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Minus, Lapsus et Mordicus Nous parlons tous latin sans le savoir, Henriette Walter

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 09 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Points

Minus, Lapsus et Mordicus Nous parlons tous latin sans le savoir, septembre 2015, 432 pages, 8 € . Ecrivain(s): Henriette Walter Edition: Points

 

Consigne de lecture : dénombrer les mots latins, en ce inclus une recomposition tardive plaisante, que contiennent les deux paragraphes suivants :

« Au milieu du campus, près du muséum, et devant notre sponsor, j’avais soutenu mordicus qu’au dernier palmarès, notre duo avait été classé ex-aequo avec celui d’un quidam qui était au summum de sa renommée, mais qui se trouvait là incognito. Malheureusement pour nous, ce dernier, dans un rictus peu amical, nous montra illico son agenda et une série de prospectus spécifiant qu’à l’issue d’un long processus, c’était lui qui avait été déclaré in extremis l’as de la catégorie senior car son curriculum vitae était vraiment super.

Mais motus et bouche cousue ! Personne ne doit se douter que nous n’avons eu qu’un accessit ».

Kirinyaga, Mike Resnick

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 02 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Science-fiction, USA, Denoël

Kirinyaga, juin 2015, trad. de l’anglais (USA) par Olivier Deparis et Pierre-Paul Durastanti, 416 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Mike Resnick Edition: Denoël

 

Qu’ont en commun Les Seigneurs de l’Instrumentalité, L’Histoire du Futur, Chroniques Martiennes, Fondation, et Demain les Chiens ? Ce sont des romans de science-fiction dont chaque chapitre peut être lu comme une nouvelle indépendante des autres, autrement dit des fix-up, technique que ce genre semble le seul à avoir développé, technique dont s’est servi Mike Resnick (1942) pour son déjà multi-primé Kirinyaga, réédité augmenté de la longue novella Kilimandjaro.

Kirinyaga est le nom donné par les Kikuyus au mont Kenya ; c’est aussi le nom de leur « utopie », un planétoïde en orbite autour de la Terre terraformé de façon à ressembler aux savanes sèches sur lesquelles ce peuple élevait ses troupeaux et cultivait ses champs il y a de ça longtemps – puisque l’action débute, dans la nouvelle-prologue, en 2123, le jour où Koriba, futur mundumugu (un rôle à mi-chemin entre le prêtre et le sorcier) de Kirinaya, quitte un Kenya devenu à ses yeux européen pour rejoindre son peuple renouvelé.

Tuer, Richard Millet

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 21 Septembre 2015. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Récits, Léo Scheer

Tuer, septembre 2015, 120 pages, 15 € . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Léo Scheer

 

En 2009, Richard Millet (1953) publie La Confession négative, récit par son double fictionnel de son engagement auprès des forces chrétiennes au Liban en 1975, alors qu’il est âgé de vingt-deux ans. Il y va par principe, mais aussi pour, si on peut dire, mettre en œuvre la littérature, ainsi que le montre ce bref extrait : « Oui, la guerre seule peut donner à l’écrivain sa vérité. Sans elle, que seraient Jünger, Hemingway, Faulkner, Céline, Drieu la Rochelle, Malaparte, Soljenitsyne, Claude Simon, pour ne pas parler d’Homère ? » La guerre comme cristallisation du désir littéraire ? Il y a plus sot comme théorie…

Six ans plus tard, Millet publie un récit sobrement intitulé Tuer, récit dont l’origine est expliquée dans son premier paragraphe : « Une inconnue s’est approchée de moi, à Paris, en octobre dernier, après une rencontre au cours de laquelle je parlais de mes livres, pour me demander si j’avais tué, autrefois, au Liban ». Cette question génère une réflexion d’une centaine de pages autour de thèmes déjà croisés dans l’œuvre de Millet en général (la langue, sa force, le respect dont elle est digne) et dans La Confession Négative en particulier (le lien entre guerre et littérature, lien noué par les auteurs déjà mentionnés dans ce roman, et qui sont à nouveau à l’honneur dans le présent récit, mentionnés ou cités en épigraphes).

Il Est Difficile d’Etre un Dieu, Arcadi & Boris Strougatski

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 18 Septembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Science-fiction, Russie

Il Est Difficile d’Etre un Dieu, janvier 2015, trad. du russe Bernadette du Crest, 304 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Arcadi & Boris Strougatski Edition: Folio (Gallimard)

 

Arkanar est une planète similaire à la Terre mais suffisamment éloignée d’elle pour que le Soleil ne soit qu’« étoile minuscule, à peine visible » ; peu importe comment et pourquoi, mais une civilisation humaine s’est développée sur cette planète éloignée, elle est toujours au stade féodal et des historiens russes viennent l’étudier. Parmi ces historiens, Anton « don Roumata d’Estor », qui se fait passer pour un noble dilettante aux yeux du pouvoir en place, et confronte la « théorie du Féodalisme » aux événements et évolutions en cours sur Arkanar. Car Arkanar vit une révolution :

« De belles maisons en pierre de taille bordent les rues principales, d’accueillantes lanternes brillent aux portes des auberges. Des boutiquiers bien nourris et béats, installés à des tables très propres, boivent de la bière en affirmant que le monde n’est pas si mal que ça : le prix du blé baisse, celui des cuirasses monte, les complots sont découverts à temps, on empale les magiciens et les clercs suspects, le roi, à son habitude est auguste et éclairé, don Reba est extraordinairement intelligent, ayant l’œil à tout. […] Dans les rues, le pavé résonne sous les bottes cloutées de garçons en chemises grises, trapus, rougeauds, tenant de grosses haches sur l’épaule droite ».

2084, Boualem Sansal (2ème article)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 14 Septembre 2015. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Maghreb, Roman, Gallimard

2084, août 2015, 288 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Boualem Sansal Edition: Gallimard

 

De la lecture de l’excellent essai Dans les Laboratoires du Pire (1993) d’Eric Faye, on peut déduire que la contre-utopie fut un moment littéraire aussi intense que limité dans le temps : à partir du moment où les régimes totalitaires ont failli, écrire des récits montrant que le bonheur commun obligatoire mène au malheur individuel (pour faire très bref…) n’a plus guère de sens. Certes, tant au cinéma qu’en littérature, la contre-utopie continue pourtant de vivoter, mais on sent bien que les récits les plus récents (d’Equilibrium à Hunger Games) ne sont que des variations sur 1984, Fahrenheit 451 ou Un bonheur insoutenable : paradoxalement, il manquerait à la littérature et au cinéma comme un cruel rappel à l’ordre de la réalité politique pour avoir envie d’en découdre. Enfin, ça, c’est si on est occidental, même hongrois : certes s’agitent des ombres, des fantômes, mais rien de vraiment sidérant. Rien de nouveau, en somme, que des redites en mode mineur. Idem pour la littérature issue des régimes totalitaires : certes, il y a eu La Vie Volée de Jun Do, sur la Corée du Nord mais par un auteur nord-américain ; à part ça, rien d’aussi percutant pour l’esprit que Le Pavillon des Cancéreux ; encore une fois, le réel n’est pas assez violent que pour faire bouger l’art.