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Roman

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Rivages poche

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge, Rivages Poche, octobre 2023, trad. anglais, Suzanne V. Mayoux, 528 pages, 12 €

Pour L’Auteur ! l’auteur !, publié en 2004, David Lodge se fait romancier du réel d’un… autre romancier. En effet, il s’appuie, pour raconter essentiellement la frustration d’Henry James par rapport au succès littéraire, en particulier théâtral, sur « des sources factuelles », mentionnées en fin de volume, et tous les personnages de ce roman ont bel et bien existé, certains ayant été voire étant toujours renommés. Lodge, ainsi qu’il l’écrit en préambule, a « usé d’une licence de romancier en relatant ce qu’ils pensèrent ou ressentirent et les propos qu’ils échangèrent », d’où un fort travail sur des dialogues enlevés, à la teneur et au rythme plausibles, et une grande profondeur psychologique globale offerte à tous les personnages principaux, qu’il s’agisse de James, ses amis, sa famille ou même ceux à son service, secrétaires ou domesticité. Le travail romanesque est aussi lié à la structure du roman, remarquable parce qu’elle permet un aperçu de la carrière et la vie privée d’Henry James tout en restreignant la narration à son agonie et sa mort (première et quatrième parties, les plus brèves, de décembre 1915 à février 1916), et à son désir de devenir un auteur dramatique reconnu, de 1880 à 1897, année où il emménage à Lamb House, son refuge idéal trouvé après des années de villégiatures diverses et même un vague projet vénitien.

Le fruit le plus rare, ou La vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 01 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Gallimard

Le fruit le plus rare, ou La vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem, Gallimard, août 2023, 256 pages, 20 € Edition: Gallimard

Gaëlle Belem, écrivaine réunionnaise inspirée nous transporte dans le contexte quotidien de cette île intense de l’Océan Indien au XIXe siècle en reconstituant, de sa naissance en 1829 à sa mort en 1880, la vie mouvementée, bouleversée et bouleversante, d’un des plus célèbres esclaves noirs de l’histoire coloniale française, le génial inventeur de la pollinisation manuelle de la fleur du vanillier, Edmond Albius.

Orphelin dès sa naissance de parents esclaves qu’il ne connaîtra donc jamais, le négrillon est, chose en soi exceptionnelle, adopté par son maître, Ferréol Beaumont, veuf, âgé de trente-sept ans, propriétaire de la plantation et des dizaines d’esclaves y faisant partie des meubles.

Ferréol, piètre exploitant de sa plantation sise à Sainte-Suzanne, se passionne pour la botanique, passe le plus clair de son temps à entretenir un espace entièrement dévolu à la fascination qu’il éprouve pour les orchidées et, depuis qu’il a eu connaissance de la découverte de la vanille en Amérique, est obsédé par le mystère, que personne n’a encore pu percer, de la fécondation de cette merveille, dont la production de gousses parfumées, ce « fruit le plus rare », pourrait faire sa fortune, celle de son île, voire celle de son pays.

Les Insolents, Ann Scott (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 01 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Calmann-Lévy

Les Insolents, Ann Scott, Calmann-Lévy, août 2023, 198 pages, 18 € Edition: Calmann-Lévy

 

Le dernier Prix Renaudot est le roman d’une solitude, acceptée, sinon vaincue.

Alex, musicienne, en a marre de Paris, de ses ambiances, de ses contraintes et s’exile en Finistère profond.

Elle a pourtant là des attaches, sérieuses, Jean, Jacques, Margot.

Mais l’attrait pour le sauvage, les plages solitaires, le retrait du monde, tout est plus fort.

Il faudra vaincre le froid, une maison mal chauffée, on est loin de tout. La moindre course devient une aventure.

Alex réapprend l’essentiel : le minimum vital, la marche le long de l’océan, la solitude, les parcours quotidiens avec soi, loin de toutes les futilités, loin des rapports obligés.

Plasmas, Céline Minard (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 30 Janvier 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, En Vitrine, Rivages poche, Cette semaine

Plasmas, Céline Minard, Rivages Poche, octobre 2023, 176 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Rivages poche

 

La plume de Céline Minard est incapable de résister à la tentation d’un bon sujet, d’une bonne histoire, à raconter d’un style implacable, une langue à la fois simple dans sa structure et poétique dans ses envolées. Cette fois-ci, pour les nouvelles composant Plasmas, c’est la science-fiction qui a tenté cette plume rigoureuse et pourtant joueuse. Le verbe « composer » n’est pas vain, car ces dix nouvelles, dans leur disparité thématique apparente, dialoguent, se répondent, incitent le lecteur à voyager de l’une à l’autre pour vérifier un écho, une impression fugace – l’écho le plus évident étant entre Boules à neige et La Kuïn, puisque les deux évoquent une « boule de verre liquide » permettant de visualiser la planète, à ceci près que dans la première nouvelle, elle sert à un souvenir lointain à des désormais nomades interstellaires, tandis que dans la seconde, elle sert à une Greta Thunberg pré-apocalyptique (c’est-à-dire : juste avant) à une démonstration de l’état du monde que seuls les moins de douze ans semblent comprendre tripalement. Un autre écho, subtil, est relatif aux papillons, à leur importance comme signaux, que ce soit dans Casino Baldo, Uiush ou, à nouveau, La Kuïn.

La chaise du fond, Christian Milleret (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 29 Janvier 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

La chaise du fond, Christian Milleret Éditions du Petit Pavé – Mars 2013 180 pages – 18 €

Le début du roman nous prépare à la possibilité d’une « libération » pour son héros, Vincent : en pleine fleur de l’âge, celui-ci ne cesse de ressentir chaque jour l’espace étriqué de son village, l’esprit étriqué de ses habitants – apparemment, ceux-là acceptent sans conscience un quotidien monotone et dépourvu de relief. Face à cela, Vincent attend impatiemment que s’achève le dernier été qu’il passera dans son village, car il a décidé de rejoindre la capitale, ses lumières et son cousin Tom. Obsédé par le destin d’un père mort trop tôt – un père alcoolique et parfois violent, trop intelligent pour supporter les vicissitudes d’une vie rétrécie –, le héros a pour ambition de « vivre » et d’affirmer une volonté dont semblait incapable son père. Néanmoins, ses plans demeurent incertains.

Le roman annonce ainsi le tressage d’un chemin de réussite, celui d’un « provincial » encore néophyte. La détermination du personnage est telle (notamment pour sortir de sa situation de départ) qu’on le croit prêt à braver tout obstacle et à dépasser, sur sa voie future, les derniers pans écroulés de sa naïveté. Mais si la réussite, en l’occurrence celle de Thomas, fait bien partie du paysage parisien dans lequel il tombe, les circonstances s’apprêtent lentement à favoriser la désillusion. La ville et ses lumières, convoitées avec tant de force, laisseront progressivement place à un espace plus obscur.