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Critiques

Peindre l’hiver, Notes sur La Pie de Claude Monet, Gérard Titus-Carmel (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Jeudi, 08 Juin 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts, L'Atelier Contemporain

Peindre l’hiver, Notes sur La Pie de Claude Monet, Gérard Titus-Carmel, L’Atelier Contemporain, Collection Phalènes, avril 2023, 32 pages, 7 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

La fausse candeur du blanc

Que peindre, comment peindre et pourquoi ? Tant d’interrogations présentes à l’esprit de celui qui cherche à fixer un sujet sur la toile. A la première question, l’artiste qui s’engage dans une œuvre a sans doute la réponse. Quoique ? On sait que dans n’importe quel domaine artistique, l’idée initiale qui motive la création peut être oubliée, dépassée, surmontée en cours de route. Il suffit de penser au documentaire de Henri-Georges Clouzot, Le Mystère Picasso, où l’on voit le peintre tâtonner dans sa démarche, aller d’une forme première à une autre, sans que la dernière ne puisse pleinement, semble-t-il, le satisfaire. Pour reprendre des mots de Maurice Blanchot, c’est « une œuvre qui s’accomplit en se supprimant, qui se prouve en se confrontant avec elle-même et se suspend tout en s’affirmant ».

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 07 Juin 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Le Livre de Poche, En Vitrine, Cette semaine

La Mort à Venise (Der Tod in Venedig, 1912), Thomas Mann, Le Livre de Poche, trad. allemand, Félix Bertaux, Charles Sigwalt, Axel Nesme, 138 pages . Ecrivain(s): Thomas Mann Edition: Le Livre de Poche

 

Roman d’un déclin inéluctable inscrit dans une Venise glauque, écrasée de soleil et de puanteurs, assaillie par une épidémie de choléra, La Mort à Venise est un thrène dédié à la vieillesse et à la déchéance d’un homme. Loin, très loin des clichés de la Venise des fêtes et des touristes de la Place Saint-Marc, cette novella nous invite à entendre les derniers élans, la dernière passion, les derniers doutes, le dernier désespoir, le dernier souffle de Gustav Aschenbach, un écrivain quinquagénaire, venu à Venise pour nourrir son amour des arts et échapper un temps à sa ville d’origine, Munich, qui le déprime.

C’est un Ange qui va l’accompagner dans ce dernier chemin. Un Ange droit sorti d’un tableau de Léonard, aux traits fins, presque féminins, aux cheveux longs et ondulés. Tadzio. Dans les lignes qui suivent, surgit le Saint Jean-Baptiste de maître Leonardo, et Mann place l’image réelle au-dessus de celle de l’artiste.

Les Enfants Oppermann, Lion Feuchtwanger (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 31 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Métailié, En Vitrine

Les Enfants Oppermann, Lion Feuchtwanger, Editions Métailié, février 2023, 400 pages, 23 € . Ecrivain(s): Lion Feuchtwanger Edition: Métailié


1933, 2023, quatre vingt dix ans séparent la première publication de ce roman de sa présente seconde édition chez Métailié. Une réédition donc qui intervient dans un contexte fragile pour nos démocraties, une réédition qui elle aussi veut nous alerter de certains dangers, et c’est tant mieux, mais qui s’adresse aussi et surtout à des lecteurs de prime abord acquis à la cause démocratique, en tout cas pour la plupart. C’est toute l’ambivalence de ces publications dont on vante mérite et bienfaits, mais dont on se cache qu’elle ne sera sans doute pas lue par ceux qu’elle vise… Sans doute le ton du livre est-il à l’œuvre dans l’expression pessimiste ici écrite. Et pourtant…

En 1933, l’auteur a fui l’Allemagne pour se réfugier en France, à Sanary, qui lui aura servi pour des descriptions de notre midi méditerranéen, alors que le personnage central a quitté l’Allemagne nazie pour les environs de Toulon. Mais nous nous situons là à la presque fin du roman (sans pour autant en dévoiler la toute fin).

Scholomance, Tome 1 Éducation meurtrière, Naomi Novik (Par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Scholomance, Tome 1 Éducation meurtrière, Naomi Novik, éd. J’ai Lu, avril 2023, trad. anglais (USA) Benjamin Kuntzer, 384 pages, 8,60 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

La carrière éditoriale de l’Américaine Naomi Novik vient d’entrer dans une troisième période. La première fut celle de la remarquable série Téméraire (2006-2016), une rencontre en neuf tomes entre Cecil Scott Forester et Robin Hobb, pour faire très bref. La deuxième fut composée de deux romans sublimes : Déracinée (2015) et La Fileuse d’argent (2018), deux histoires qui plongeaient dans le folklore de l’Est de l’Europe, tant yiddish que slave, proposant chacune la destinée d’une jeune femme confrontée à une magie terrifiante et pourtant magnifique ; deux romans multi-primés, deux chefs-d’œuvre d’une fantasy plongeant aux racines du genre, en l’occurrence le conte (dans le genre, on ne voit que la Trilogie d’une nuit d’hiver de Katherine Arden à posséder autant de grâce et de puissance narrative).

La Maison, Julien Gracq (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 30 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Editions José Corti

La Maison, Julien Gracq, éditions Corti, avril 2023 (récit inédit, incluant le récit, son manuscrit et la postface), 77 pages, 15 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

La Maison, ce titre banal et qui recouvre un terme familier, rassurant. Un abri, une terra cognita. Dans ce court récit, Julien Gracq ménage la montée en puissance de l’inconnu, de l’autre côté des choses.

La maison à la façade austère, biscornue, mangée de végétation dont pourtant elle ne cesse d’émerger, là où rien ne paraît habitable, où tout se retranche, du paysage et de la vie, la maison symbole de stabilité, de durée, de plain-pied, reprise par les herbes folles, les lierres et la végétation accrochés à elle sans pour autant la faire sombrer, peu à peu s’anime.

Pour le narrateur, il s’agit d’en avoir le cœur net – belle expression pour ce cheminement à travers paysages et climats variés sur une distance pourtant très restreinte, pour cet égarement, puisque cette entrée en matière, où celui qui guette, qui chasse, à l’affût, se mue peu à peu en proie, et le pouvoir, la force d’attraction de la maison en guet-apens.