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Polars

Nocturne, Richard Montanari

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 17 Décembre 2013. , dans Polars, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Le Cherche-Midi

Nocturne. Cherche-midi. Septembre 2013. Trad (USA) Marion Tissot. 576 p. 21 € . Ecrivain(s): Richard Montanari Edition: Le Cherche-Midi

 

Ce thriller est –paradoxalement – un vrai moment de récréation. Montanari a choisi, contrairement à ses romans précédents noirs et proches du cauchemar, de venir sur les terres d’écrivains qui ont peuplé, pour certains d’entre nous, les lectures de détente. Le souvenir de Ed McBain, par exemple, revient souvent à cette lecture. Ed Mc Bain, vous connaissez ? Celui du 87ème district, de Steve Carella, d’Isola ? La vie quotidienne de flics dans la trame d’affaires multiples qui se croisent et se dénouent.

Montanari ne s’est pas pris la tête avec ses deux personnages principaux. Deux flics, un homme et une femme. Pas de grands états d’âme, pas de plongée abyssale dans les méandres psychologiques des enquêteurs, pas de policiers véreux ou ambigus. Rien de tout cela. Xxx et xxx font leur boulot, s’entendent bien entre eux et avec leurs collègues, montrent une humeur égale et une perspicacité toute professionnelle face au tueur en série – oui il en faut bien un avec Montanari – qui décline son bestiaire sanglant en toute sérénité. Ils sont flics, donc fonctionnaires de la morosité d’une cité, quand ils ne sont pas héros de cauchemars.

Âmes volées, Stuart Neville

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 13 Décembre 2013. , dans Polars, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages/Thriller

Âmes volées. septembre 2013. Trad. anglais (Irlande) Fabienne Duvigneau. 410 p. 22 € . Ecrivain(s): Stuart Neville Edition: Rivages/Thriller

 

Stuart Neville continue son voyage terrible dans les bas-fonds de Belfast. Troisième Opus d’une trilogie, « Âmes volées » nous conduit sur les sentes cauchemardesques du commerce de la chair. De la chair humaine, celle des jeunes femmes perdues par la pauvreté, venues de l’Est par des circuits obscurs et conduites rapidement à la prostitution par des réseaux mafieux impitoyables.

Jerry Fegan, le tueur terrible mais « attachant » des deux premiers opus est mort et c’est l’inspecteur Jack Lennon de la police de Belfast qui prend sa place de héros. Il va aller de marche en marche jusqu’au bout de l’Enfer de ces filles égarées, de ces « âmes volées ». Sur la trace d’une fille, Galya Petrova, qui va nous offrir un portrait de femme déchirant et superbe.

Neville oublie les corps – vendus – pour s’intéresser aux âmes – volées. Car derrière les corps martyrisés restent (parfois) des femmes, quand l’horreur ne les a pas éteintes.

« Mais quelques-unes étaient encore vivantes à l’intérieur. Elles l’écoutaient. L’espoir et une ferveur mêlée de crainte s’allumaient dans leurs regards quand il parlait de salut »

Driven, James Sallis

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Décembre 2013. , dans Polars, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Rivages/noir

Driven. Rivages/noir. Trad. (USA) Hubert Tézenas. Septembre 2013. 175 p. 7,15 € . Ecrivain(s): James Sallis Edition: Rivages/noir

 

Le Pilote* n’est pas mort. Bonne nouvelle pour les lecteurs de Drive (et aussi pour les spectateurs du très beau film de Nicolas Winding-Refn). Il a refait sa vie à Phoenix, s’est marié, voudrait tant rentrer dans l’ombre, se faire oublier. Mais que serait la tragédie sans le destin inexorable ? Un piètre drame.

James Sallis nous ramène d’entrée à la fatalité. Elsa, l’épouse du pilote, est tuée à la première page. Et ses tueurs traquent le pilote tout au long de ce bref opus. Bref, mais comme toujours avec Sallis, infini. James Sallis ne connaît pas la finitude : il raconte des histoires intemporelles dans un style qui est l’épure même du genre. Il renoue avec la scène grecque antique en condensant dans ses récits les syntagmes de la condition humaine dans son versant le plus noir.

Aucun élément narratif n’est limité à son temps, toujours rattaché à l’éternité. Comme les tags par exemple !

«  … nous nous démenons tous pour laisser des traces derrière nous, des signes de notre présence ici, de notre passage. Et que les marques comme celle-là, ou les graffitis qui foisonnaient sur les murs, les immeubles et les ponts autoroutiers étaient des équivalents urbains des peintures rupestres. »

La fille de la pluie, Pierric Guittaut

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 03 Décembre 2013. , dans Polars, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Série Noire (Gallimard)

La fille de la pluie, octobre 2013, 271 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Pierric Guittaut Edition: Série Noire (Gallimard)

 

Série Noire Gallimard ; la crème des Polars, donc. Qui dit roman policier, entend meurtre, ou, mieux, assassinat – du rouge, encore du rouge ; une enquête rondement menée, par un type (pas trop, une femme) à la pipe entre les dents. A la fin, après moult méandres, on chope l’assassin, qui, souvent, n’est pas celui auquel vous pensiez. On peut en profiter – c’est mieux – pour distiller deux ou trois tranches de vraie vie dans les faubourgs de L.A., ou chez les bouchers de Montrouge ; ça s’appelle faire du sociétal.

Un policier, c’est ça, mais pas celui-là.

Là, c’est construit à l’envers : le mort n’arrive qu’à la fin ; l’enquête est pour le tome II à venir, mais, il n’y a pas une page, sans que vous n’attendiez le meurtre, le suicide, l’assassinat spectaculaire, si ce n’est multiple. Vous avancez, pris à la gorge : « sûr, ce sera… », et ce n’est toujours pas !

Réussi, au cordeau, cet opus oscillant entre suspense, sociologie rurale, éclairage psychologique de tréfonds pas bien nets. Au bout, un magistral roman noir, qui marche sur d’autres chemins que ceux de tout le monde.

African Tabloïd, Janis Otsiemi

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 03 Décembre 2013. , dans Polars, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman, Jigal

African Tabloïd, septembre 2013, 208 pages, 16,80 € . Ecrivain(s): Janis Otsiemi Edition: Jigal

 

Le titre du roman est à la hauteur de l’humour de son auteur. Si Janis Otseimi a sans nul doute une profonde admiration pour l’œuvre de James Ellroy, African Tabloïd n’est certes pas l’équivalent d’American Tabloïd, si ce n’est par l’effet d’une profonde dérision, voire de l’autodérision.

Nous sommes à Libreville, capitale du Gabon, ville opulente en façade, avec ses immeubles de verre et de marbre, mais qui abrite à sa périphérie « des agglomérations hétéroclites, des bidonvilles marécageux, infestés de rats et de moustiques ». Dans cette ville cosmopolite, dans un pays où se côtoient, sans pour autant s’entendre, au sens propre comme au figuré, près de 50 ethnies aux dialectes différents, policiers et gendarmes vont enquêter sur une série de délits et de crimes qui permettent à Janis Otsiemi d’illustrer avec une verve réjouissante quelques uns des maux qui rongent l’ancienne colonie française d’Afrique subsaharienne.

Au menu : corruption des forces de l’ordre, exécution d’un journaliste d’investigation dans un pays où la presse est à la solde du gouvernement, pédophilie et trafic de médicaments, inefficacité de l’administration dépourvue de méthodes et de moyens matériels et financiers, intrusion du pouvoir en place dans les enquêtes et collusions liées au népotisme…