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Tendre comme les pierres, Philippe Georget

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa 01.04.14 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Jigal

Tendre comme les pierres, février 2014, 344 pages, 19 €

Ecrivain(s): Philippe Georget Edition: Jigal

Tendre comme les pierres, Philippe Georget

 

 

La Jordanie, Pétra, le Wadi Rum, les Bédouins, la silhouette de Lawrence d’Arabie en arrière-plan…

Philippe Georget a choisi ces lieux et ces personnages avec soin et amour pour situer l’intrigue de son dernier roman Tendre comme les pierres.

Lionel Terras, ancien grand reporter de guerre, travaille désormais, la cinquantaine bien sonnée, pour une société de production audiovisuelle spécialisée dans le documentaire d’entreprise, ZêtaComTV. Un reportage est prévu sur un chantier de fouilles à Pétra, dirigé par un vieil archéologue français de 82 ans, le professeur Rodolphe Moreau. Un job alimentaire pour un Terras aux fins de mois difficiles, un travail sans surprises, qui ne devrait pas poser de problème particulier. Mais, lorsqu’il cherche à contacter l’archéologue, il découvre que celui-ci vient d’être jeté en prison, accusé de pédophilie.

Mélanie Charles, l’assistante de Moreau, et Nacer Ousman, professeur d’histoire à l’université d’Amman, un coordinateur local, sont persuadés de l’innocence de leur patron et penchent pour un coup monté. Le vol du registre des fouilles dans le baraquement du chantier, la disparition d’une stèle récemment découverte et la confiscation des documents personnels de Moreau par la police jordanienne confirment leurs doutes. Peu à peu, le journaliste, après avoir flairé le scoop et les bénéfices financiers qu’il peut en tirer, s’investit à part entière dans une enquête pour découvrir qui cherche à ruiner la réputation de Moreau et surtout le pourquoi du piège qui lui a été tendu.

Plus roman d’aventures que roman policier à proprement parler, Tendre comme les pierres est un récit où l’ancienne cité nabatéenne de Pétra tient un rôle majeur avec ses ruines fascinantes, son décor grandiose, ses meutes de touristes braillards, mal-élevés, et ses habitants tout aussi hospitaliers que roués en affaires. Philippe Georget, au-delà du roman, des rebondissements de l’enquête, réalise, à l’instar de son héros, un authentique reportage sur la cité, sur le désert du Wadi Rum et sur ses habitants. Il maîtrise parfaitement son sujet et les multiples détails ayant trait non seulement à l’histoire de Pétra, mais également au quotidien des arabes vivant sur ce site, les dialogues épicés avec les jordaniens dépassent la simple anecdote pour fleurer le vécu et l’authentique.

C’est également avec l’amour et la finesse d’un homme de plume talentueux qu’il dessine les contours de l’âme tourmentée de Terras ainsi que les formes généreuses de Mélanie, l’anti-bimbo, la femme naturelle et spontanée qui partagera avec le journaliste bien plus qu’une simple histoire de sexe après des débuts de relations tendues. De beaux moments empreints de tendresse.

Certes Terras n’est pas Indiana Jones, ni par le physique, ni par le métier, ni par les motivations. Cependant, s’il éprouve une réelle fascination pour Lawrence d’Arabie, c’est sans doute parce que lui aussi ressent du respect pour ces hommes du désert, prêts à tout ou presque, pour sauver de la boulimie commerciale et touristique la terre de leurs ancêtres.

Nomades déchirés entre une manne occidentale perpétuellement renouvelée, une tradition séculaire d’accueil de l’étranger et le devoir de sauvegarder ce qui peut encore échapper à l’emprise des tour-opérateurs, ils s’érigent comme les gardiens de l’âme des lieux, mieux encore que l’UNESCO. L’ambiguïté de la situation se marie à la perfection avec la psychologie du personnage du journaliste, à la recherche d’une paix intérieure, d’un sens à son existence. Les proverbes arabes et touaregs en tête de chapitres sont autant d’échos à cette quête qui prend forme au fil du roman.

Tendre comme les pierres est à l’image de cette ambiguïté : donner envie au lecteur de découvrir les merveilles de Pétra, de se laisser griser par le charme du désert et d’aller gonfler le flot des touristes « encasquettés » ou bien voyager au fil des pages en fantasmant une Jordanie aux mille secrets encore enfouis sous le sable.

Partir à Pétra ou lire le roman de Philippe Georget ? Sans doute un non-choix, étant donné la qualité de ce texte.

 

Catherine Dutigny/Elsa

 


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A propos de l'écrivain

Philippe Georget

 

Philippe Georget est né à Epinay/Seine en 1963. Après une licence d’Histoire et une maîtrise de journalisme en 1988, Philippe Georget travaille d’abord pour Radio-France et Le Guide du Routard, avant de se lancer dans la télévision régionale du côté d’Orléans. Il y travaille comme journaliste rédacteur, cameraman et présentateur, puis s’installe en pays catalan. Les violents de l’automne est son troisième roman publié aux éditions Jigal Polar. Ce livre est sélectionné pour le Prix Ancres Noires 2013. Il est également nominé Prix de l’Embouchure 2013, Prix du Lion Noir 2013, Prix Interpol’Art.

Ses précédents livres : L’été tous les chats s’ennuient, Jigal Polar, septembre 2009, février 2010, Prix SNCF du Polar 2011, Prix du Premier Roman Policier 2011 de la Ville de Lens ; Le paradoxe du cerf-volant, Jigal Polar, mai 2011, Prix SNCF du Polar 2011, Prix du Premier Roman Policier 2011, Prix Coup de Foudre / Vendanges Littéraires 2011.

A propos du rédacteur

Catherine Dutigny/Elsa

 

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Rédactrice

Membre du comité de lecture. Chargée des relations avec les maisons d'édition.


Domaines de prédilection : littérature anglo-saxonne, française, sud-américaine, africaine

Genres : romans, polars, romans noirs, nouvelles, historique, érotisme, humour

Maisons d’édition les plus fréquentes : Rivages, L’Olivier, Zulma, Gallimard, Jigal, Buschet/chastel, Du rocher, la Table ronde, Bourgois, Belfond, Wombat etc.