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Les Chroniques

à propos du catalogue d’exposition Le Monde en tête (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 05 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Arts

Le Monde en tête, Le Seuil, Musée des Confluences, Lyon, juin 2019, 312 pages, 42 €

Couvre-chefs Initiation et fantaisie

Le mécène, collectionneur, Antoine de Galbert, fondateur de la Maison rouge à Paris en 2004, a choisi de léguer en 2017 plus de cinq cents coiffes du monde entier au musée des Confluences de Lyon. Le Monde en tête, ouvrage imposant, de belle confection, constitue le catalogue raisonné de la donation d’Antoine de Galbert, présentée au musée lors d’une exposition qui durera du 6 juin 2019 au 15 mars 2020. Des écrits d’anthropologues et d’ethnologues fournissent des explications documentées accompagnées de photographies très réussies de ces couvre-chefs fantaisistes et énigmatiques. Tout d’abord, n’oublions pas que la coiffe possède une histoire ancienne. La « couverture de tête » (Richelet, 1680) se lisait comme signe indiciel, car personne ne sortait en Europe sans couvre-chefs. Femmes et hommes étaient chapeautés jusque dans les années 60, à la ville et à la campagne. L’on se découvrait devant les instances de pouvoir (religieuses, seigneuriales, patronales), par allégeance, humilité. L’homme soulevait son chapeau pour saluer les femmes. Les femmes en « cheveux » étaient des ouvrières ou des femmes perdues, les individus sans chapeaux, des indigents.

Michel Serres Le Messager (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Vendredi, 05 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

La disparition subite d’une vieille complicité philosophique se vit, non point comme un vide, mais comme une tempête émotive et une secousse cognitive, qui font remonter à la surface les souvenirs par vagues successives. A commencer par ces conversations rhizomiques, hyperboliques, frénétiques à l’Université libre et libertaire de Vincennes, une auberge espagnole ouverte aux salariés et aux non-bacheliers. Les protagonistes sont entrés depuis longtemps dans la postérité. Michel Serres rejoint ses géniaux acolytes, Michel Foucault, François Châtelet, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard… Demeurent des chefs-d’œuvre, des livres fondateurs, des pensées délivrées des vieilles ornières académiques. Souvenirs, souvenirs. Souvenirs des cours improvisés comme des palabres africaines, dans la brume hallucinante des clopes et des cibiches clandestines, des étudiants agglutinés par terre, des diatribes théâtrales dans une atmosphère chaotique, où la contestation fait office d’esprit critique. L’enjeu central, la remise en cause du patriarcat pédagogique, de l’autorité mandarinale des professeurs, qui cultivent, du jour au lendemain, comme leurs disciples, l’autodérision en salutaire antidote.

La folle et fausse insouciance de l’autobiographie (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 04 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

L’autobiographie n’est que le bavardage de soi-même et une farce dérisoire. Que l’auteur se contente d’y entrer en visiteur et en traînant les pieds ou comme parangon de l’humanité n’y change rien, de tels récits restent anecdotiques et ennuyeux. Cela ressemble à un décès, au souvenir anthume et niais parsemé de baisers et crachats abâtardis et résiduels théâtralisés à un profit particulier sous prétexte d’intérêt général. Cela empeste le parfum qui a tourné. L’autobiographe devient l’idiot auquel nul n’a demandé son avis mais qui l’impose. Il semble que la bêtise dispose alors d’un laisser-passer où le hâbleur prétend à un cœur mis à nu. Il écœure. Tout est inexact, sans être tout à fait faux. Qu’on se souvienne des Confessions de Rousseau. Peut-être et dans le genre le plus véridique des œuvres tendues vers sa passion des travers. Mais, même dans cet exemple des plus hauts, le pamphlet contre soi-même tourne à l’apologie permanente.

Avec Lucian Blaga, Poète de l’autre mémoire, Luminitza C. Tigirlas (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 04 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Avec Lucian Blaga, Poète de l’autre mémoire, Luminitza C. Tigirlas, éditions du Cygne, avril 2019, 108 pages, 13 €

 

Luminitza C. Tigirlas, poète et essayiste de langue française d’origine roumaine, psychanalyste trilingue à Saint-Priest (Rhône), nous offre avec cet essai consacré à l’œuvre poétique, théâtrale et philosophique de Lucian Blaga, le deuxième volet d’une Trilogie initialement intitulée Parfaire le sacré sans pardonner l’amour. L’ensemble interroge en ses trois volets le sacrifice de l’amour au nom de la création et dans le silence du sacré, commencé avec Rilke-Poème Elancé dans l’asphère (L’Harmattan, 2017), poursuivi dans l’ordre de publication par ce livre Avec Lucian Blaga, Poète de l’autre mémoire (éditions du Cygne, 2019), clôturé par Fileuse de l’invisible Marina Tsvetaeva, inspiré par l’œuvre et la vie de la poétesse russe (éditions de Corlevour, 2019). Par-delà Lucian Blaga, ainsi que le précise la quatrième de couverture, « à travers d’autres lectures de la littérature universelle, le sacrifice touche à une perception et à une rencontre intime de l’auteur avec le sujet de l’emmurement mythique et totalitaire dans le silence du sacré ». L’œuvre de Paul Claudel, de Georges Bataille, de Søren Kierkegaard ont fait singulièrement se confronter aussi le Dire à la dimension du sacré en passant par le sacrifice.

Persévérance du fait juif Une théorie politique de la survie, Danny Trom (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 03 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Persévérance du fait juif Une théorie politique de la survie, Danny Trom, Seuil/Gallimard, coll. Hautes Études, juin 2018, 492 pages, 28 €

 

Le livre de Danny Trom – un grand livre – se propose de répondre à une question à la fois simple et dérangeante : pourquoi y a-t-il encore des Juifs ? Comment se fait-il que ce peuple très ancien, aussi ancien que les Chinois, existe encore ? À propos de la longue obstination déployée pour faire disparaître les tribus indiennes des Andes, Jean Raspail notait : « Un tel acharnement impressionne. Il n’a de comparable que celui qui accabla les Juifs tout au long de leur histoire, survivants du déluge, hommes d’avant les hommes, eux aussi » (La Hache des steppes, Via Romana, 2016, p.223). De grands empires s’y sont essayé : l’Égypte, Rome, l’Église constantinienne (de façon schizophrène, car son fondateur et ses premiers disciples étaient Juifs), le IIIe Empire germanique et, actuellement, tout ce que le monde arabo-musulman compte de fanatiques (le réservoir est apparemment inépuisable). Mais ce sont ces empires qui ont disparu ou sont en voie de disparition. Une explication évidente (mais est-elle aussi évidente que cela et ne serait-elle pas plutôt un refus d’explication ?) consisterait à invoquer la protection divine.