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Roman

L’oiseau qui buvait du lait, Jaroslav Melnik (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 18 Octobre 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Russie, Actes Sud

L’oiseau qui buvait du lait, Jaroslav Melnik, Actes Sud, janvier 2023, trad. russe, Michèle Kahn, 492 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Jaroslav Melnik Edition: Actes Sud

 

Audra Rumšaite, photographe, a reçu une commande d’un magazine féminin, elle doit prendre des photos de la ville de Vilnius en Lituanie. Nous sommes au mois d’octobre, elle gravit le mont des Trois-Croix, le jour à peine levé pour avoir une vision panoramique de la ville. Arrivée au sommet alors que le soleil commence à percer, elle aperçoit décrivant des cercles au-dessus de Vilnius un grand aigle planant toutes ailes déployées. Son premier réflexe est de vouloir saisir l’oiseau en plein vol, mais en bonne professionnelle elle plante les pieds de son appareil dans la terre et elle prend des photos du paysage à peine éclairé d’un soleil rougeoyant. Son travail achevé, elle voit dans son objectif l’oiseau continuant à décrire ses courbes dans le ciel. Là, elle le saisit puis se prépare à reprendre sa route lorsqu’elle voit à travers les feuillages une masse gisant sur le sol.

Construire un feu (To Build a Fire, 1902), Jack London (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 17 Octobre 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, En Vitrine, Libretto, Cette semaine

Construire un feu (To Build a Fire, 1902), Jack London, éditions Libretto, trad. américain, Paul Gruyer, 176 pages . Ecrivain(s): Jack London Edition: Libretto

 

Le cadre de l’histoire, dans le froid extrême d’un Yukon en grande partie inhabité, établit d’entrée le rôle principal de la nouvelle : la Nature. On est loin de celle des romantiques qui communique avec l’âme des hommes. La Nature de ce récit est impassible, d’une cruauté tranquille dans son indifférence. A sa manière, Jack London rejoint dans ce texte sublime, le chant des grands panthéistes que furent avant lui Spinoza et Thoreau. Mais en déifiant le monde naturel, London en fait un Dieu terrible, dénué de tout affect, de toute attention, à mille lieues du Dieu bienveillant des Chrétiens. Le Dieu de Spinoza est plus proche, il est la Nature et ne connaît donc ni compassion, ni amour, ni cruauté, il est, simplement, englobant le Grand Tout.

Le ciel est vide, blanc comme un linceul, immense comme l’éternité. La terre est à l’unisson, infinie, immaculée, déserte. L’homme de cette nouvelle est seul au monde et n’a d’autre compagnon que son chien dans ce paysage spectral.

D’un monde qui n’est plus, Israël Joshua Singer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 11 Octobre 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Les Belles Lettres

D’un monde qui n’est plus, Israël Joshua Singer, Les Belles-Lettres, janvier 2023, trad. yiddish, Henri Lewi, 326 pages, 15,50 € Edition: Les Belles Lettres

 

 

À partir de 1935 et jusqu’au début de la guerre, un photographe d’origine russe, Roman Vishniac (1897-1990) entreprit, dans des conditions difficiles, de photographier la vie des ghettos et villages juifs d’Europe orientale. Dissimulant son appareil, il prit des milliers de clichés – seize mille – dont il ne put sauver qu’une fraction, les négatifs ayant été cousus dans ses vêtements lorsqu’il s’exila aux Etats-Unis, ou cachés en France. Il en résulta un livre magnifique, un des plus beaux ouvrages de photographie, A Vanished World, d’autant plus émouvant que le monde décrit avait disparu à jamais, fondu dans les flammes de la Shoah, et que la plupart des personnages figurant sur les photographies avaient été massacrés par l’Allemagne.

Des deux hémisphères, Françoise Cohen (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 11 Octobre 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, L'Harmattan

Des deux hémisphères, Françoise Cohen, L’Harmattan, mars 2023, 128 pages, 14,50 € Edition: L'Harmattan

 

Françoise Cohen avait publié un petit recueil de nouvelles d’une écriture fine et sensible, L’Empreinte volée, et déjà les personnages baignaient dans un univers onirique tout empreint d’un sentiment « d’inquiétante étrangeté » où, selon le concept forgé par Freud, le familier surgit comme étranger et nous ôte toute quiétude. L’auteure publie à nouveau dix nouvelles autour de personnages expatriés, souvent d’Amérique latine, qui semblent flotter entre deux continents, entre veille et sommeil, entre une vie ordinaire et un monde extraordinaire, entre contraintes du réel et fantaisies de l’imagination. A l’instar d’un des personnages, Malena, qui préfère retirer ses lunettes de myope pour voir flou, Françoise Cohen dessine un paysage de brume. Les identités se brouillent, la narration oscille entre première, deuxième et troisième personne et une vague perturbation menace le cours des vies : la docteure, Nausicaa, s’apprête à greffer un grand brûlé et voit son père inconnu refaire surface. Un samedi, Francesca croule sous le poids de ses courses et se laisse troubler par une étrange rêverie. Une autre Francesca, en visite chez un cardiologue à Buenos Aires, reçoit un étonnant diagnostic tandis que, dans la même capitale, une famille se fait braquer.

Le Diamant orphelin, William Irish (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 10 Octobre 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Le Diamant orphelin, William Irish, Folio, mai 2023, trad. anglais (USA) Laurette Brunius, 288 pages, 8,10 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Paru originellement en 1985, Le Diamant orphelin est un recueil de huit nouvelles publiées entre 1935 et 1942, durant l’âge d’or du « hard boiled » américain, par l’auteur new-yorkais William Irish. À l’époque, les éditeurs ne veulent plus entendre parler de ses romans (qui ont pourtant rencontré un certain succès durant les années vingt ; ils le connaîtront à nouveau à partir de 1940 et du fabuleux La Mariée était en noir), et il écrit des nouvelles pour des « pulps », dont le célèbre Black Mask, sous différents pseudonymes. Une édition critique de ces nouvelles, environ trois-cent-cinquante, pourrait faire l’objet d’un projet éditorial, mais cela risquerait d’avoir le même intérêt que ces intégrales d’enregistrements blues ou jazz effectués à la même époque : ce sont des chansons enregistrées pour être écoutées sur un soixante-dix-huit tours, cinq minutes à la fois maximum, pas pour être écoutées en collection de plus d’une heure à la fois. Ou alors, sous forme d’une bonne compilation destinée à montrer la diversité stylistique de l’artiste musical. Il en va de même pour les nouvelles policières écrites à la chaîne par un William Irish : un recueil à la fois, un florilège, ça convient à leur donner du relief et offrir le plaisir de la lecture.