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Articles taggés avec: Gavard-Perret Jean-Paul

Les rêveuses, Frédéric Verger

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 06 Septembre 2017. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Les rêveuses, août 2017, 448 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Frédéric Verger Edition: Gallimard

 

En mai 1940, les armées de Hitler écrasent la France. Et le lecteur se demande comment va pouvoir s’en tirer le héros du livre. Ayant déserté son pays, il a emprunté l’identité d’un mort et est devenu soldat dans l’armée française. Fait prisonnier, il est néanmoins libéré et reconduit dans sa famille supposée… Dès lors la vérité du récit va devoir composer avec une suite de recommencements et de ruptures là où les rêveuses vont prendre tout leur sens ?

Sortant le lecteur de ses pressentiments, Verger crée une imagerie où le psychologisme devient secondaire. Le roman s’anime entre conscience attentive et forte vigilance mobile à une firme de roman d’éducation pour celui qui pensait être protégé par sa personnalité d’emprunt. L’existence qu’il a prise lui est restituée selon des lignes qui n’ont rien de directrices. Preuve que l’identité première reprend place parfois face à celle qui a sauvé le héros. Deux mouvements s’inscrivent dans l’espace livresque dans un jeu de double disparition qui aurait fasciné Blanchot.

Ork, Jacques Cauda

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 31 Août 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Ork, La P’tite Hélène éditions, juillet 2017, 128 pages, 13 € . Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

 

Jacques Cauda : ribouldingue de pétochards

Dès le début du roman de Cauda, le lecteur comprend où il pénètre : « La porte bâillait comme les cuisses d’une femme ouvertes au plaisir ». Il est à noter au passage la précision syntaxique : la brèche libidinale anime les membres plus que le personnage lui-même. Et tout est donc notable dans le livre sauf ses héros : les mâles, si l’on en croit l’incipit de Lacan, sont victimes de « l’élision du phallus ». Quant aux blondes en tailleur chic, à Madame Aubain – dont le sexe semble sage « au fond d’une robe pure » avant que sa jupe se retrousse jusqu’au slip – et bien d’autres, deviennent – entre Deauville et Trouville la bien nommée – tétons ou victimes d’une enquête filée dans un fourre-tout qui n’a rien d’étouffe chrétiens – les morts étant plus saignantes et tartares.

Qui ne dit mot consent, Alma Brami

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 24 Août 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Mercure de France, Roman

Qui ne dit mot consent, 24 août 2017, 176 pages, 15,80 € . Ecrivain(s): Alma Brami Edition: Mercure de France

 

Alma Brami ne finit pas de poser les questions de l’identité d’un couple, de son seuil de tolérance et par voie de conséquence celle de l’apparentement selon la voie du dehors et du dedans. Au vu des autres, le couple est parfait. Dans l’intimité il n’en va pas de même. Et la narration devient peu à peu exsangue d’illusion. Fait place la radicalité du réel alimenté par un fin renard.

Celle qui doit à l’attention de son mari la venue chez elle d’amies pour la réconforter va vite déchanter. L’époux modèle recrute ces femmes par petites annonces : mais du chevet de l’épouse esseulée au lit du mari il n’y a qu’un pas. Les femmes se succèdent et s’effeuillent au gré des envies et des lassitudes de celui qui néanmoins retourne toujours dans le giron de sa première des femmes même si elle finit par passer en dernier… Le tout en une série de mises à mal pour le profit d’un mâle qui fait de chaque venue une relique.

Figures pissantes, 1280-2014, Jean-Claude Lebensztejn

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 05 Juillet 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Figures pissantes, 1280-2014, Editions Macula, 2017, 168 pages, 26 € . Ecrivain(s): Jean-Claude Lebensztejn

 

L’essai de Lebensztejn offre une figure très paradoxale autant du paysage que du portrait en un va et vient très particulier entre art et nature. Le tableau s’éloigne des mouvements du cœur comme des débats qui animent l’histoire de l’abstraction là où la figuration propose une scène dégradée et qui dégraderait infailliblement la peinture. L’eau-forte n’est plus seulement une technique mais un état jaillissant auquel le traité de Jean-Claude Lebensztejn donne une introduction magistrale. Divers courants se mêlent de manière imprévue de Rabelais à Andres Serrano.

Le liquide urinaire gicle en un prolongement du moi ou de son reste dont il demeure esclave. Il était donc nécessaire de prolonger les recherches et la quête artistique et littéraire sur la tache en incluant celle du besoin naturel dans le processus créatif. Certes, cet « humain trop humain » est largement censuré même au sein d’un naturalisme souvent coincé. Pour autant, de telles représentations ne sont pas forcément de basse qualité et se nourrissent d’une activité des plus naturelles chez les êtres humains comme chez les bêtes.

Les Caliguliennes, Jacques Cauda

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Samedi, 01 Juillet 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts

Les Caliguliennes, Les Crocs électriques, 2017, photographies d’Elizabeth Prouvost, . Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

Jacques Cauda le « meurtrier »

Jacques Cauda dans la lignée de Sade et d’Artaud pousse la littérature littéralement dans le corps. Celui des femmes. Et celui de la première d’entre elles qui donne autant la nuit que le jour et à laquelle dans Les Caliguliennes les photographies d’Elizabeth Prouvost donnent des reflets aux noirceurs incestueuses.

Le livre est subliment « abject » en ce qu’il taillade. C’est donc un opéra – entendons ouverture. Et l’auteur y pénètre par toutes les blessures et les orifices. Jaillissent les éclaboussures provoquées par les saillies de l’écriture faite d’enjambements et des crimes. Chaque texte devient générateur d’une dévoration orgasmique. L’œuvre devient une histoire de sons et de cris fondamentaux sortis du plus profond de l’être. Le souffle est là sans pompe lyrique mais elle aspire le sang et le cerveau. La liberté se fait chair. Celle-ci ne résiste pas au sublime désordre rhétorique de Cauda. Il crachait ses poumons face à ceux qui en pincent pour les fortes poitrines.