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L’Homme trans, Variations sur un préfixe, Bruno Chaouat (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Léo Scheer

L’Homme trans, Variations sur un préfixe, mars 2019, 152 pages, 16 € . Ecrivain(s): Bruno Chaouat Edition: Léo Scheer

 

La quatrième de couverture de L’Homme trans nous apprend que son auteur enseigne la littérature à l’université du Minnesota. Il est de prime abord surprenant qu’un professeur de littérature s’empare de questions comme celles dont traite ce volume (le transhumanisme, les concepts de transgenre et de transparence), toutes notions à cheval sur la science, la philosophie et la sociologie, mais dont peu d’écrivains se sont jamais saisi. Non que ces trois objets manquent d’intérêt, mais les problèmes variés qu’ils soulèvent sont récents (moins de quinze ans), alors que l’apparition et la reconnaissance des grands écrivains résultent d’une alchimie lente et mystérieuse. De surcroît, hors du domaine de la science-fiction, les romanciers répugnent souvent à s’emparer des questions scientifiques (« il n’est rien de plus négligé par les humanités que la technologie et les sciences du vivant », p.18), Siri Hustvedt et Michel Houellebecq formant des exceptions. Mais, compte tenu de la vocation totalisante de la littérature, de sa capacité à former « une mathesis, un ordre, un système, un champ structuré du savoir » (Roland Barthes par lui-même, 1975, pp.122-123), il est évident qu’elle peut être appelée à éclairer les transformations en cours.

Apôtres, Sur les pas des Douze, Tom Bissell (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 09 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Apôtres, Sur les pas des Douze, Tom Bissell, Albin-Michel, septembre 2018, 542 pages, 25,90 €

 

Est-il fréquent que des personnes qui, dans leur enfance, ont pratiqué les rites d’une religion avec l’innocence et le sérieux propres à cette période de la vie, s’en détachent une fois venu l’âge adulte ? Sans doute. Qu’éprouvent-elles alors vis-à-vis de la foi qu’elles ont abandonnée ? De la nostalgie ? De l’indifférence ? De la rancœur ? Ressentent-elles le besoin de régler des comptes avec cette religion qui fait partie de leur passé et de leurs souvenirs ? Peut-être. Il est toutefois rare – heureusement – qu’un règlement de comptes prenne la forme d’un volume de plus de cinq cents pages, consacré aux douze hommes inégalement célèbres regroupés sous le nom d’« apôtres ». On raconte qu’Ernst Robert Curtius, le grand romaniste allemand, aimait taquiner les ecclésiastiques qui s’aventuraient dans son séminaire, en leur demandant de lui énumérer les noms des douze apôtres. Rares étaient ceux qui parvenaient au bout de la liste.

Persévérance du fait juif Une théorie politique de la survie, Danny Trom (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 03 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Persévérance du fait juif Une théorie politique de la survie, Danny Trom, Seuil/Gallimard, coll. Hautes Études, juin 2018, 492 pages, 28 €

 

Le livre de Danny Trom – un grand livre – se propose de répondre à une question à la fois simple et dérangeante : pourquoi y a-t-il encore des Juifs ? Comment se fait-il que ce peuple très ancien, aussi ancien que les Chinois, existe encore ? À propos de la longue obstination déployée pour faire disparaître les tribus indiennes des Andes, Jean Raspail notait : « Un tel acharnement impressionne. Il n’a de comparable que celui qui accabla les Juifs tout au long de leur histoire, survivants du déluge, hommes d’avant les hommes, eux aussi » (La Hache des steppes, Via Romana, 2016, p.223). De grands empires s’y sont essayé : l’Égypte, Rome, l’Église constantinienne (de façon schizophrène, car son fondateur et ses premiers disciples étaient Juifs), le IIIe Empire germanique et, actuellement, tout ce que le monde arabo-musulman compte de fanatiques (le réservoir est apparemment inépuisable). Mais ce sont ces empires qui ont disparu ou sont en voie de disparition. Une explication évidente (mais est-elle aussi évidente que cela et ne serait-elle pas plutôt un refus d’explication ?) consisterait à invoquer la protection divine.

Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 26 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Classiques Garnier

Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey, avril 2018, 252 pages, 34 € Edition: Classiques Garnier

 

Grand historien de la philosophie, Étienne Gilson définissait ainsi l’athéisme : « doctrine qui, après mûre réflexion, conclut comme une certitude rationnelle que rien qui réponde au mot “dieu” nexiste en réalité » (cité p.9). La phrase mérite d’être examinée de près. « Après mûre réflexion » exclut la négation de Dieu sous le coup du désespoir ou de la colère. « Certitude rationnelle » va dans le même sens : il ne s’agit pas de proclamer l’inexistence de Dieu après une catastrophe collective (comme le séisme de Lisbonne) ou un deuil privé. « Rien qui réponde au mot “dieu” » correspond au nœud du problème. Que convient-il de mettre sous ce vocable ? Le créateur d’un univers infini, fait de milliards de galaxies contenant chacune des milliards d’étoiles ? L’entité qui accompagne le destin individuel de tous les êtres humains ayant jamais vécu (et qui veille sur eux) ? L’intelligence qui sait tout de tout et de tous à chaque seconde ? Le mot « Dieu » recoupe-t-il la même chose dans le judaïsme que dans l’islam ou chez les Aztèques ?

Révolution et mensonge, Alexandre Soljénitsyne (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 18 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Révolution et mensonge, Alexandre Soljénitsyne, Fayard, octobre 2018, préface Georges Nivat, trad. russe José Johannet, Georges Philippenko, Nikita Struve, Georges Nivat, 186 pages, 20 €

 

Soljénitsyne possédait une double formation intellectuelle : d’un côté, les mathématiques et la physique ; de l’autre la philosophie et l’histoire. La littérature ne vint qu’ensuite, si l’on peut dire cela d’un Russe, peuple lettré entre tous.

Historien, Soljénitsyne eut le goût des sources, des mémoires, des chroniques, qu’il lut par centaines pour composer La Roue rouge. Un des premiers conseils que les professeurs d’histoire donnent à leurs étudiants est de fuir comme la peste le raisonnement contrefactuel (« que se serait-il passé si tel événement ne s’était pas produit ? »). Soljénitsyne, au contraire, s’y adonna avec délices. De même que l’historien, le scientifique recherche les causes des phénomènes observés, leurs influences mutuelles, leurs interactions. De même que le savant, le philosophe s’attache à l’aspect général des choses, derrière la foisonnante infinité des détails.