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Récits

Père, François Mary (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mercredi, 09 Octobre 2019. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Père, François Mary, éditions Plein Chant, 2018, 74 pages, 10 €

 

Raconter la mort du père, la mort de la mère, par les ressources de la littérature, de ce qu’elle procure à la fois comme distance et comme concentration, beaucoup ont tenté de le faire, peu y sont parvenus. François Mary, dans son dernier ouvrage, Père, y réussit parfaitement. Il y a chez lui, à le lire, non seulement un goût profond pour l’écriture mais aussi une extrême attention aux êtres et aux choses qui l’entourent, une vraie sensibilité, une authentique humanité qui le rapproche par exemple d’un Gustave Roud, avec un sens du tragique, de l’irrémédiable, comme dans l’évocation – admirable à tout point de vue – de la mort du jeune chat.

Le livre réunit deux textes de nature différente. Le premier, en italique, a été écrit dans une sorte d’urgence, juste après la mort du père. Le second, intitulé Notations, est plus tardif et regroupe des « souvenirs morcelés » qui n’avaient pas trouvé leur place dans le premier. Ce n’est donc pas une redite mais plutôt un changement de focale, ce second texte s’élargissant aux figures des grands-parents et donnant ainsi aux parents, ainsi qu’au fils, une dimension familiale, une assise dans le temps.

Les indices de l’oubli, Arnaud Genon (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 30 Septembre 2019. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les indices de l’oubli, Editions de la Reine Blanche, août 2019, 112 pages, 12 € . Ecrivain(s): Arnaud Genon

 

On est probablement plus qu’un lecteur lorsqu’on se plonge dans Les indices de l’oubli d’Arnaud Genon. Comme Effie, sa fille de huit ans, on l’accompagne d’un bout à l’autre dans sa découverte ou sa redécouverte des photos de famille qu’il a placées, il y a longtemps, dans une pochette bleue. Et il faut dire qu’Arnaud Genon sait nous prendre par la main. A contre-courant d’une époque de plus en plus gagnée par l’accélération, nous sommes amenés à parcourir, presque une à une et quasi chronologiquement, les photographies qui constituent le passé de l’auteur – un passé parfois oublié à jamais, parfois retrouvé partiellement ou, de manière plus rare, complètement. Ce récit, dont les phrases descriptives tentent de saisir le réel dans son objectivité, a d’abord l’essence d’un texte technique, tel le photographe s’appliquant à une mise au point. Or, bien vite, ce travail de reconquête de son histoire ouvre des réflexions et des questions qui dépassent l’image elle-même, et c’est finalement bel et bien sur la mémoire, ses fluctuations, ses coffres-forts fermés à double tour ou ses armoires grand ouvertes sur le temps, que porte l’ouvrage. Ainsi rencontre-t-on au détour d’une pensée sur les contradictions du geste photographique : « l’expérience photographique se transforme immanquablement en une épreuve métaphysique » [p.102]. Aucune narration, aucune élaboration fictionnelle ne découlera pour autant de ces observations, comme le souligne Marta Caraion, la préfacière.

L’Histoire d’un roman, Thomas Wolfe (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Septembre 2019. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Editions Sillage

L’Histoire d’un roman, trad. américain Matthieu Gouet, 65 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Thomas Wolfe Edition: Editions Sillage

 

Ce petit livre est une incroyable fournaise, celle qui brûle le cerveau, le corps, l’âme d’un écrivain enfoncé jusqu’au fond de l’Enfer dans sa création. La phrase que vous venez de lire n’est pas seulement une métaphore ; les feux de l’écriture ont réellement consumé Thomas Wolfe, mort à 38 ans de « tuberculose méningée », après 8 années d’une production folle de plusieurs millions de lignes d’écriture, dont ses deux éditeurs successifs, Maxwell Perkins et Edward Aswell, tirèrent 4 romans somptueux et quelques nouvelles.

Wolfe raconte l’incroyable aventure de son destin d’écrivain, à travers une sorte de « making of » de son premier roman* qui nous emmène dans le tourbillon de sa folie d’écriture. Car nous sommes au-delà de l’artisan/écrivain, celui dont se réclament bon nombre d’auteurs, y compris les plus prestigieux, comme Faulkner ou Flaubert. Non, nous touchons là à une forme délirante de scriptomanie. Tout – corps et âme – cesse d’être pour ne laisser place qu’à un déferlement, une cataracte impétueuse que rien – seule la mort – ne peut arrêter ou modérer. Toute vie, tout appétit, tout sommeil, sont suspendus à la création écrite.

John Wayne n’est pas mort, Roland Jaccard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 11 Septembre 2019. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

John Wayne n’est pas mort, Pierre-Guillaume de Roux, septembre 2019, 150 pages, 15 € . Ecrivain(s): Roland Jaccard

 

« S’il est vrai que John Wayne a tourné dans quatre-vingt-trois westerns, c’est bien l’homme à abattre. D’autant que, comme l’affirment certains béotiens, quand on en a vu un, on les a tous vus. Face à ce genre d’abrutis, la Winchester 54 peut être du plus grand secours ».

John Wayne n’est pas mort et Roland Jaccard est toujours de ce monde. Plus vivant que jamais, d’une rare agilité, n’ayant peur de rien, n’en déplaise à ceux qui prendraient un rare plaisir à aller cracher sur sa tombe. Roland Jaccard est un cinéphile à l’ancienne, on l’imagine mal lisant chaque mois Les Cahiers du Cinéma, préférant peut-être Positif. L’ami de Cioran, le lecteur d’Amiel, l’oisif, l’exilé intérieur, l’amateur de palaces et de jeunes femmes, s’arme ici d’une plume aiguisée comme une flèche Comanche pour défendre John Wayne. L’acteur et réalisateur de Alamo et des Bérets Verts est accusé de mille maux par mille mots, et Roland Jaccard règle leur compte à quelques fâcheux peu instruits de ce que ce genre a apporté à l’histoire du cinématographe américain. Roland Jaccard n’est pas seul, il avance accompagné, c’est toujours conseillé en territoire hostile : le pétillant cinéaste Luc Moullet (1), le savoureux écrivain Luc Chomarat (2), quelques amies, Clément Rosset, s’échauffant après quelques verres de saké, et Louise Brooks :

Et les Beatles montèrent au ciel, Valentine Del Moral (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 28 Août 2019. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Mot et le Reste

Et les Beatles montèrent au ciel, juin 2019, 151 pages, 15 € . Ecrivain(s): Valentine Del Moral Edition: Le Mot et le Reste

 

Le sous-titre de l’ouvrage est explicite : Le concert du rooftop. Et la photo de couverture le confirme, il s’agit de la dernière apparition des Beatles en concert, sauf que cette der des ders aura eu une singularité, à savoir l’absence du public…

Nous sommes le 30 janvier 1969. Vers midi, par un temps maussade et venteux, les Fab Four vont effectivement donner leur dernier concert, mais ils ne le savent pas. Cela fait deux ans qu’ils ne se sont pas produits en public et ce 30 janvier sera un événement qui marquera l’histoire de la « pop music ».

Valentine Del Moral a construit son livre autour de ce « concert » devenu mythique. Elle égrène tout au long de son texte des allers-retours qui donnent à ce 30 janvier toute sa valeur. Ce sont les trajectoires des rares spectateurs présents sur le toit de l’immeuble situé au 3 Savile Row, immeuble qui appartient aux Beatles. Et c’est un certain Michael Lindsay-Hogg qui dirige les cameras chargées de filmer ce concert qui durera quarante deux minutes.