanis, 374 pages, 22,90 € Edition: Albin Michel

 

Il en va de la « littérature des camps » comme du Livre de sable borgésien : tout se passe comme s’il restait toujours quelque chose à découvrir, un livre qui viendrait ajouter sa touche à un tableau déjà effroyablement précis et pourtant à jamais incomplet. On sait peu que, parmi les victimes de la machine de mort nazie, il y eut un contingent non négligeable de Grecs, parmi lesquels un jeune homme, Iakovos Kambanellis, né en 1922, arrêté à Innsbruck alors qu’il avait fui sa patrie occupée et envoyé dans le camp le plus proche de l’Autriche, à Mauthausen, où il fut détenu d’octobre 1943 à la libération par les troupes américaines. Il eut la bonne fortune d’échapper à la chambre à gaz, aux médecins impies et au Wiener Graben, la carrière de granit – avec son escalier interminable, propice à toutes les blessures – où les prisonniers extrayaient des tonnes de roche, jusqu’à ce que mort s’en suive. De retour en Grèce, pour trouver un sens à sa vie et exorciser les mauvais souvenirs, Kambanellis entama une carrière d’écrivain et de dramaturge. Mauthausen fut publié en 1965, vingt ans après la fin de la guerre.