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Cassada, James Salter

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 06 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Points

Cassada, août 2015, trad. de l’anglais (USA) Jean-François Ménard, 272 pages, 8,5 € . Ecrivain(s): James Salter Edition: Points

 

Roman à l’étrange destinée que celui-ci, à la fois deuxième et sixième de James Salter (1925-2015) : publié en 1961 sous le titre The Arm of Flesh, il a été retravaillé par son auteur pour republication en 2000 sous le titre Cassada, ainsi que l’explique Eric Neuhoff dans la préface (très mal écrite, d’un style à l’indigence affligeante surtout si l’on considère qu’elle est écrite pour un roman de James Salter…) à cette nouvelle édition de poche. Pour savoir à quel point le roman a été remanié, de The Arm of Flesh à Cassada, il suffirait de dépenser environ cent dollars et se donner la peine de lire le premier ; oui, il suffirait, et ça ôterait peut-être certains doutes, ça permettrait de mieux comprendre quelle part occupent respectivement le jeune James Salter et son aîné de presque quarante ans dans le second. Ce pourrait être l’objet d’une étude de type universitaire, intéressante aux yeux de qui préfère disséquer la littérature plutôt qu’en profiter. De toute façon, ainsi que l’écrit Salter dans un bref avant-propos, « Cette nouvelle version prétend ainsi devenir le livre que l’autre aurait pu être », étant admis que l’auteur lui-même décrètre que The Arm of Flesh « présentait de graves défauts ».

Envoyée Spéciale, Jean Echenoz

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 01 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, Les éditions de Minuit

Envoyée Spéciale, janvier 2016, 320 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jean Echenoz Edition: Les éditions de Minuit

 

En trente-sept ans, Jean Echenoz (1947) a publié seize romans et un recueil de nouvelles, autant de plus ou moins brèves fêtes lexicales et stylistiques, où la légèreté apparente le dispute à l’appropriation des genres, en particulier le policier et sa variante plus politisée, le thriller. Le dix-septième de ces romans vient de paraître, et si Envoyée Spéciale n’a pas l’envergure de L’Equipée Malaise ou des Grandes Blondes, par lesquels on conviera tout néophyte à découvrir Echenoz, ce n’en est pas moins un excellent cru – pour qui est inconditionnel du style de l’auteur, du moins.

Comme nombre de récits signés Echenoz, Envoyée Spéciale raconte une histoire hautement improbable mais présentée sous les dehors de la banalité même : Solange, une bourgeoise parisienne bien sous tous rapports, est enlevée par trois hommes qui la séquestrent dans une ferme isolée de la Creuse. Rançon est demandée à son mari, Louis-Charles Coste, mieux connu sous le nom d’artiste Lou Tausk, qui, sur conseil de son demi-frère Hubert, avocat de son état, ne réagira pas à cette demande, même après l’arrivée par la poste d’un bout d’auriculaire…

La Nuit du Bûcher, Sándor Márai

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 27 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Pays de l'Est, Roman

La Nuit du Bûcher, octobre 2015, trad. hongrois Catherine Fay, 272 pages, 19 € . Ecrivain(s): Sandor Marai Edition: Albin Michel

 

Depuis quelque temps, sous l’excellente plume traduisante de Catherine Fay, Albin Michel continue son programme de publication de l’œuvre du Hongrois Sándor Márai (1900-1989), entamé en 1992, gratifiant en 2015 l’amateur de l’auteur des Braises et de La Nuit du Bûcher, Erösítö en hongrois : littéralement « confortateur », celui en charge de conforter un hérétique dans sa conversion durant les grandes heures de l’Inquisition italienne, fin du XVIe siècle, début du XVIIe siècle. En effet, contrairement à nombre de romans signés Sándor Márai traduits en français à ce jour, celui-ci n’est pas un récit de la Mittel-Europa déclinante, un de ces récits qui ont permis de dresser des comparaisons aussi élogieuses que méritées entre Márai et Zweig, Roth ou Schnitzler ; La Nuit du Bûcher, sous un titre français un rien malheureux car donnant l’impression qu’un seul moment compte, raconte seize mois dans la vie d’un carmélite castillan originaire d’Avila, la ville de Thérèse, arrivé à Rome en novembre 1598 pour y étudier les méthodes inquisitoriales italiennes et ainsi répondre à une question cruciale, éliminer ce « doute qui […] rongeait au moment de délivrer la sentence et de l’exécuter, [qui] concernait la parole d’un hérétique qui se convertit : pouvait-on y croire et quel était le signe attestant de la sincérité de cette conversion ? »

Corps Conducteurs, Sean Michaels

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 19 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Canada anglophone, Roman

Corps Conducteurs, janvier 2016, trad. anglais (Canada) Catherine Leroux, 448 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sean Michaels Edition: Rivages

 

Sean Michaels (1982) est un Canadien multi-talentueux : créateur du très influent blog Said The Gramophone, il a écrit sur la musique, ainsi que sur les voyages et la culture, dans nombre de médias importants, de Pitchfork au Guardian en passant par The Wire. Dans toutes ces publications, il a pu exercer sa plume et se montrer fin et sensible observateur (il fait partie des premiers journalistes à avoir repéré Arcade Fire entre autres). Il est donc peu surprenant que son premier roman ait pour thème un musicien, ou du moins un inventeur ayant donné son nom à un instrument de musique, Léon Thérémine (1896-1993, en russe : Lev Sergueïevitch Termen) et soit un bijou d’écriture sensible, finement ciselé.

Corps Conducteurs se présente comme une autobiographie, une réflexion sur la propre histoire de son narrateur, ainsi que l’indique la première phrase : « J’étais Léon Termen avant d’être le docteur Thérémine, et avant d’être Léon, j’étais Lev Sergueïevitch ». Mais l’auteur prévient en note : « Ce livre est un ouvrage de fiction rempli de distorsions, d’élisions, d’omissions et de mensonges. […] Quiconque souhaite connaître la véritable histoire de Termen devrait lire Theremin : Ether Music and Espionage, d’Albert Glinsky, un volume méticuleusement documenté auquel ce roman est grandement redevable ».

Poésie, Raymond Carver

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Livres décortiqués, Poésie, USA

Poésie, novembre 2015, trad. anglais Jacqueline Huer, Jean-Pierre Carasso, Emmanuel Moses, 432 pages, 24 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Essentiellement, Raymond Carver (1938-1988) est un nouvelliste, l’un des plus importants du vingtième siècle, toutes nationalités confondues, au point que le Sunday Times, le jour de sa mort, titra : « Le Tchekhov américain est mort ». Ses nouvelles sont des tranches de vie, de banalité aurait-on envie de dire, qui montrent des gens normaux à un paroxysme, à la limite de l’explosion, un peu comme celles de Salter ou de Banks, ses contemporains. C’est un regard empathique posé sur le réel que propose Carver dans ses nouvelles, dont au moins deux recueils peuvent figurer en bonne place dans toute bibliothèque : Débutants et Les Vitamines du Bonheur. Mais ce regard empathique n’exclut en rien la critique implicite, celle de ces hommes (et ces femmes) qui courent après des bonheurs dérisoires, voire illusoires, au risque de se détruire. Ce que décrit Carver, au fond, ce sont peut-être bien les ratés de la vie américaine, le terme « ratés » désignant à la fois les personnes et les embardées du moteur de la poursuite du bonheur.