Identification

La Une Livres

Sauver Mozart, Raphaël Jérusalmy

Ecrit par Anne Morin , le Vendredi, 18 Mai 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Actes Sud

Sauver Mozart, Mars 2012, 150 p. 17,10 € . Ecrivain(s): Raphaël Jérusalmy Edition: Actes Sud

Un trait d’humeur, d’humour, ou de la manière de traiter de façon légère, un sujet sulfureux. Pianissimo. Ou comment un homme-musique, miné par la tuberculose, cloîtré dans un sanatorium à Salzbourg, en pleine guerre, va tenter de changer le cours de l’Histoire. La frontière est-elle étanche entre son monde et le monde extérieur ? « Le frôlement des mondes (…) Coexister, c’est aussi savoir s’ignorer » (Raphaël Jérusalmy, Libération, la semaine de l’écrivain, 6 mai 2012). Entre ces deux mondes qui interfèrent, Otto Steiner, le narrateur, va servir de passeur prémonitoire, d’interprète : « Dimanche 8 octobre 1939 (…) J’ai rêvé de monter un orchestre. Avec les malades. Ça m’a fait rire. Tous ces squelettes en pyjama jouant du Schubert à l’entrée du réfectoire ! C’est trop cocasse » (p.28).

C’est l’histoire, par journal, lettres et partitions interposés, d’actes manqués, une histoire à côté, l’histoire d’un fou de musique dont le corps se décompose encore vivant, et qui ne tient que par la musique : « Je me souviens de centaines d’airs, des paroles de tous les grands opéras, en italien, en allemand, en français, des noms des maestros et des divas, des applaudissements. Ils résonnent dans ma tête. Ils me battent les tympans. S’ils me prennent la musique… » (p.57).

L'aiguillon de la mort, Toshio Shimao

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 15 Mai 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Biographie, Roman, Japon, Philippe Picquier

L’aiguillon de la mort, trad. japonais par Elisabeth Suetsugu, 2012, 641 p. . Ecrivain(s): Shimao Toshio Edition: Philippe Picquier

 

Toshio, écrivain, mène une double vie tranquille, organisée, avec d’une part Miho, son épouse depuis dix ans, et ses deux enfants Shinichi et Maya, avec d’autre part sa maîtresse, désignée tout au long du récit par le syntagme « la femme », depuis à peu près autant de temps.

Tout se passe bien jusqu’au jour où Miho lui annonce, brutalement, qu’elle sait tout.

Ce roman autobiographique commence à ce moment précis : Toshio, auteur-narrateur, est mis par Miho en face de soi au cours d’un interminable et virulent interrogatoire sur les détails les plus intimes de son adultère et sur les raisons pour lesquelles il a éprouvé pendant tant d’années le besoin de fréquenter « la femme ».

Pendant trois jours, sans répit, Miho questionne, veut savoir, tout savoir, le contraint à raconter, compter, expliquer, s’expliquer, s’accuser, s’excuser.

Toshio s’étant engagé à rompre et à ne plus jamais rien cacher, la tempête s’apaise et la vie de la famille semble reprendre son cours.

Un homme de tempérament (A Man of Parts), David Lodge (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 10 Mai 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Biographie, Roman, Payot Rivages

Un homme de tempérament (A Man of Parts). Trad de l’anglais Martine Aubert. 2012. 706 p. 24,50 € . Ecrivain(s): David Lodge Edition: Payot Rivages

 

Les « Lodge’s fans » doivent être avertis : ce livre se situe dans la ligne de « Author ! Author ! » : c’est son second roman/biographie. Le premier s’intéressait à Henry James. A son échec cuisant en tant qu’écrivain pour le théâtre. Et – pour être honnête – nous sommes quelques-uns, parmi les fans de Lodge, à ne pas en avoir gardé un souvenir impérissable (longueurs, linéarité, temps morts …)

 

Dans « Un homme de tempérament » Lodge se penche sur son compatriote, le passionnant et complexe H.G. Wells, l’auteur inoubliable de « la guerre des mondes » et « la machine à explorer le temps ». Et David Lodge nous offre un roman éblouissant qui fait vivre non seulement un personnage fascinant mais aussi un monde qui ne l’est pas moins : celui des rêves scientistes et progressistes, celui des sociétés et cercles d’intellectuels « engagés » qui rêvent d’une modernité faite de justice, de raison et de liberté.

Zeitoun, Dave Eggers

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 09 Mai 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Récits, Gallimard

Zeitoun, trad. USA par Clément Baude, Avril 2012, 410 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Dave Eggers Edition: Gallimard

Ce livre n’est pas un roman, nous avertit l’auteur en préambule, mais un récit. Une histoire vraie, où « les dates, les horaires, les lieux, et les autres faits décrits ont été confirmés par des sources indépendantes et par l’historique des événements. Les conversations ont été retranscrites au plus près des souvenirs qu’en ont les personnes concernées. Certains noms ont été modifiés ».

Le livre raconte l’histoire d’Abdulrahman Zeitoun, dit Zeitoun, car personne n’arrive à prononcer le nom de ce Syrien émigré aux Etats-Unis. Il est marié à une américaine convertie à l’Islam, Kathy, avec laquelle il a trois enfants. Elle a un enfant d’un précédent mariage.

Zeitoun est entrepreneur. Il dirige une entreprise de peinture et de bâtiment. C’est un bricoleur hors pair. Il est « capable de voir un bâtiment en ruines et non seulement d’imaginer tout ce que l’on pouvait en faire, mais de savoir avec précision ce qu’il en coûterait et le temps qu’il faudrait ».

Il habite à La Nouvelle-Orléans.

Le récit se concentre sur le passage de l’ouragan Katrina à l’été 2005 et sur ses conséquences.

Un peuple de promeneurs, Alexandre Romanès

Ecrit par Lionel Bedin , le Mercredi, 09 Mai 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Gallimard

Un peuple de promeneurs, 2011, 128 pages, 11 € . Ecrivain(s): Alexandre Romanès Edition: Gallimard

 

Les Gitans n’ont pas de chance : « Rien n’est plus visible qu’une minorité » et, autre particularité de cette “minorité”, “être Gitan c’est aller en prison plus vite qu’un autre” ». Les Gitans, on ne les croit jamais : « si tu veux dire la vérité / assures-toi que tu as un bon cheval » et on les prend toujours pour des voleurs – alors que « Vous les Français, vous avez volé la moitié de l’Afrique. / Curieusement, on dit jamais / que vous êtes des voleurs ». Dans Un Peuple de Promeneurs, dans ces histoires tziganes, il est donc souvent questions de brimades, de tracasseries administratives, des difficultés de la vie sociale, et des CRS. Mais il n’y a pas que les flics dans la vie, même s’ils sont envahissants. Alors on passe d’un poème où il est question des CRS – dont un CRS amoureux d’une Gitane – à la réflexion d’un gamin de dix ans : « Papa, ça serait joli s’il n’y avait que des femmes ». Des femmes comme la délicieuse Délia – « je ne bois jamais d’alcool / je ne bois que du champagne » – qui se demande « comment font les gadjos / pour reconnaitre leur maison ? / D’abord, elles sont moches, / et elles se ressemblent toutes ». Mais Délia restera-t-elle parmi les siens ? Car « Délia ou le vent, c’est pareil ».