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Les Chroniques

Botaniska poesi, Pierre-Olivier Lambert (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 23 Mai 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Botaniska poesi, Pierre-Olivier Lambert, éditions Ars-Poetica, mars 2023, trad. suédois, Laure-Hélène Dardelay, 111 pages, 18 €

 

Âpreté

Dire en quoi ma lecture s’est appuyée sur le style de l’auteur bordelais Pierre-Olivier Lambert, c’est désigner une pointe sèche, une âpreté de la touche, un caractère maigre (comme on l’oppose au gras en peinture), un lyrisme sourd, une pratique de l’épure, une absence d’emphase, somme toute une poésie taillée sans aucune exagération, une sorte de poésie d’une rigueur crue presque rude. Du reste, la répartition physique de l’ouvrage reprend bien l’idée d’un ordre esthétique. Calme énonciation distribuée en 10 sections de 4 poèmes, assorties d’une dernière section d’un seul poème, correspondant en un sens à la chronicité des saisons et des cycles de la nature. Ici, tout tourne autour du Jardin botanique de Göteborg – d’où la traduction en suédois (ce qui est original pour un livre publié en français).

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa (par Luc-André Sagne)

, le Lundi, 22 Mai 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Maghreb, Seuil

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa, Le Seuil, mars 2022, 208 pages, 18 €

 

Vivre à ta lumière, le dernier ouvrage paru d’Abdellah Taïa, met en scène une femme marocaine à la forte personnalité, Malika, des années 1950 aux années 1990. Met en scène au sens propre tant est forte l’impression d’être sur les planches d’un théâtre, devant une parole toute-puissante qui se livre, celle de Malika, en un long monologue que viennent parfois interrompre, mais toujours brièvement, d’autres paroles. Une oralité qui emporte tout. Si l’on suit ici un ordre plutôt chronologique (le précédent ouvrage de l’auteur en revanche, Celui qui est digne d’être aimé, remontait le temps), c’est peut-être parce qu’Abdellah Taïa a voulu faire de ce monologue un récit, historique autant qu’intime, celui de la vie de cette femme, de la jeune veuve de 20 ans à la « vieille » femme de 65 ans, dans un Maroc en pleine mutation, de la décolonisation au règne du roi Hassan II.

La souveraineté du bien (The Sovereignty of Good), Iris Murdoch (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 17 Mai 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La souveraineté du bien (The Sovereignty of Good), Iris Murdoch, Éditions de l’Éclat/Poche, janvier 2023, trad. anglais, Claude Pichevin, 192 pages, 8 €

 

Ce titre (abstrait, ronflant) ne doit ni rebuter, ni faire peur : il ne cherche pas du tout à nous intimider, mais à nous faire réfléchir sur ce que, dans nos vies, nous respectons ou non inconditionnellement. De plus, la division du recueil en trois articles séparés ne menace en rien son unité, car chaque article examine une des caractéristiques de cette souveraineté (problématique) du Bien. « Souveraineté » (le terme anglais sovereignty vient lui-même du français depuis le XVIème siècle, et a exactement même sens), c’est en effet trois choses : une autorité (une aptitude à se faire obéir, comme foyer de légitimation et de justification des libertés sous son commandement), une suprématie (l’instance souveraine n’a rien au-dessus d’elle dans son domaine propre, elle est indépendante des instances qu’elle supervise, qu’elle peut donc juger et réguler), et une excellence (toute souveraineté tient sa noblesse et son rang élevé de sa fonction même d’anoblir, élever ou perfectionner ceux sur lesquels elle s’exerce) : il ne peut donc y avoir  de souveraineté bafouée (ou négligeable), subordonnée (ou dépendante) et vile (ou médiocre).

Les Hospitaliers, Caroline Girard, Franck Magloire (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Hospitaliers, Caroline Girard, Franck Magloire, Editions L’Ire des Marges, janvier 2023, 130 pages, 14 €

 

Les Hospitaliers ne renvoie pas à un lointain passé mais à la faillite bien actuelle d’un idéal : l’hôpital public. Jadis fierté nationale, il semble devenu le miroir de nos défaillances. On sait que l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris connaît un énorme déficit et que nombre de soignants, soumis à des cadences épuisantes, quittent l’hôpital, découragés par la déshumanisation des soins et les risques croissant d’erreurs. A partir de soixante-dix heures d’enregistrement audio effectués à la demande d’une soignante auprès de 35 agents travaillant dans les établissements publics de soins, c’est un véritable travail de réécriture que Caroline Girard et Franck Magloire ont entrepris pour nous livrer 108 pages incisives et percutantes d’une écriture dense.

En minuscules, Marie-Clotilde Roose (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Mai 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

En minuscules, Marie-Clotilde Roose, éditions Le Taillis Pré, mars 2023, 82 pages, 14 €

 

Dieu en minuscule

Alors que j’entreprends ces lignes, j’écoute le Nisi Dominus de Vivaldi chanté par James Bowman – lequel vient de disparaître –, émouvante cantate sacrée, qui s’adresse à la beauté et à Dieu, ce que je retrouve en partie dans le dernier ouvrage de Marie-Clotilde Roose. Au surplus, ce sentiment de partage de la chose spirituelle construit bel et bien le poème, lui aussi appel métaphysique. Et je veux parler de deux immanences, celle du divin et celle de la créature, individu en conversation avec le général (si l’on suit cette idée dans Kierkegaard). Livre d’heures ainsi lié à la langue du poème qui devient quelque chose comme une prière, immanence qui se dirige vers le Créateur. Humilité de ces minuscules, effacement de l’égo, simplicité relative de la relation créateur/créature.