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Polars

Bois-aux-Renards, Antoine Chainas (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 27 Août 2024. , dans Polars, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Bois-aux-Renards, Antoine Chainas, Folio policier, février 2024, 496 pages, 9,40 € Edition: Folio (Gallimard)

 

« Adiaphorie » est l’un des nombreux mots dont se sert Antoine Chainas au fil de son neuvième roman pour inciter le lecteur à interrompre le fil narratif le temps d’une plongée dans le dictionnaire. Car l’auteur dispose et use d’un riche lexique, et il en fait étalage tout au long des soixante-trois brefs (ou parfois moins brefs) chapitres de Bois-aux-Renards. On est ainsi confronté, en ouverture du quarante-cinquième d’entre eux, aux phrases suivantes : « L’aube avait une couleur de liquide amniotique. On imaginait les cellules desquamées mélangées à l’eau des altostratus, le chorion connecté aux nuées utérines et la migration des kératocytes pour combler dans les fonds lointains du ciel ». Un peu avant, concernant le petit-neveu d’Admète, personnage sur lequel on reviendra, on apprend « que le livedo sur son long nez, s’il se prolongeait, se muerait avec l’âge en thrombose ». Cela peut sembler paradoxal, à l’ère de l’appauvrissement lexical généralisé, mais la débauche lexicale à laquelle procède Chainas a le don d’agacer : c’est un peu gratuit et démonstratif. Surtout venant d’un auteur qui se fend au passage d’un joli « maître étalon »…

Les chiens de guerre, Frederick Forsyth (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 27 Mars 2024. , dans Polars, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Les chiens de guerre, Frederick Forsyth, Folio Policier, 2023, trad. anglais, Claude et Anny Mourthé, 624 pages, 11,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

L’action se déroule dans un pays africain qui n’existe pas mais que l’on peut imaginer aisément le Zangaro. Le pays est dominé par de hautes montagnes aux ressources minières importantes. Il est par ailleurs traversé par le fleuve Zangaro. À la tête de cet Etat, le Président Jean Kimba, un mégalomane fou à lier, retranché dans son palais, entouré d’une garde personnelle imposante, composée de la presque totalité des défenses militaires du pays, gouverne d’une main de fer. La population qui se chiffre à 220.000 habitants se compose essentiellement de deux ethnies rivales ancestrales, les Vindus et les Cajas, soit respectivement 190.000 individus contre 30.000. Le désamour des uns pour les autres est savamment entretenu, pour la paix de tous. Cependant, c’est sans compter sur la présence, pour le moment très discrète, de puissances occidentales et russes. L’économie est fondée sur une agriculture de subsistance à base d’igname et de manioc. Il n’y a pas d’industrie, et les exportations de bananes et de café sont au point mort. Les enfants souffrent de malnutrition. On se déplace essentiellement sur le fleuve, il n’y a pratiquement pas de route.

Riley tente l’impossible, Jeff Lindsay (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 06 Mars 2024. , dans Polars, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Riley tente l’impossible, Jeff Lindsay, Folio Policier, septembre 2023, trad. Julie Sibony, 480 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Par un vent très froid, se pressent autour de la toute nouvelle Nesselrode Plaza une petite troupe d’invités triés sur le volet. Nous sommes à Chicago encore surnommée « Windy City ». Parmi les personnes présentes se trouvent le maire, un sénateur, un amiral des garde-côtes et bien sûr Arthur Nesselrode, le milliardaire bienfaiteur à qui l’on doit la superbe mais énorme statue que l’on va dévoiler. Un dispositif de sécurité important a été déployé pour surveiller l’immense œuvre d’art réalisée par un artiste contemporain de renom, mais compte tenu de son poids, qui se chiffre en tonnes, il est bien peu probable que quelqu’un veuille s’en emparer. Et pourtant, alors que l’homme d’affaires prononce son discours, en moins de temps qu’il ne lui en faut pour déchiffrer un paragraphe, les attaches du socle de la statue explosent, des câbles sont tendus entre cette dernière et la masse d’un gigantesque hélicoptère Chinook qui s’élève dans le ciel avec à son bord l’amiral des garde-côtes, accompagné du bienfaiteur de la ville.

Le grand sommeil (The Big Sleep), Raymond Chandler (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 10 Janvier 2024. , dans Polars, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

Le grand sommeil (The Big Sleep), Raymond Chandler, Folio Policier, 1998, trad. américain, Boris Vian, 332 pages Edition: Folio (Gallimard)

 

Le grand sommeil est un des moments fondateurs d’un genre qui va engendrer un véritable espace littéraire, peuplé de milliers, de dizaines de milliers d’ouvrages, plus ou moins grands, plus ou moins nuls, mais dont la paternité peut toujours – peu ou prou – revenir à Raymond Chandler. Ici, dans cet ouvrage, sont bâtis les piliers de la cathédrale du roman noir, tous ses codes, ses figures, son univers, ses passions vénéneuses. Philip Marlowe, le détective privé pour l’éternité, est le géniteur d’un monde qu’il met à nu, celui du Los Angeles des années 40, peuplé par ses stars de cinéma, ses gangsters et ses milliardaires, sa faune humaine sulfureuse, métaphore urbaine d’une Amérique éternellement scandée par le rêve et le cauchemar. Seul Dashiell Hammett peut prétendre à être l’autre grand bâtisseur de cathédrale.

Datas sanglantes, Jakub Szamalek (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 20 Décembre 2023. , dans Polars, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Pays de l'Est, Métailié

Datas sanglantes, Jakub Szamalek, Métailié Noir, octobre 2023, trad. polonais, Kamil Barbarski, 447 pages, 22,50 € Edition: Métailié

Un a priori tenace persiste qui fait du « polar », du « thriller », un sous-genre seulement capable d’un plus ou moins bon divertissement. Le polar divertit, c’est entendu, mais il ne s’en tient pas à cette seule contrainte : il ne fait pas l’économie des contextes dans lesquels il se situe, il doit aussi prendre en compte les aspects sociétaux, politiques ou encore technologiques qui font nos sociétés. Et c’est bien ce que propose Jakub Szamalek dans ce deuxième volet de la Trilogie du darknet. Il ne s’agit pas là d’une intrigue strictement policière, comme on peut en lire, mais d’une enquête, voire de plusieurs enquêtes menées par plusieurs protagonistes qui n’ont de prime abord rien en commun, sinon qu’ils utiliseront, chacun à sa manière, les ressources du web.

« Hanna parcourut la liste des utilisateurs du chat. Certains pseudos lui étaient familiers. Realgood-53 était son spectateur le plus fidèle, c’était un ouvrier retraité de l’industrie chimique de Colombus, dans l’Ohio. Il aimait quand elle mettait un serre-tête avec des oreilles de chat et lapait du lait dans une coupelle. C’était un type très sympathique – il y a quelques mois, elle lui avait même accordé des droits de modérateur. Bob-the-boulder, c’était un Anglais de Bath qui travaillait dans l’IT ou la finance, elle ne savait plus. Une fois, il lui avait donné dix mille jetons pour qu’elle fasse semblant d’avoir une crise d’épilepsie ».