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Récits

Le Courage des rêveuses, Jacqueline Merville (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 30 Septembre 2021. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Le Courage des rêveuses, Jacqueline Merville, octobre 2021, 80 pages, 10 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

« Ainsi l’enfant dormait sans un mot, sans un pli. Il allait commencer l’énorme inscription. Il allait essayer l’énorme exception, le long resurgement de l’homme enseveli » (Péguy, Ève)

 

La boucle du temps

Le Courage des rêveuses, de Jacqueline Merville, texte court, dense, profond, illustré d’une encre de Valentin Hauben, se lit comme un « récit-poème ». Une circularité se constitue à travers des gestes répétitifs et surtout la mémoire. L’eau est l’élément ennemi, invasif, liquide dévorateur, soit provoqué par l’orage, la crue naturelle ou le dérèglement climatique. L’ancien monde disparaît, un nouveau surgit, plane, dévasté, abrasé. L’on retrouve un peu l’ambiance de La Jetée de Chris Marker, un fort contenu imagé, la face d’une réalité (terrible), des moments de vie partiels, dans lesquels les souvenirs viennent dans le désordre avec de nombreux sauts dans le temps. Au bout du souvenir, des visages de femmes émergent… L’écrit renâcle, piaffe, fait du surplace puis repart, attrape des mots comme des papillons, au vol, ou des fleurs rares, au ralenti, dans la quête d’une « survivante chanceuse ».

L’art de naviguer, Antonio de Guevara / L’art de faire naufrage, Pierre Senges (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 09 Septembre 2021. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne

L’art de naviguer, Antonio de Guevara, trad. espagnol, annoté, postfacé, Catherine Vasseur / L’art de faire naufrage, Pierre Senges, éditions Vagabonde, avril 2021, 208 pages, 18,50 €

 

« La galère offre à celui qui s’y embarque le privilège d’être privé de conversation féminine, de mets délicats, de vins odorants, de parfums stimulants, d’eau fraîche et de bien d’autres délicatesses semblables qu’il pourra désirer à loisir sans jamais pouvoir en jouir » (L’art de naviguer).

« … les écrits de Guevara s’affranchissent continûment du devoir de vérité que lui imposait, en principe, son statut de lettré. Les manquements à la vérité deviendront du reste sa signature la plus éclatante dans la mesure où ils assureront sa renommée d’auteur indigne » (L’art de galérer).

Antonio de Guevara est secrétaire personnel et homme de confiance de Charles Quin, empereur d’Espagne depuis 1520, prédicateur royal, historiographe, lorsqu’il fait publier en 1539 L’art de naviguer, l’Arte de marear en castillan. Le siècle d’Antonio de Guevara, est d’or (1) depuis 1492, comme son style brillant, piquant et ironique.

Une année de solitude, Didier Ben Loulou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Une année de solitude, Arnaud Bizalion Éditeur, mai 2021, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Didier Ben Loulou

 

« Jusqu’à quel âge se sent-on immortel ? Sûrement jusqu’à ce que tu ne puisses plus avancer ni sentir les “onze encens de la beauté du monde” ».

« Être à Jérusalem, c’est avoir choisi d’être définitivement dans la rupture ».

« Tu es accompagné, lors de ton dîner ce vendredi soir, par un petit bouquet de fleurs sauvages qui poussent un peu partout en abondance : fleurs jaunes et oranges, capucines et mimosa. Elles tiennent conversation à ton âme et la tendresse de leurs pétales te fait sentir que la vie ne tient qu’à un souffle ».

Une année de solitude, c’est une année passée à écrire, à lire, à écouter, à parler, à photographier, une année virale qui semble durer un siècle. Une année qui s’ouvre un 12 janvier froid à Paris, un jour sans éclat, où les mots et l’amour s’envolent, les uns reviendront, l’autre qui le sait. Une année qui s’achève un an plus tard par une citation d’Hölderlin : Mais toi, tu es né pour un jour limpide. Une année de solitude à Jérusalem, ce lieu hors de tout, intermédiaire entre ciel et terre ; parfois cloîtré dans son bureau, sur sa petite terrasse, parfois arpentant comme il le fait depuis des années les rues de la vieille ville et ses collines.

Humeur noire, Anne-Marie Garat (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 02 Septembre 2021. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Actes Sud

Humeur noire, Anne-Marie Garat, février 2021, 304 pages, 21,80 € Edition: Actes Sud

 

A l’occasion d’une visite au musée d’Aquitaine de Bordeaux, la ville où elle est née, où elle remarque un cartel didactique sur l’esclavage, dont la rédaction la choque profondément, Anne-Marie Garat revient sur ses années de formation, son engagement en tant que professeur de lettres, puis de cinéma au lycée expérimental de Montgeron. « J’ai donc gagné ma vie et mon entière liberté d’écrire en étant prof de lycée dans l’Education nationale, comme pas mal d’écrivains d’ailleurs ».

L’auteure nous livre ses interrogations sur le « métier d’écrivain » qui, comme celui de professeur, tiendrait soi-disant de la « vocation », comme un « idéal de vieux romantisme ». Toujours pour elle le temps d’écrire a été pris sur celui d’enseigner, sur celui de la vie courante : « Ecrire n’est pas un métier, mais un rapt, un libre choix d’existence », dû à une « addiction monomaniaque à la lecture, à l’écriture ».

Vols au crépuscule, Helen Macdonald (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 21 Juin 2021. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard

Vols au crépuscule, Helen Macdonald, avril 2021, trad. anglais, Sarah Gurcel, 352 pages, 23 € Edition: Gallimard

 

Pour les oiseaux.

On se souvient de ce beau conseil donné par Gustave Flaubert à l’un de ses correspondants : « Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps » (lettre à Alfred Le Poittevin, septembre 1845). Conseil valable pour l’artiste en général, le peintre, le romancier ou le poète en particulier, mais suggestion avisée également pour tout naturaliste ou amateur éclairé de la faune sauvage. En lisant le livre d’Helen Macdonald, Vols au crépuscule, une suite d’essais sur le monde animal, on découvre l’importance de cette patience du regard, de la lenteur et de l’attention rigoureuse pour qui veut saisir le monde animal. « Il faut se donner le temps de regarder » écrit l’auteure. La beauté de celles qu’on appelle les bêtes et surtout des oiseaux se révèle à qui sait scruter le ciel et attendre. Il faut un œil apte à contempler et qui sache regarder longtemps et prendre son temps.