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Les Chroniques

Le Paradis à reconquérir, Henry David Thoreau (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 03 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Paradis à reconquérir, Henry David Thoreau, Le Mot et le Reste, juin 2019, 96 pages, 3 €

 

Moderne postmodernité

C’est à une certaine expérience de lecture que nous convie ce petit livre de Thoreau que publient les éditions Le Mot et le Reste. Intéressante expérience dans la mesure où cet ouvrage nous permet d’étendre notre connaissance du philosophe et poète américain. Intéressante aussi car le livre est un texte qui sert un texte, dernier texte lui-même qui lui aussi augmente en valeur un autre livre. Ainsi, nous avons là une préface à un livre qui s’inspire de la philosophie de Charles Fourier. Cette littérature à étage nous fournit un Thoreau jeune et altier, écrivain qui pressent peut-être son utopie, et son livre Walden. Donc, j’ai vu ici une sorte de proposition visionnaire, le travail d’approche à la fois de la lecture – de ce livre de J.A. Etzler que préface Thoreau – et de l’écriture – car l’auteur américain semble essayer sa langue, chercher sa matière.

Journal de voyage, Albert Einstein (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 02 Juillet 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Journal de voyage, Albert Einstein, Rivages, mai 2019, 182 pages, 18 €

 

Après des conférences en Europe et une tournée aux États-Unis, Einstein est invité au Japon. Il embarque à Marseille avec Elsa, sa seconde femme, pour un voyage de près de six mois (du 7 octobre 1922 au 15 mars 1923). Port-Saïd, Colombo, Singapour, Hong Kong et Shanghai sont sur sa route, avant d’atteindre l’archipel nippon. Au retour, Jérusalem et la Palestine et, pour finir, l’Espagne.

Journal de voyage… le titre fait rêver. Il faut toutefois prendre ce livre pour ce qu’il est : un ramassis de notes prises au fil des jours et rédigées en style télégraphique : « Belle vue sur le Stromboli. Dix-huit heures, Naples. Nuages gris sur le Vésuve, ciel couvert ». Çà et là, quelques croquis et des détails pour le moins intimes (« inflammation de l’intestin avec d’horribles hémorroïdes », par exemple) qui prouvent le caractère strictement privé du journal. Écrites par quelqu’un de moins célèbre, ces notes n’auraient jamais été exhumées. Et pourtant, malgré ça, elles nous font approcher l’homme dans son quotidien. Un quotidien bousculé par la célébrité : Einstein déchaîne les passions. Au fil de ce journal, on mesure la renommée du savant. Renommée qui s’accroît au cours du voyage : « La nouvelle selon laquelle on me décernait le prix Nobel m’est parvenue par télégraphe à bord du Kitano Maru, peu avant mon arrivée au Japon ».

Cadence, Essai autobiographique, Jacques Drillon (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 28 Juin 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, Essais, La Une CED, Biographie

Cadence, Essai autobiographique, Jacques Drillon, Gallimard, coll. Blanche, novembre 2018, 400 pages, 23,50 €

 

Vivre, c’est sentir. Mais si vivre, c’est sentir, c’est, d’autant plus, avoir senti et s’attendre à sentir. La vie s’élargit, par cette distentio animi, des souvenirs. Et des aspirations. La durée augustinienne est ce qui déborde en avant et en arrière le présent [1]. L’homme est souvenir et désir : la mémoire et l’attente sont, depuis la fin du XVIIIe, son lieu ontologique… La mémoire serait-elle le lieu de souvenirs non pas endimanchés mais enguenillés. Car il est toujours l’humour, pour nous rendre appréciable aux autres. Et à nous-même. Quelles que soient nos tares. Oui, quelles qu’elles soient. Quels que soient les vacillements qui ont préludé à notre chant… Jugez plutôt.

« Certains êtres sont plus sujets que d’autres à l’addiction. [Mon père] l’était au plus haut degré, et nous avons hérité de lui cette inutile prédisposition. Il avait beaucoup fréquenté les casinos, joueur accroché et féroce. Jusqu’au jour où il perdit tout ce qu’il possédait. Terrorisé par ce qu’il venait de faire, il prit la décision de ne plus jouer un centime. Il s’y tint : la résolution avait dû être aisée à tenir.

Épopée, historiette et fable, 3 livres de la Joie de Lire (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 28 Juin 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Jeunesse

 

Cabane en péril !, Jean-Claude Lalumière, La Joie de lire, juin 2019, coll. Hibouk, 168 pages, 10,90 €

 

Cabane en péril est un récit simple, à l’imparfait, raconté par le petit garçon Bernie. Le temps y est découpé comme dans un journal intime, mais le ton est plus perfectionné, plus disert. Au début du livre-jeunesse se trouvent de petits schémas, plutôt réduits à de simples traces maladroitement dessinées à la main, et ce sont peut-être là les miettes du Petit Poucet qui nous engagent à suivre la trame de la fiction. La littérature enfantine ne naît pas ex nihilo et il est judicieux de la part de Jean-Claude Lalumière de citer Jean de La Fontaine, des dessins animés, des héros de bande dessinée, tout en situant l’intrigue dans notre monde actuel, et d’aborder des débats environnementaux. L’on peut parler aussi, à propos de Cabane en péril, de littérature d’apprentissage, d’une édification sur les problèmes de notre planète, le sens de la responsabilité de chacun à son égard.

Sodoma, Enquête au cœur du Vatican, Frédéric Martel (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Jeudi, 27 Juin 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Sodoma, Enquête au cœur du Vatican, Frédéric Martel, Robert Laffont, février 2019, 638 pages, 23 €

 

Sodoma… Un titre scabreux évoquant le lucre et le foutre… Un livre de Frédéric Martel, sociologue, journaliste et militant LGBT qui nous précipite au sein du Vatican dans une Gomorrhe hallucinante.

En préambule, il me faut saluer le travail rigoureux que représente cette investigation. Son propos, l’homosexualité prégnante dans les premiers cercles des papes et « la société intime des prêtres, leur fragilité et leur souffrance liée au célibat forcé, devenu système », tient a priori de l’enfer pavé de bonnes intentions. On pourrait la comparer à celle d’un flic infiltré dans le milieu de la drogue en Colombie, qui pour être crédible doit se faire de temps à autre violence à lui-même. Pour obtenir les confidences des uns et des autres – une quarantaine de cardinaux, de nonces et d’ambassadeurs étrangers, une cinquantaine d’évêques et de monseigneurs, et plus de deux cents prêtres et séminaristes, nous dit son éditeur Robert Laffont –, il a certainement dû montrer patte blanche, savoir convaincre, se faire accepter, éviter les pièges et même déjouer les assauts de séduction… bref, tout un travail diplomatique de longue patience !