Humaniste, Claude Luezior a passé sa vie (et la passe encore) à deux occupations principales : ranimer des vies puisqu’il était médecin et « À chaque lueur du matin, je me suis escrimé avec le passé des participes, j’ai amadoué des adjectifs qui me narguaient dans leurs invariables sous-bois, j’ai écorché mes ongles au fil des dictionnaires et, comme Démosthène, j’ai usé ma langue à ce que je croyais être le velours des voyelles mais qui n’était que consonnes et aspérités ».
Luezior a beau se dire fatigué de ce travail de minceur, il continue à écrire et non sans humour comme en témoignent ses lettres testamentaires adressées à divers concepts (Patience, Masque, Audace), lieux (Cimetière, Maison de retraite), objets (télévision) ou personnes (contractuelle, assureur).
Ses missives sont animées parfois d’un souffle romantique mais le plus souvent de déferlantes ironiques. L’auteur prouve qu’en Suisse (où il habite) comme en France le médecin se heurte à l’administration sanitaire : « Tu me parles clients, je te dis patients qui souffrent. Tu écris délais, je crie urgence. Tu clames tes chiffres, j’entends les râles de l’agonie. Tu fais part de tes décomptes, du haut de tes bâtiments de verre et d’acier : je marche dans la glaise humaine ». Preuve que l’humour n’empêche pas des cris de survie et que la littérature ne parle pas forcément du haut de sa condescendance même si beaucoup d’écrivains font penser le contraire.