Les rêveries du toxicomane solitaire, rubis lové dans l’élégant écrin des éditions Allia, parut pour la première fois en 1997. Anonyme, on sait dorénavant qu’il fut taillé et poli par Bertrand Delcour (1961-2014), écrivain français marqué du sceau de la marginalité et de la radicalité, auteur entre autres des romans Blocus solus, Mezcal terminal, En pure perte. Dans un style délicieusement ciselé, Delcour évoque, dans le sillage de Baudelaire, De Quincey, Burroughs, Michaux et consorts, sa traversée des paradis artificiels, pour le meilleur et pour le pire. À mi-chemin entre le poème en prose, l’éloge exalté et l’étude édifiante, il relate, par-delà bien et mal, les circonstances et les effets de son assuétude consentie à l’héroïne durant 7 ans.
Quoique l’auteur prévienne en préambule qu’« il n’y a ni salut, ni potion magique pour se sauver », il se livre à un inventaire dithyrambique de ses premières injections opioïdes, qu’il nomme l’enfance de la toxicomanie : « Les toutes premières fois, ce fut un festoiement presque insoutenable. Aussitôt l’aiguille retirée, le garrot défait, la paix ravissante qui m’envahissait, montant des mollets, me jetait dans une stratosphère de délices ».