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Roman

Oublie les femmes, Maurice, Florent Jaga (par Olivia Guérin)

Ecrit par Olivia Guérin , le Mercredi, 27 Novembre 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Oublie les femmes, Maurice, Florent Jaga, Editions Quadrature, 2019, 115 pages, 16 €

 

Florent Jaga ou l’amour vache

Chez Florent Jaga, l’amour n’est pas une sinécure. Dans les couples qui sont au cœur du recueil Oublie les femmes, Maurice, ça se chamaille, ça se déteste, ça se méprise, ça s’étripe, ça cherche de temps à autre à se zigouiller. Et parfois – parfois seulement –, ça se rabiboche.

Les quatorze nouvelles qui forment ce recueil constituent au premier chef une galerie de portraits contemporains d’une agréable causticité. On y croise, entre autres, des filles exhibitionnistes, des pin-up, une belle brochette de frustrés, des voyeurs, un pompier tueur en série, un prêtre amoureux d’une effrontée, et surtout beaucoup de couples déglingués qui se dédaignent ou s’indiffèrent.

Dégaine, Manon Godet (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 27 Novembre 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions du Cygne

Dégaine, Manon Godet, Editions du Cygne, mai 2024, 158 pages, 16 € Edition: Editions du Cygne

 

« Dégaine », voilà un titre qui interpelle, jaillit du langage comme une arme tranchante prête à décimer les rages pourrissantes, à chasser la nuit.

L’auteure écrit pour ne pas « finir dans un trou de mémoire », « ne pas devenir ce trou », pour construire, exorciser ce qui la hante, évincer la peur du noir. Elle sait relater avec force et pudeur la douleur des femmes blessées, en donnant vie à des personnages féminins, qui selon ses propres mots, « sont comme moi ».

Et puis il y a la résilience, rendue possible par « la métamorphose vers le “je” », les instants où l’on fait « hurler la vie », où on l’irrigue, où l’on se distancie d’un passé trop dur :

« Ça n’a pas à être réel si je ne le veux pas », dit la narratrice, offrant un écho en miroir aux mots de Boris Vian : « Cette histoire est vraie puisque que je l’ai inventée ».

Julienne, Scholastique Mukasonga (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 26 Novembre 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Afrique, Gallimard

Julienne, Scholastique Mukasonga, Gallimard, Coll. Blanche, mars 2024, 218 pages, 20,50 € . Ecrivain(s): Scholastique Mukasonga Edition: Gallimard

 

Néonatalécriture

Le livre de Julienne a été long à venir au monde. Écrire et accoucher s’apparentent. Nous comprenons à la toute fin du livre que Scholastique Mukasonga a pris du temps pour sortir d’elle cette chair des mots, ce viscère qui après tout a peut-être plus de puissance vitale que n’importe quel enfant à naître. Il est peut-être, c’est un homme qui écrit donc quelques précautions sont à prendre pour le lire, une chair du livre qu’adosse l’éternité quand chaque enfant qui naît, non.

Lire Julienne paru dans la Blanche de Gallimard ouvre à cette lecture d’Afrique et singulièrement nous renvoie entre Rwanda et Burundi. C’est entre les deux pays que Scholastique Mukasonga écrit, sur cette frontière que sont les lignes de son ventre, de son encre, de ses vies.

Intermezzo, Sally Rooney (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 25 Novembre 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard

Intermezzo, Sally Rooney, Gallimard, Coll. Du monde entier, septembre 2024, trad. anglais (Irlande), Laetitia Devaux, 464 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

Deux frères, que tout oppose, Péter et Yvan Koubek, se retrouvent après des années d’éloignement pour enterrer leur père. Peter, le frère aîné, trente-deux ans, est un avocat apprécié qui sait briller en société. C’est un séduisant beau parleur aux multiples conquêtes féminines. Yvan, au contraire, de dix ans son cadet, est un peu autiste et se montre très maladroit en société. En revanche, ce dernier est un brillant joueur d’échecs qui fascine par sa profondeur et sa pensée logique.

Malgré leurs différences, tous deux éprouvent un sentiment de vertige et de vacillement à la mort de leur père. Peter, évoquant son père, se dit en lui-même : « il n’était même pas vieux, les gens ne cessaient de le répéter, à peine soixante-cinq ans, Peter a atteint la moitié de cet âge trente-deux ans et-demi. Selon ce calcul, il en est presque à la moitié de sa vie ». Et Yvan, songeant à son père, profère : « Une personne morte n’existe plus qu’en pensée. Et si elle n’existe plus en pensée, là, elle a vraiment disparu. Si je ne pense pas à lui, c’est comme s’il disparaissait une seconde fois ».

Les Ephémères (Mayflies), Andrew O’Hagan (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 19 Novembre 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Métailié

Les Ephémères (Mayflies), Andrew O’Hagan, Métailié, août 2024, trad. anglais (Ecosse), Céline Schawller, 288 pages, 21,50 € Edition: Métailié

 

Ce sont les années Thatcher qui constituent la toile de fond de ce roman. Andrew O’Hagan dépeint ces moments particulièrement durs pour la classe ouvrière qui, de grèves en difficultés pécuniaires, a connu des soumissions à l’ordre financier comme jamais. Le monde que l’auteur met en scène est celui des jeunes qui vivent un moment ingrat dont les perspectives relèvent du « no futur » que les punks éructèrent quelques années auparavant. C’est dire aussi que la musique est omniprésente, celle populaire, mais ô combien idoine pour cette époque.

C’est dans ce contexte des années 80 que l’auteur va faire naître et durer une amitié entre Tully Dawson et le narrateur. Tully Dawson est ce garçon fantasque d’une vingtaine d’années qui, en mal de repères familiaux, se tourne vers le cinéma, la musique, et le foot. Nous sommes en Écosse et la jeunesse se morfond dans le chômage et les difficultés qui vont avec, le fric, l’ennui au quotidien, l’alcool, la drogue, ce qui résonne comme une évidence mais ce qui, ici, est le socle d’une amitié qui va se sceller lors d’une virée à Manchester.