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Les Chroniques

Là où la nuit / tombe, Stéphane Sangral (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 15 Février 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Là où la nuit / tombe, Stéphane Sangral, éditions Galilée, 2018, 120 pages, 12 €

Le titre avec son slash figure formellement que la nuit, déployée au cœur de ce nouveau livre de Stéphane Sangral, va nous transporter dans son tournoiement du temps qui passe, écoulé de 19h00 à 07h70 – plages d’heures déroulées en plusieurs séquences d’écriture. La nuit remue, nous invitant en son lieu solitaire, d’acmé insolite et inédit, Là ou la nuit / tombe. Le décor est tendu par le voile de l’absence, d’entrée : « Sous la forme l’absence s’enfle et vient le soiret l’azur épuisé jusqu’au bout du miroir… », nous prévient-on en exergue. Comme les titres précédents de l’auteur aux mêmes éditions Galilée (Méandres et Néant, 2013 ; Ombre à N dimensions, 2014 ; Fracas du Soi, fracas de l’Autre, 2015 ; Circonvolutions, 2016 ; Des dalles posées sur rien, 2017), le titre de ce recueil nous prévient que nous traverserons par le livre un temps différent de celui chronologique et agité qui secoue nos journées : nous entrons ou rentrons dans l’espace d’un temps décalé, en marge de la mascarade de finitude où se succèdent et se juxtaposent nos existences diurnes vouées à l’immédiateté de l’action contingente. Dans ce dernier livre, Stéphane Sangral fait état d’une expérience de la nuit où le temps se passe à perdre son temps, en un don des mots tout à la réception d’un lieu autre– salvateur ? – de l’autre côté de nos temps qui courent.

La Styx Croisières Cie (10) (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 14 Février 2019. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« Récitez-moi : Vous êtes vieux, père William… »,ordonna le Ver à soie. / Alice joignit les mains et articula :

« Vous êtes vieux, père William, dit le jeune homme, / Et vos rares cheveux sont devenus très blancs ; / Sur la tête pourtant vous restez planté comme / Un poirier : est-ce bien raisonnable, vraiment ? // – Étant jeune, répondit William àson fils, / Je craignais que cela ne nuisît au pensoir. Mais désormais, convaincu de n’en point avoir, / Je peux sans nul souci faire un tel exercice ».

Lewis Carroll

Traduction de Henri Parisot

Jules de Montalenvers de Phrysac : noté dans le Livre de mes Mémoires

Dieu n’a jamais voulu ça, Jonathan Sacks (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 14 Février 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Albin Michel

Dieu n’a jamais voulu ça, Jonathan Sacks, Albin-Michel, mars 2018, trad. anglais Julien Darmon, 366 pages, 20 €

Au mitan du XXesiècle, alors que deux puissances qui détenaient chacune assez d’ogives nucléaires pour faire disparaître toute forme de vie sur terre s’observaient ombrageusement, l’une guettant chez l’autre le moindre geste hostile, rares étaient ceux à imaginer que, si l’humanité échappait à l’anéantissement atomique, elle devrait ensuite affronter une très ancienne croyance. Pour beaucoup, selon un schéma faux, les « grandes religions » (et les petites également) étaient destinées soit à disparaître, soit à subsister à l’état de fossiles. Après un XXesiècle monstrueux, on plaça de grands espoirs dans le XXIesiècle. La « fin de l’histoire » verrait enfin advenir le règne paisible de la paix perpétuelle prédite par les Lumières. Ces espoirs s’effondrèrent en même temps que le World Trade Center. La stupeur fut générale, à l’exception de ceux qui, dès 1979 et la révolution iranienne, avaient compris ce qui était en train de se produire. Le méchant génie sortait à nouveau de la lampe.

Sir Jonathan Sacks n’étudie pas la violence religieuse en général. Il n’évoque pas la cruauté perverse et hystérique des religions amérindiennes d’avant Colomb. Son propos englobe les trois religions faussement dites « du Livre » : le judaïsme, le christianisme et l’islam. L’existence d’une figure commune (Abraham) ne peut masquer des différences cardinales. Certaines pages de Dieu n’a jamais voulu ça sont d’un intérêt prodigieux ; d’autres susciteront la controverse.

Romain Slocombe (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mardi, 12 Février 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED


Se pencher sur notre Hexagone vertueux dès lors qu’il s’agit de brandir la bannière des Droits de l’homme et notre fameuse trilogie illusoire « Liberté, Egalité, Fraternité », tout en priant nos sillons d’abreuver le sang impur du tiers-état et de la chair à canon, concept hautement raciste et masochiste, cela, on sait le faire. Tellement opportunément que l’on finit par avoir l’impression de cavaler après du vent. A l’inverse, plonger dans les cloaques de notre histoire est un exploit dont on se garde prudemment. Les volontaires sont peu nombreux et l’entreprise, de haut risque. La collaboration française avec les Nazis est l’un de ces territoires vérolés, laissés plus ou moins volontairement en friche mémorielle

L’escalier, Olga Votsi (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 11 Février 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’escalier, Olga Votsi, éd. Le Taillis Pré, décembre 2018, trad. Bernard Grasset, 136 pages, 14 €

 

Fléchir le temps

Comment aborder cette traduction du grec moderne vers le français tout en réinventant un dialogue critique, entretenu par le traducteur Bernard Grasset, grâce à son choix de poèmes dont le sous-titre est Poèmes métaphysiques ? Autrement dit, comment parler de métaphysique ? Peut-être en regardant de près comment Olga Votsi aborde la question fondamentale et universelle du temps, de sa finalité, de son contenu, de sa force, de son déroulement, de son immortelle présence. Et que nous soyons conviés à parcourir des escaliers vers des contrées profondes, nous sommes toujours invités à connaître en quoi le « re-mourir » peut être une renaissance. Par exemple en rappelant le destin de Lazare dans les Écritures, ou celui de Jonas qui renaît en quelque sorte de la baleine allégorique.

Ainsi il faut examiner avec la poétesse, en quoi vivre le temps est une expérience, doit être moralement un examen, qui permet de connaître la vérité de la croissance, de la charité, de la fructification, et ainsi ne pas être le sujet symbolique d’un figuier qui ne donnerait pas de fruits, la renaissance au monde de la foi en quelque sorte, de l’ajout, du plus et du meilleur. Le temps n’a d’intérêt que par ce qu’il produit comme éléments moraux surnuméraires.