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Les en dehors, La liberté pour horizon, Stéphane Beau (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Les en dehors, La liberté pour horizon, Stéphane Beau, Éditions du Petit Pavé, 2011, 186 pages, 18 €

 

Avec Les en dehors, Stéphane Beau publie son troisième roman qui s’inscrit explicitement dans la veine de quelques-uns de ses auteurs favoris – Henry David Thoreau dans Walden, Ernst Jünger dans Eumeswil, Cormac McCarthy dans La Route et, en filigrane, Albert Camus dans La Peste. Le livre n’est pas non plus sans rappeler le film de Sean Penn, Into the Wild.

L’auteur opte du début à la fin pour une écriture on ne peut plus limpide qui rend la trame narrative facile à saisir. Une épidémie de peste birmane sème la mort et la désolation derrière elle. Aucun antibiotique ne réussit à enrayer son inexorable progression dans toute l’Europe : « Les frontières se fermaient les unes après les autres et chaque gouvernement faisait de son mieux pour limiter la casse et éviter la panique ».

Léopold Fort, un ancien libraire qui a tout plaqué pour se retirer, seul, avec son amour des livres et sa misanthropie, dans une bicoque en ruine sise au milieu de nulle part, se prend d’affection, à son insu, pour Colas, un orphelin de sept ans qu’il croise par hasard et dont il sauve la vie in extremis.

Le Journal d’un haricot, Olivier Hobé (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Apogée

Le Journal d’un haricot, Olivier Hobé, Editions Apogée, 2011, 64 pages, 12 € Edition: Apogée

 

« Je respire du Quentin, sa maladie me bouffe, m’envahit, je le sens, je le renifle, il n’a jamais été aussi proche de moi. On me regarde écrire. Dans un café, on se rend compte de la solitude des loutres. Il me semble être l’une d’elles ». Ainsi s’achève, dans une langue horizontale tendue comme la moire, tirée au cordeau, où presque rien ne dépasse, mais qui ne rompt jamais sa texture sensible, Le Journal d’un haricot qu’Olivier Hobé a tissé de notes prises au quotidien.

Un drôle de titre, qui pourrait, de prime abord, dérouter le lecteur friand de mises en bouche truculentes. On s’attend à parcourir un énième conte de la Collection Milan Jeunesse, mais sûrement pas le récit d’une loutre tentant de se tenir au plus près de celui qui, le plus souvent, est nommé par la lettre Q.

On devine que le haricot en question est une plante herbacée d’un genre peu amène, dont gousses et graines n’ont rien de comestible, qui creuse avidement, dans le dédale des entrailles, une galerie de tchernoziom, avec pics et à-pics :

Rétrospective, Avraham B Yehoshua

Ecrit par Anne Morin , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Bassin méditerranéen, Roman, Grasset, La rentrée littéraire

Rétrospective, trad. hébreu Jean-Luc Allouche, 24 août, 478 p. 22 € . Ecrivain(s): Avraham B Yehoshua Edition: Grasset

 

L’innocence, la défense, au double sens de protéger, et d’interdire, sont moins les prétextes que les fils conducteurs de ce livre dense qui commence par une rétrospective et s’achève sur une perspective, une ouverture, un point de fuite, un point d’orgue.

Un metteur en scène israélien vieillissant, à la limite de l’épuisement sinon de l’éreintement, est convié à une rétrospective de ses œuvres par un prêtre cinéphile, directeur des archives à Saint-Jacques de Compostelle. Il est accompagné de Ruth, l’actrice fétiche qui a traversé la majeure partie de ses films.

Le monde du cinéma, par essence monde du décor, de l’illusion, de la chimère où les acteurs deviennent des figures : « (…) la femme avec laquelle j’ai été marié ne comprenait pas la nature de la relation que j’ai continué d’entretenir avec la figure – Ruth – que le scénariste m’avait laissée » (p.244), revient à Yaïr Mozes, le metteur en scène, comme un boomerang, au soir de sa vie et de son inspiration.

Le ravin du chamelier, Ahmad Aboukhnegar (recension 2)

Ecrit par Nadia Agsous , le Vendredi, 31 Août 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Pays arabes, Sindbad, Actes Sud

Le ravin du chamelier, (2012), trad. de l’arabe (Egypte) par Khaled Osman, 207 p. . Ecrivain(s): Ahmad Aboukhnegar Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Le Ravin comme métaphore du monde


Tout commence par une scène de lutte acharnée. Un face à face féroce, dans un lieu transformé en champ de bataille, entre, d’une part, des hommes « à bout de nerfs, brandissant leurs gourdins sans oser passer à l’attaque ». Et d’autre part, la femelle-serpent qui les défie « ostensiblement » depuis plus de trois jours poussant sa bravade jusqu’à faire tourner ses adversaires « en bourriques ».

Dès le début du roman, Ahmad Aboukhenegar, romancier égyptien, nous introduit au cœur d’une histoire de vengeance ; une intrigue du genre fantastique qui met en scène des hommes et une femelle-serpent engagés dans une « guerre » où les premiers, « mus par une haine enfouie – et – une répulsion instinctive », tenant dans leurs mains haches et gourdins, les sens aux aguets, solidaires des uns et des autres, déploient toute leur énergie et leurs forces pour se défendre des velléités vengeresses voire meurtrières de leur ennemie ancestrale, la femelle-serpent qui hante leur imaginaire et réveille leurs peurs archaïques.

Autour de moi, Manuel Candré

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Août 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Autour de moi, 31 août 2012.102 p. 11,90 € . Ecrivain(s): Manuel Candré Edition: Joelle Losfeld

Ce petit livre – par la taille – constitue une véritable découverte littéraire. Manuel Candré, pour son premier roman, s’inscrit d’entrée dans ce que la littérature nous réserve de temps en temps, trop rarement, la révélation d’un talent explosif.

Autour de moi est structuré comme un journal intime asynchrone puisque relatant des événements et des affects vécus quelques décennies auparavant, rédigé entre le 4 juillet 2007 et le 9 septembre 2010. Nous sommes conviés à la rude visite de l’enfance du narrateur. Evénements intimes qui ont pour cadre la cellule familiale et donc pour héros le père, la mère, les grands-parents, le « autour de moi » d’un enfant qui, devenu adulte et mûr, se retrouve littéralement obsédé par ces images, ces souvenirs brûlants et douloureux d’une famille à la fois héroïque et banale, grande et pathétique, belle et indigne. Une famille. Dans l’hypothèse permissive qu’elle implique, dans les bassesses qu’elle génère, dans les moments magnifiques où se croisent les rêves de chacun, et dans les trous où échouent lamentablement les idéaux les plus beaux.

L’enfant souffre deux fois semble nous dire ce morceau d’enfance. Il souffre des malheurs, la mort de la mère, l’alcoolisme et la brutalité du père, la dureté de la vie. Mais il souffre aussi, une fois de plus, la plus âpre sûrement, de sa propre fragilité, de sa faiblesse d’enfant, de la palpitation de ses rêves profonds, de l’absurdité magnifique de ses espoirs.