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Les Chroniques

Ainsi parlait James Joyce (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Novembre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ainsi parlait, James Joyce, éditions Arfuyen, septembre 2023, trad. anglais, Mathieu Jung, 192 pages, 14 €

 

Définir l’artiste

De manière très générale, j’ai retenu de cette suite de Dits et de maximes de vie de James Joyce une réflexion pertinente sur l’artiste – car je fais pour ce qui me concerne une différence entre « homme de lettres » et « artiste », aimant surtout chercher l’art dans la littérature. Et cette définition sur laquelle revient souvent Joyce, l’a visiblement hanté toute sa vie. Et cela, par un effort violent pour rendre son inquiétude profonde, au sujet de son étantité, de sa foi pour continuer à écrire dans l’opiniâtreté d’un découvreur de formes. Ainsi Joyce considère le texte comme une expérience. Expérience soutenue chapitre après chapitre, strophe après strophe, phrase après phrase, mot après mot, l’œuvre devant être supérieure à l’être ; et cette perfection est stupeur.

La poésie, même lorsqu’elle est apparemment la plus fantasque, est toujours une révolte contre l’artifice, une révolte, en un sens, contre ce qui est.

Ainsi parlait, Eugène Delacroix, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Marie Alloy et Jean-Pierre Vidal (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 20 Octobre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ainsi parlait, Eugène Delacroix, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Marie Alloy et Jean-Pierre Vidal, Arfuyen, septembre 2023, 176 pages, 14 €

Delacroix était, comme le souligne la remarquable introduction, un homme nerveux et courtois, compensant une très maigre mémoire par une extraordinaire imagination, un homme auquel son état maladif rendait tout effort difficile mais dont la discipline de vie était le premier et infaillible appui (« Cette vie est trop facile. Il faut que je l’achète par un peu de cassement de tête »), un homme que son génie – qu’il cachait trop selon ses amis, et trop peu selon ses ennemis – exposait à tous les malentendus et à la « panhypocrisiade universelle » fr. 270 (il n’apprécie pas que Baudelaire le comprenne si bien ; mais il ne s’étonne pas que Chopin, dont il admire la musique, apprécie si peu sa peinture ; il plaint Hugo de se prendre pour Dieu, et Dieu pour Hugo – sur ce dernier point, comme l’écrivent plaisamment les deux auteurs de l’ouvrage, « Il a conclu un concordat avec la religion, il la respecte, mais elle ne gouvernera pas ses actes et sa vie »). En toutes choses, comme on va voir, il est à la fois (comme l’écrit son amie George Sand), un passéiste et « l’oseur par excellence ». Comme le résument en une éclairante formule (p.31) Marie Alloy et Jean-Pierre Vidal, « Delacroix veut accompagner les intermittences de l’être pour mieux les combattre ». Voyons un peu comment :

Au cœur des corps de Genet (par Gilles Cervera)

, le Jeudi, 19 Octobre 2023. , dans Les Chroniques, La Une CED, Théâtre

 

Il n’est qu’un lieu d’émotions pleines, vivantes, vibrantes et collectives : le théâtre !

Au TNB, avant Paris et la Picardie, Les Paravents de Jean Genet par Arthur Nauzyciel, et une troupe vivante, vibrante. Un collectif de vies !

Le texte de Genet en impose comme toute la littérature genetienne : actuelle, provocante, politique jusqu’à l’aigu du mot, spiritualité comprise.

Genet nous fait dialoguer avec nous-mêmes, dans une métaphysique secrète, parfois inavouable et souvent juste. Juste à la lisière du cri. Juste à la lisière de la douleur. Juste à la lisière de la folie. Bref, chez Arthur Nauzyciel les morts reviennent et en parlent, de la mort. Ils ne se respectent pas plus morts qu’ils ne se sont respectés vivants. Le viol reste une solution, et le rire, surtout le rire. Communicatif (malgré un public rennais un peu assoupi qui rit moins que c’est risible !). Le dispositif théâtral en impose : un seul décor de bout en bout, majestueux, épuré, monumental. Un escalier immense, blanc, face aux gradins des spectateurs.

Le Gardien, Harold Pinter (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 18 Octobre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Théâtre

Le Gardien, Harold Pinter, Folio, trad. anglais, Éric Kahane

 

Dans le cadre du cycle Harold Pinter, l’un des plus éminents dramaturges du théâtre dramatique anglais de la seconde moitié du vingtième siècle, présenté au théâtre de l’Atelier au printemps dernier et dirigé par Ludovic Lagarde, il nous a été donné de revoir deux de ses admirables pièces, La Collection, et L’Amant. Ce fut l’occasion de relire Le Gardien, son premier grand succès à Londres en 1961.

Le décor, minutieusement décrit, se compose d’ustensiles rouillés, de vieux objets inutilisables, un bouddha en plâtre trône sur une cuisinière hors d’usage, un seau suspendu au plafond est censé recueillir les fuites du toit. Harold Pinter fait mine de nous installer dans l’univers métaphysique de Beckett (« Qu’est-ce que vous faites… quand le seau est plein ? On le vide »), mais l’auteur qui ne se réclame de rien ni de personne prévient : « Je n’écris jamais à partir d’une idée abstraite ». C’est bien une situation concrète qui réunit les trois personnages : un clochard, Davies, récupéré dans la rue comme l’un des vieux objets qui encombrent l’intérieur de la chambre habitée par les deux frères, Aston et Mick, se voit offrir un poste de gardien.

Les coups de griffe d’Alain Faurieux

Ecrit par Alain Faurieux , le Mardi, 17 Octobre 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Pauvre folle (Nanar primeur), Chloé Delaume, Le Seuil, août 2023, 240 pages, 19,50 €

Dans une veine bien française (cavalier noir…), un petit volume qui concentre tous les clichés du siècle : voyage vers Heidelberg (la littérature, l’occident, les valeurs, tout ça), quinquagénaire se retournant sur son passé, maladie mentale, choc de #metoo, matricide et sexualité fatiguée. Dès l’avatar de l’auteur le lecteur sait que la soupe sera tiède. Clotilde Mélisse, vraiment ? Petite définition-du Journaldesfemmes bien sûr : « La mélisse soulage les ballonnements, les douleurs liées au foie, et apaise en cas de nervosité, de dépression légère, d’hypertension. Elle possède bien des propriétés à mettre à profit dans les problèmes cutanées (sic), les mycoses et l’herpès labial ».