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Born To Run, Bruce Springsteen

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 09 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Biographie, USA

Born To Run, septembre 2016, trad. (excellemment) de l’américain par Nicolas Richard, 640 pages, 24 € . Ecrivain(s): Bruce Springsteen Edition: Albin Michel

 

Avant d’évoquer les « mémoires », terme choisi en lieu et place de « autobiographie » par l’auteur lui-même, de Bruce Springsteen, un petit mot sur la compilation Chapter And Verse publiée de façon simultanée, présentée comme la bande-son du livre. Autant le dire franchement : elle est à éviter. Certes elle contient une douzaine de chansons indispensables du Boss, de Growin’ Up à The Rising en passant par Born To Run et The River, mais elle contient aussi cinq titres inédits, enregistrés avant le premier album avec The E Street Band, entre 1966 et 1972, et ceux-ci n’ajoutent absolument rien à la légende. Au contraire ils sont embarrassants tellement ils sont maladroits et montrent un Springsteen s’essayant à copier ses maîtres de pataude façon. Certes, la chanson Henry Boy annonce les grandes et épiques histoires à venir, mais qu’elle est plate, qu’elle montre un Springsteen cherchant ses marques… C’est le grand tort de l’industrie musicale, depuis l’avènement du cd au moins, que de vouloir à tout prix faire croire au pigeon d’amateur qu’il est bon de tout entendre, que le moindre rogaton de studio doit être publié et écouté avec dévotion.

En Mouchant la Chandelle, Qu You & Li Zhen

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 03 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Nouvelles, Gallimard

En Mouchant la Chandelle, trad. chinois Jacques Dars (révision Tchang Foujouei), 240 p. 8,00 € . Ecrivain(s): Qu You & Li Zhen Edition: Gallimard

 

Le lecteur est un voyageur en fauteuil, et voici que lui est à nouveau offerte l’opportunité de voyager en Chine, au début des Ming (XIVe-XVe siècles) grâce aux vingt et une nouvelles réunies en un mince volume, En Mouchant la Chandelle (référence à l’heure tardive à laquelle on les lit, s’occupe de choses frivoles ou vit d’étranges aventures) par Jacques Dars, qui est aussi leur traducteur, avec la bienveillante révision de Tchang Foujouei. Ces nouvelles sont en fait extraites de deux recueils plus vastes signés Qu You (Jiandeng Xinhua, « Nouvelles Histoires en Mouchant la Chandelle », les quatorze premières) et Li Zhen (Jiandeng Yuhua, « Suites aux Histoires en Mouchant la Chandelle », les sept dernières) ; on peut de bon droit supposer que l’anthologiste a effectué un choix destiné à proposer au lecteur francophone la crème de ces deux recueils.

Ces nouvelles rencontrèrent à l’époque de leur publication un tel succès en Chine qu’elles furent bannies… pour ne pas distraire les étudiants ! Elles furent ensuite traduites célébrées, dès le XVIe siècle, tant en Corée qu’au Japon, deux pays où elles eurent une influence et un impact aussi grands que dans leur pays d’origine. Et l’une d’entre elles, dans sa version japonaise, parvint en Europe sous la plume de l’Anglais Lafcadio Hearn (1850-1904), pour être ensuite traduite en allemand par l’auteur du Golem, Gustav Meyrink.

L’Impossible Exil. Stefan Zweig et la Fin du Monde, George Prochnik

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 28 Octobre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Essais, Grasset

L’Impossible Exil. Stefan Zweig et la Fin du Monde, septembre 2016, trad. anglais (USA) Cécile Dutheil de la Rochère, 448 pages, 23 € . Ecrivain(s): George Prochnik Edition: Grasset

Sous-titré Stefan Zweig et la Fin du Monde, L’Impossible Exil tient à la fois de l’essai, d’une mise en scène de l’auteur et de la biographie : George Prochnik, professeur de littérature anglaise et américaine à la Hebrew University of Jerusalem, entremêle au fil des pages des considérations sur l’exil, son expérience propre (ainsi que celle de sa famille, son père ayant fui le régime nazi à son arrivée en Autriche) et narration de la vie de Stefan Zweig (1881-1942). En quelque quatre cents pages, Prochnik tente de pénétrer l’esprit de l’auteur du Monde d’Hier, cette élégie à un monde culturellement riche et cosmopolite que Zweig vit disparaître à l’avènement du régime nazi, durant ses années d’exil, à partir de 1934. Prochnik suit les traces de l’exilé, entre Vienne, les Etats-Unis, le Brésil et le Comté de Westchester, visitant des maisons, rencontrant des témoins ; il le suit aussi au travers de sa correspondance avec ses amis européens et américains ; il le suit de même en citant ou en paraphrasant abondamment Le Monde d’Hier, l’œuvre testamentaire de Zweig, définitivement un des plus beaux livres du vingtième siècle ; il le suit enfin tel un détective privé, allant jusqu’à tâcher de retirer du sens de son suicide, de la mise en scène de celui-ci, photos à l’appui.

Rendez-vous à Crawfish Creek, Nickolas Butler

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 24 Octobre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Autrement

Rendez-vous à Crawfish Creek, octobre 2015, trad. anglais (USA) Mireille Vignol, 313 pages, 19 € . Ecrivain(s): Nickolas Butler Edition: Autrement

 

Nickolas Butler (1979) a gagné ses lettres de noblesse littéraires auprès de tous les amateurs d’americana avec Retour à Little Wing (2014, réédité cet automne dans la collection Points), un grand, très grand roman sur l’Amérique profonde chérie de Springsteen, Mellencamp ou Jurado, pas celle des cinglés de la gâchette persuadés que quiconque ne bâfre pas ses trois livres de viande par jour et n’a pas un flingue dans chaque pièce de la maison est un barbare à civiliser ou éradiquer. Ce roman est, au même titre que les meilleures des chansons des trois musiciens cités en comparaison, une sorte de flambeau qui peut accompagner longtemps qui s’y est attaché.

Cet automne, l’actualité de Nickolas Butler est double. Outre la réédition en collection de poche de Retour à Little Wing (on ne le dira jamais assez : un roman à lire et chérir), il y a la publication de son premier recueil de nouvelles, Rendez-vous à Crawfish Creek. Soit dit en passant, on peut remarquer la confiance, voire la foi de l’éditeur français en ce jeune auteur américain, puisque ce recueil est traduit environ cinq mois après sa publication en anglais.

A propos de Penser le XXe Siècle de Tony Judt, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 22 Octobre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

Penser le XXe Siècle, Tony Judt (avec la collaboration de Timothy Snyder), Héloïse d’Ormesson, juin 2016, trad. anglais Pierre-Emmanuel Dauzat, 528 pages, 24 €

 

Cher Léon-Marc,

Nous sommes bien d’accord sur une règle rédactionnelle de base, que j’applique d’ailleurs depuis mes premières critiques musicales, il y a plus de vingt ans : une critique ne s’écrit pas à la première personne. Quand bien même elle présente une opinion personnelle, celle-ci doit tendre à une forme d’objectivité par l’emploi des pronoms personnels et s’appuyer sur des éléments concrets puisés dans l’œuvre critiquée. Dans le même ordre d’idée, j’interdis d’ailleurs à mes élèves d’écrire l’infâme « l’auteur nous dit que » : primo, l’auteur ne s’adresse pas à « nous » spécifiquement ; secundo, il ne dit rien, à la limite, il écrit. Bref. Ces prolégomènes sont destinés à attirer votre bienveillance, Léon-Marc, parce que je vais faillir à cette règle dans les largeurs, et que, vous qui avez personnellement connu Tony Judt (1948-2010), ainsi que vous me l’avez fait savoir dans un échange de mails récent, comprendrez bien que lire un livre tel que Penser le XXe Siècle, ce n’est pas juste être confronté à des idées ; c’est, si on a un quelconque fond de sensibilité, voir ses certitudes, son mode même de pensée vaciller ; c’est une expérience personnelle, en somme, et je ne peux pas feindre la neutralité et l’objectivité dans l’évocation de ce livre particulier.