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Critiques

La Nuit du Bûcher, Sándor Márai

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Janvier 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Albin Michel

La Nuit du Bûcher, octobre 2015, trad. hongrois Catherine Fay, 272 pages, 19 € . Ecrivain(s): Sandor Marai Edition: Albin Michel

 

Depuis quelque temps, sous l’excellente plume traduisante de Catherine Fay, Albin Michel continue son programme de publication de l’œuvre du Hongrois Sándor Márai (1900-1989), entamé en 1992, gratifiant en 2015 l’amateur de l’auteur des Braises et de La Nuit du Bûcher, Erösítö en hongrois : littéralement « confortateur », celui en charge de conforter un hérétique dans sa conversion durant les grandes heures de l’Inquisition italienne, fin du XVIe siècle, début du XVIIe siècle. En effet, contrairement à nombre de romans signés Sándor Márai traduits en français à ce jour, celui-ci n’est pas un récit de la Mittel-Europa déclinante, un de ces récits qui ont permis de dresser des comparaisons aussi élogieuses que méritées entre Márai et Zweig, Roth ou Schnitzler ; La Nuit du Bûcher, sous un titre français un rien malheureux car donnant l’impression qu’un seul moment compte, raconte seize mois dans la vie d’un carmélite castillan originaire d’Avila, la ville de Thérèse, arrivé à Rome en novembre 1598 pour y étudier les méthodes inquisitoriales italiennes et ainsi répondre à une question cruciale, éliminer ce « doute qui […] rongeait au moment de délivrer la sentence et de l’exécuter, [qui] concernait la parole d’un hérétique qui se convertit : pouvait-on y croire et quel était le signe attestant de la sincérité de cette conversion ? »

Animots, Jean-Jacques Marimbert

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 26 Janvier 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Carnets du dessert de lune

Animots, décembre 2015, Illustrations Etienne Lodého, 103 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Marimbert Edition: Carnets du dessert de lune

Avec un titre pareil, on pouvait s’y attendre : l’ombre tutélaire de Francis Ponge traverse et retraverse souvent ce recueil. Les « animots » sont ici calés entre leur réalité organique, ou imaginaire, ou poétique, et les mots pour le dire. Plus exactement chez Marimbert, pour le pétrir. La langue – Lacan nous conseillerait ici d’écrire lalangue tant il s’agit chez Marimbert d’un véritable organe – est la matière première de cette écriture, toute entière tournée vers la musicalité. Assonances, allitérations sont la structure même du poème, dominant le sens, se contentant de l’évoquer, avec la puissance d’une évocation. Il nous faut entendre les ou/u/o de « la chouette » :

Dormir enfin dormir

Paupières ourlets de peau

Fripée rose non jaune

Noire de charbon

Mais dormir ne plus

Penser à quoi que ce soit

ENSATT L’Ecole Théâtre, ouvrage collectif dirigé par Thierry Pariente

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 26 Janvier 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Les solitaires intempestifs

ENSATT L’Ecole Théâtre, ouvrage collectif dirigé par Thierry Pariente, 206 pages, 19 € Edition: Les solitaires intempestifs

 

« Tout le théâtre »

Il suffit de prendre la Montée de Choulans, grimper jusqu’à Irénée : Lyon s’étale aux pieds de la colline. La campagne n’est pas si loin dans ce quartier à l’écart de la ville : on apprend ici, rue Sœur Bouvier, les métiers du théâtre depuis 1997, année de la délocalisation provinciale de l’ENSATT que tout le monde appelait L’école de la rue Blanche, installée à Paris et ouverte en 1941 par Raymond Rognoni, d’abord rue Flachat, rue Gervex et rue Cardinal Lemoine.

Les éditions des Solitaires Intempestifs, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de l’école nationale supérieure des arts et techniques du théâtre, en 2011, ont publié un album retraçant à la fois l’histoire de cette institution et son renouveau, à travers des témoignages « d’Anciens » comme Dominique Besnehard ou Claude Quémy, mais aussi à partir de points de vue variés sur l’école.

Le Château d’Eppstein, Alexandre Dumas

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 25 Janvier 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Le Château d’Eppstein, septembre 2015, édition présentée, établie et annotée par Anne-Marie Callet-Bianco, 400 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Alexandre Dumas Edition: Folio (Gallimard)

 

Avec Le Château d’Eppstein, la collection Folio classique nous permet de redécouvrir un roman peu connu, mais très séduisant d’Alexandre Dumas. Relativement bref, ce roman fantastique se révèle en effet d’une grande richesse narrative et poétique.

Rien d’original, pourtant, en apparence. Le début du roman met en place un dispositif éprouvé : un cercle d’amis, se racontant des histoires de fantômes. Nous n’en connaîtrons qu’une, celle du château d’Eppstein, hanté par le spectre de la comtesse Albine qui par-delà la mort veille sur son fils bien-aimé.

Dès cette ouverture, le charme opère, et la rencontre dans la chambre rouge du narrateur avec la comtesse défunte n’est pas sans évoquer Les Hauts de Hurlevent. L’histoire de la comtesse Albine et de son fils Éverard que le narrateur apprend à cette occasion joue ensuite davantage sur le registre sentimental et merveilleux que sur l’horreur. Bien que les apparitions d’Albine dans la chambre rouge soient dramatisées à plaisir, le récit est plutôt dominé par la formation d’Éverard, ses amours, son éducation et son lien à la nature à laquelle se mêle la figure de sa mère.

Soleil patient, Gabrielle Althen

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 25 Janvier 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Arfuyen

Soleil patient, juin 2015, 144 pages, 14 € . Ecrivain(s): Gabrielle Althen Edition: Arfuyen

 

 

Dans Soleil patient, Gabrielle Althen nous invite à vivre autrement le vent, les forêts : ce bal. « Le vent venait à moi / Lissant les arbres / Et me donnant raison ». « Amulette à mon cœur / Oiseau précis de ma sécurité / Dans le bal admirable du vent / J’ai visité le monde ». « [C]’est grand bal parmi les jeunes arbres ». L’auteure nous invite à vivre autrement cette nudité : « Au travers du sous-bois / Les anges vont sans perles ».

Et si l’effroi est chevillé au cœur, en ces temps – eau démesurément troublée –, y compris lorsque l’on déambule avec ses souvenirs, avec ses souvenirs d’avant les souvenirs, parmi les chênes, parmi les hêtres, parmi les bouleaux, parmi les châtaigniers, parmi les charmes, et les pins, et les sapins, et les saules, et les épicéas (« Pourquoi l’effroi va-t-il au bois ? »), rejoindre la mer, rejoindre ce bleu, vivant psaume : « [l]e monde commence ici avec son air de tissu bleu » ; « [l]e bleu habite sur la terre ».