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Critiques

Les Femmes de Bidibidi, Charline Effah (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 14 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Roman

Les Femmes de Bidibidi, Charline Effah, Éd. Emmanuelle Collas, août 2023, 222 pages, 19 €

 

Le titre d’une nouvelle, du Nigérian Chinua Achebe, revient à l’esprit comme une expression qui résume ce troisième roman de Charline Effah : Femmes en guerre (Girls at War). La guerre en question chez Chinua Achebe est celle du Biafra (1967-1970), et le romancier traite de la particularité du sort de la femme dans une telle situation. Au sujet des Femmes de Bidibidi, pour être exact, le mot guerre doit être au pluriel. Guerres civile puis interethnique au Soudan et leurs corollaires terribles, et aussi guerres dans le couple, guerres pour respirer, pour exister aux côtés de l’autre, guerres de prédation contre les femmes – deux sortes de guerres donc comme l’énonce la narratrice du roman, « celles des armes et celles de la dignité ». Les guerres des armes sont fracassantes et collectives ; elles n’éteignent pas, n’interrompent ou ne suspendent même pas une seconde les guerres de la dignité individuelle, bien au contraire.

Shijing, Le Grand Recueil, Ivan Ruviditch (par Patryck Froissart)

, le Jeudi, 14 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Shijing, Le Grand Recueil, Ivan Ruviditch, Editions Le Corridor bleu, 2019, Poésie chinoise classique, trad. Pierre Vinclair, 432 pages, 24 €

Traduit du chinois par le poète Pierre Vinclair, ce recueil est présenté comme une anthologie classique de la poésie chinoise dont les textes les plus anciens remonteraient à l’époque de la dynastie des Zhou, soit à environ 1100 avant notre ère. L’ensemble aurait été compilé par Confucius. Le volume est constitué de trois cent-cinq pièces, réparties en quatre Livres comportant eux-mêmes un nombre variable de Chants ou d’Hymnes classés en sous-ensembles.

On se laisse facilement prendre au pittoresque des lieux, à l’exotisme des situations, au décalage culturel, à la téléportation dans des époques et des espaces révolus. La représentation poétique de la simplicité de la vie rurale, la poésie du quotidien, des relations familiales,

Un vent glorieux venu du sud

agite les branches du jujubier

Maman était une sainte

et nous des moins-que-rien

Conversations avec le maître, Cécile Wajsbrot (par Laurent Fassin)

Ecrit par Laurent Fassin , le Mercredi, 13 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Denoël

Conversations avec le maître, Cécile Wajsbrot, Denoël, 2007, 176 pages Edition: Denoël

(premier roman du cycle intitulé Haute Mer*)

 

Cécile Wajsbrot interroge notre monde. Depuis son premier roman, un clair hommage à Virginia Woolf, ses préoccupations font écho aux bouleversements dont l’humanité, pour une large part, doit être tenue pour responsable. Afin d’en rendre compte, la nécessité qu’elle ressent de la littérature l’a conduite aussi bien à privilégier la forme romanesque qu’à ouvrir de nouveaux champs au profit de celle-ci. Ce faisant, son écriture intériorisée appréhende béances et tumultes face auxquels notre conscience – exposée aux émotions les moins maîtrisables, aux épreuves les plus menaçantes – cherche à se frayer un chemin.

L’imposant volume intitulé Haute Mer, conçu à la manière d’un cycle (la veine créatrice au risque de l’assèchement, de la disparition ou de l’oubli en constituant la trame) réunit cinq de ses opus, lesquels ont d’abord paru séparément : Conversations avec le maître (2007), L’Île aux musées (2008), Sentinelles (2013), Totale éclipse (2014), Destruction (2019). « Chacun de ces romans, écrit Cécile Wajsbrot dans son avant-propos, est comme l’île d’un archipel en haute mer… ».

Campagne, Raymonde Vincent (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 12 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Campagne, Raymonde Vincent, éditions Le Passeur, Coll. Les Pages Oubliées, mai 2023, 291 pages, 19 €

 

Le temps qui passe, le temps qui rythme l’activité et la vie, la rencontre, la concentration des forces et des vies humaines et de la vie de la nature.

Dans ce microcosme où les distances sont allongées par l’économie des moyens de transport, Marie vit jusqu’à son adolescence avec sa grand-mère jusqu’au jour où, la guerre s’annonçant, la vieille femme est emmenée avec petite-fille et bêtes, un peu contre son gré, tout à fait à contrecœur, chez des cousins lointains. Car ici, l’espace s’enclot, se referme sur êtres et bêtes. L’éternel retour des choses aboli par ce chemin qui s’ouvre peu à peu aux regards de Marie, sonne aussi comme un adieu à l’avant :

« Qu’y avait-il, là-bas au tournant du chemin, dont les hautes herbes semblaient défendre l’approche ? Tout était changé ; ces arbres, ces fougères, ce sentier frais, ces choses si familières, si quotidiennes, Marie croyait les voir pour la première fois. Brusquement elles avaient l’apparence de ces paysages dans les contes de fées que sa grand’mère lui disait parfois ; (…) La voix de Robert qui l’appelait fit rebrousser chemin à Marie » (p.38).

Le Rire ou la vie, Anthologie de l’humour résistant 1940-1945, Alya Aglan (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 11 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Folio (Gallimard), Anthologie

Le Rire ou la vie, Anthologie de l’humour résistant 1940-1945, Alya Aglan, Folio, avril 2023, 304 pages, 9,20 € Edition: Folio (Gallimard)

La création autour de la Résistance, contemporaine ou postérieure à celle-ci, est la plupart du temps placée sous le signe de la tragédie, celle d’une violence subie mais à refuser, ou, plus rarement, de l’espoir. Les auteurs, poètes, romanciers ou cinéastes, plus rarement musiciens, peintres ou sculpteurs, témoignent de l’horreur de l’Occupation ou disent leur désir que persiste le Beau dans le Laid, en témoigne en particulier la magnifique anthologie La Résistance et ses poètes (France 1940/1945) publiée par Pierre Seghers pour la première fois en 1974. Espoir : Liberté, de Paul Éluard, parachuté à des milliers d’exemplaires sur la France occupée ; tragédie et pourtant désir de vivre dignement, Je trahirai demain, de Marianne Cohn :

Je trahirai demain pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,

Je ne trahirai pas.