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Les Hauts-Quartiers, Paul Gadenne

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Points

Les Hauts-Quartiers, 800 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): Paul Gadenne Edition: Points

 

Paul Gadenne (1907-1956) fait partie de ces auteurs francophones que le temps semble mal servir : il efface peu à peu leur souvenir, et il faut l’un ou l’autre passeur pour avoir envie d’y accéder. Merci donc à Eric Naulleau, qui fut éditeur avant d’être chroniqueur télévisuel, d’avoir persévéré à faire mention de Paul Gadenne à chaque fois que cela lui était possible : c’est grâce à lui que des heures délicieuses ont été passées à lire Les Hauts-Quartiers.

Le roman est préfacé, à sa publication (posthume) en 1973, par Pierre Mertens, admirateur de l’auteur, dont il évoque l’œuvre dans son intégralité et qui avertit, à propos des Hauts-Quartiers, en une formule dont la justesse s’avère exacte au fil de la lecture :

« Seule une réelle exégèse rendrait compte des dimensions d’un univers dont nous n’avons voulu et pu que suggérer l’importance. Son côté solaire et ses perspectives nocturnes ; sa profusion et sa nudité ; son frémissement et sa rigueur ; sa ferveur et sa fragilité, comme une immense fougère saisie par le gel ».

Le Cerveau à sornettes, Roger Price

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 23 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, USA, Wombat

Le Cerveau à sornettes, avril 2015, trad. de l’anglais (E-U) par Frédéric Brument, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Roger Price Edition: Wombat

 

 

En toute logique, il faudrait éviter de parler du présent livre de Roger Price (1918-1990), puisqu’il s’agit du manifeste « évitiste » absolu. D’un autre côté, respecter la logique lorsqu’il est question des écrits de Roger Price, humoriste de son état, tiendrait quasi de l’absurde. Pas celui de Camus. Celui d’Alphonse Allais.

Reprenons. Préfacé par un Georges Perec de toute évidence sous le charme en 1967, Le Cerveau à Sornettes (In One Head and Out the Other en version originale, 1951) connaît une nouvelle traduction et donc une nouvelle jeunesse aux éditions Wombat, qui le présentent comme un « chef-d’œuvre nonsensique », « un des livres les plus frappadingues de la littérature comique anglo-saxonne » – ce qui a de quoi allécher tout amateur de mauvais esprit.

Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, Ben Fountain

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, 10/18

Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, septembre 2014, trad. de l’anglais (E-U) par Michel Lederer, 408 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Ben Fountain Edition: 10/18

 

 

Lorsqu’on s’intéresse au récit de guerre, force est de constater que les guerres du Golfe semblent avoir peu inspiré les auteurs – ou alors, peu sont traduits, ce qui est aussi une possibilité. Peut-être, par rapport aux guerres précédentes, est-ce l’omniprésence des images journalistiques (qui en plus ne montrent rien ou presque) qui rend difficile la narration ? Car même au point de vue cinématographique, le résultat est plutôt maigre. Dans ce contexte créatif, on constate en plus que l’écriture « intello » est parfois au rendez-vous (voir le pénible Yellow Birds, par Kevin Powers), et on est donc d’autant plus heureusement surpris de tomber sur une véritable perle littéraire : Fin de Mi-Temps pour le Soldat Billy Lynn, par Ben Fountain (1958). Ce roman, publié en 2012 dans sa langue d’origine, n’est pas un récit de guerre dont l’auteur serait un ancien soldat, et ce fait seul peut expliquer la saine mise à distance dont Fountain fait preuve.

La France contre les robots, Georges Bernanos

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 11 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Le Castor Astral

La France contre les robots, avril 2015, 247 pages, 18 € . Ecrivain(s): Georges Bernanos Edition: Le Castor Astral

 

Une phrase, croisée au détour d’un recueil de citations, suffit parfois à donner envie de lire l’œuvre dont elle est extraite : On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. De cette phrase percutante, d’une actualité troublante, on apprend qu’elle est signée Georges Bernanos (1888-1948) et qu’elle est extraite d’un essai intitulé La France contre les Robots (1947). A ceci près que ce texte écrit en 1945 n’était plus disponible couramment ; grâces soient donc rendues au Castor Astral pour cette réédition bienvenue, des particularités de laquelle il sera question plus loin, dû aux textes inédits qu’elle contient.

Dès les premières pages, Bernanos, qui écrit alors que la victoire alliée se dessine de plus en plus nettement, met en garde : la Révolution doit se faire, peu importe les conséquences, car « si nous pensions que ce système est capable de se réformer, qu’il peut rompre de lui-même le cours de sa fatale évolution vers la Dictature – la Dictature de l’argent, de la race, de la classe ou de la Nation – nous nous refuserions certainement à courir le risque d’une explosion capable de détruire des choses précieuses qui ne se reconstruiront qu’avec beaucoup de temps, de persévérance, de désintéressement et d’amour ».

Survivants, Russell Banks

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 01 Juin 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Babel (Actes Sud), Roman, USA

Survivants, traduit de l’américain par Pierre Furlan, 256 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Babel (Actes Sud)

 

En 1975, Russell Banks (1940) voit quelques-unes de ses nouvelles réunies sous un très beau titre : Searching for Survivors, Survivants en français (une nuance est perdue, mais elle n’est pas essentielle) ; il n’est pas encore l’auteur majeur de Continents à la Dérive, De Beaux Lendemains ou encore American Darling, mais la qualité de ces romans incite l’amateur à se pencher avec bienveillance sur ces œuvres de jeunesse. Cet amateur est récompensé de sa curiosité : Banks, alors trentenaire, affiche une claire maîtrise de l’art narratif, même lorsqu’il fait ses gammes.

Une caractéristique que possède déjà Banks au plus haut point, c’est l’empathie envers ses personnages : peu importent leurs faiblesses, leurs défauts, la façon dont ils ont mené leur existence, aucun jugement n’est posé sur eux. Banks décrit des agissements, des comportements, rapporte des paroles, mais ne s’institue pas en petit comptable de l’existence de ses personnages ; cet art, il le portera à la perfection avec le Bob Dubois de Continents à la Dérive, mais c’est littéralement une autre histoire.