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Le Grand Marin, Catherine Poulain

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 06 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, Voyages

Le Grand Marin, février 2016, 372 pages, 19 € . Ecrivain(s): Catherine Poulain Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Serrer le corps du grand marin, c’est entrer de plein fouet dans les entrailles du livre, adapter son langage et ses odeurs, sombrer avec lui, le soir, la nuit, glisser sur le port et repeindre la ville en rouge. Ivre et hagard au matin, l’alcool dans le sang, à terre, les grands marins tanguent. Ils n’ont pas le pied, ils n’ont plus le sens. Ils flottent et se décharnent. Lili, elle, elle veut être avec eux, s’écorcher la face, elle veut du ressac, elle veut du vent, le sel pour ronger son visage, la mer pour réparer son corps. Elle veut un bateau. Etre adoptée. Pénétrer la chair d’un bateau pour l’habiter tout entier, au bout du monde, voire y disparaître.

Lire ce livre, c’est se tenir avec son propre corps au bastingage comme aux comptoirs des bars, vivre les gueulantes des hommes et des vagues, là sur le pont à ne pas savoir comment s’y prendre. Etre un Homme et s’y tenir. Porter, tendre, attendre son tour par terre et ne plus savoir dormir que par chapitres.

La maison fendue (4), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 05 Mai 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Melbourne celebrates Chinese New Year like no other with a city wide festival that spreads from the rivers and laneways to the outer limits.

Les Australiens disent à la télévision que c’est l’année du chat, les Chinois celle du mouton, tu as compris que les constellations n’ont ni la même taille ni le même nom. Demain il fera beau.

Ils rentrent demain. Les chartreux ont dû le sentir. Ils sont nerveux. Tu passes l’aspirateur, tu fais la poussière, tu refais les vitres, les caisses, tu lances deux ou trois lessives. Tu ranges. Tu laves aussi le linge tassé dans l’évier de la buanderie même si ce n’est pas le tien. Il pue. Tu t’es retenue d’explorer leurs deux armoires. L’odeur sans doute. Le désordre.

Tu sors, tu rachètes l’ensemble du contenu du réfrigérateur et des placards que tu as vidé. Deux cents dollars/cent-soixante euros. N’oublie pas de leur donner la carte Opal que tu n’as pas utilisée, t’es-tu d’ailleurs interrogée sur le choix d’un tel nom pour une carte, naturellement non. Les Australiens ont découvert sa formidable palette de couleurs dans les années soixante, tu avais vingt ans. Cette pierre est à elle seule un arc-en-ciel, elle en porte toutes les teintes. Les spectres.

La maison fendue (3), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Samedi, 30 Avril 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Tu as un mois à vivre, si pour moi c’est fini, vis pour moi dans du beau, dans du propre, apprécie la politesse sur chaque visage, les sourires à chaque coin de rue. Face à la mer, ton église, face au monde. N’aie crainte. Je suis entre de bonnes mains. Pars donc à Melbourne, tu y seras à un peu plus de trois mille kilomètres du grand blanc, tu affectionnes ce genre de détails numériques. L’Antarctique a selon toi une tête d’animal, une bête à corne ou une forme de nautile. Ce sont des signes.

Melbourne. Penthouse information. St Kilda West. Victoria State/« The place to be ».

Emergencies : the emergency phone number in Australia for all purposes (fire, medical, police) is triple-zero. The residents on the floor below are au fait with the procedures in the building and will help you if there is a problem (such as a water leak).

Keys : there will be a spare set of keys either hanging in the hall cupboard.

Internet : feel free to use the laptop, no password required.

La maison fendue (2), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 21 Avril 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Apporte surtout des cadeaux qui ne prennent pas de place, neutres ou incassables, qui soient en rapport avec la maison. Des torchons et des livres.

Apprends à utiliser Viber. Depuis l’Australie tu pourras envoyer des milliards de textos gratuitement. Epoustouflant et fastidieux. Tu as un téléphone portable neuf qui vaut une fortune, un nouvel abonnement grâce auquel tu reçois tes mails en simultané. Tu es paniquée. Il faudra que tu t’y fasses.

Ils sont bien arrivés. Sydney/Paris. Dix-sept mille cent-vingt-deux kilomètres effectués en première classe. Ils adorent. Le quartier. Les boulangeries. Venus à Paris pour affaires. L’un est designer. L’autre est océanographe. Ils ont aussi le projet de visiter Nice, Monaco, Villefranche-sur-Mer. Une semaine. Ils hésitent sur le moyen, l’hébergement, louer une voiture, louer un bateau, louer une maison. Dilemme. Ils ont demandé les coordonnées d’une femme de ménage. Et te font savoir que « la leur » passe tous les jeudis matin, quatre heures pour entretenir la maison.

La maison fendue (1), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 13 Avril 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

Tu pars deux mois pour l’Australie. Pour Sydney. Là le meilleur endroit pour remonter le temps. La plus vieille demeure où l’enfance de la planète, l’Australie, est une maison qui grandit, qui se déplace. Une île. Un continent qui avance de douze centimètres par an, t’ont-Ils répondu.

Car Ils t’ont demandé si tu voulais échanger ton appartement sur le canal Saint-Martin à Paris. Leur maison est située à Neutral Bay, à Sydney. Neutral Bay, tu ne connais pas. Tu as accepté. Un échange en simultané pour un mois.

Simultané, ée, adj. Du latin, famille de similis : similaire. Se dit d’évènements distincts ayant lieu au même moment. Traduction simultanée : donnée en même temps que parle l’orateur.

Tu notes. Au moins une vingtaine de courriels, un appel via Internet pour se voir : les dernières finitions pour ne pas se rater.

Se rater.