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Les Chroniques

Pétrarque en France, un modèle poétique ? (par Valérie T. Bravaccio)

Ecrit par Valérie T. Bravaccio , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Dans son ouvrage intitulé Pétrarque et le pétrarquisme, Jean-Luc Nardone se demande si, en tant que modèle linguistique, Pétrarque (1304-1374) est « du même coup, un modèle poétique » (1). Et il suggère que « Seule une analyse des textes, théoriques ou poétique […] permet[trait] de mieux discerner ce que fut le pétrarquisme français ». Pour aborder cette réflexion, nous proposons d’aller directement sonder les textes (2). Et notamment le sonnet 134, « Pace non trovo, e non ó da far guerra ; » du Canzoniere (3), célèbre pour ses antithèses lexicales. Ce sonnet a été imité au XVI° siècle par Louise Labé (1524-1566), « Je vis, je meurs ; je brule et me noie ; » (4), Pierre de Ronsard (1524-1585), « J’espère et crains, je me tais et supplie » (5), et par Joachim Du Bellay (1549-1550), « La nuit m’est courte, et le jour trop me dure » (6). Puis, nous connaissons 6 traductions de l’original (7) par le Comte Ferdinand de Gramont (1842), (8) remise en page par Jean-Michel Gardair (1983) (9) ; et celles de Pierre Blanc (1989), (10), Danielle Boillet (1994) (11), Gérard Genot (2009) (12), Yves Bonnefoy (2011) (13), et de René de Ceccatty (2018) (14).

Terres, Marwan Hoss (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arfuyen

Marwan HOSS - Terres - Arfuyen, 96 pages, juin 2023, 13€

 

"Terres" ... Le plus beau mot du monde (en tout cas le plus hospitalier, le plus fondateur, le plus familier) est ici mis, par le titre, au pluriel. Pourquoi ? Pour multiplier les sites de vie de rechange possibles ? Pour suggérer que chacun voit la planète au bout de son nez, et du fond de sa rue ? Pour assurer sols de réception innombrables à notre inévitable chute ? Pas du tout. Marwan Hoss n'écrit pas pour nous alerter (c'est de toute façon trop tard), ni non plus pour nous consoler (chacun est toujours assez doué pour se mentir), mais parce que chaque court poème est ici une petite terre de mots, oui, exactement une terre (et non un ciel, une mer, une lune, car aucun de ces trois ne formerait socle, habitacle, ni mémoire) de mots. "Terres" sont donc pays de mots, car ces mots - toujours simples, communs, courants - sont là, à chaque page, pour former pays, c'est-à-dire contrées où notre action se sente chez elle, que cette action soit, respectivement s'élever, flotter, cueillir ou même fuir :

Un honnête homme, Isabelle Flaten (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Lundi, 05 Juin 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Roman, Anne Carrière

Un honnête homme, Isabelle Flaten, éditions Anne Carrière, mars 2023, 224 pages, 19 €

 

À chaque roman, Isabelle Flaten s’autorise une nouvelle expérience, une nouvelle exploration, une nouvelle écriture. Donc, à chaque fois, ses lecteurs fidèles s’attendent à une aventure inédite et se laissent surprendre. Dans cet ouvrage qui fait partie intégrante de notre patrimoine, elle assume avec hardiesse le risque de puiser dans la bibliothèque du monde pour inventer une nouvelle version d’un roman emblématique : Madame Bovary. Par là-même, elle pointe toutes les contradictions de son créateur originel qui critique son époque tout en s’y complaisant.

Dans sa dernière publication, Un honnête homme, publié pour la première fois aux éditions Anne Carrière en 2023, l’écrivain exerce avec talent sa liberté de penser. D’emblée, le titre nous annonce la suite. Elle va donner consistance à un personnage de l’ombre, un simple « officier de santé », celui de Charles Bovary, un antihéros. Elle va prendre le contre-pied de Flaubert qui fait de Charles un portrait peu valorisant. Elle choisit celui-ci délibérément pour en dessiner un portrait complexe loin de la médiocrité où son précurseur l’avait cantonné qui l’avait délibérément affublé d’un nom ridicule proche du bovin.

Le Livre, Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 31 Mai 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Le Livre, Gérard Pfister, éd. Arfuyen, mars 2023, 228 pages, 17 €

 

Nous croyons décrire une réalité, nous en créons une autre. Nous croyons parler des choses, les mots parlent d’eux-mêmes.

Gérard Pfister

Expérience

Expérience, tel est le livre, Le Livre. Un approfondissement, un creusement que le poète opère dans son langage poétique, offrant une vision des gouffres, mots incandescents devant la pensée, ou pensée incandescente qui trouve issue dans la langue du poète ; voilà le destin du poète. Le lecteur ainsi est confronté à une vérité de la forme. Cette poésie est adressée aux idées telles que les présente Platon dans sa fameuse caverne. Donc images, ou plutôt fondements de l’image, quintessence de l’image, signe absolu. Difficile sujet. Les mots du Livre sont maux humains. Sont mots humains.

Le Roitelet, Jean-François Beauchemin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 26 Mai 2023. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Roitelet, Jean-François Beauchemin, Éditions Québec Amérique, janvier 2023, 144 pages, 16 €

« À ce moment je me suis dit pour la première fois qu’il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d’une tache jaune. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire.

Une semaine plus tard, tandis que nous nous amusions à sauter du petit quai aménagé sur la rive de l’Étang-aux-Oies, mon frère a éprouvé un bref malaise qui durant quatre ou cinq secondes lui a fait perdre conscience. J’ai vu ce corps déjà vigoureux s’enfoncer comme une pierre dans l’eau bleutée. Quelques mouvements de brasse ont suffi pour le rejoindre. Il ne m’a pas été tellement plus difficile de l’agripper et de le ramener, sain et sauf, sur la plage. Mais les paroles qu’il m’a soufflées à l’oreille dès son retour à la vie consciente demeureront elles aussi à jamais inscrites sur le petit tableau noir accroché au fond de ma mémoire : “Pourquoi m’as-tu sauvé ?” a-t-il dit. Et c’était comme si j’avais ramené à la vie un fantôme dont les chaînes allaient tinter, désormais, dans les moindres recoins de ma vie, de ma raison, et derrière chacun de mes pas » (p.14).