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Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 26 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Classiques Garnier

Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey, avril 2018, 252 pages, 34 € Edition: Classiques Garnier

 

Grand historien de la philosophie, Étienne Gilson définissait ainsi l’athéisme : « doctrine qui, après mûre réflexion, conclut comme une certitude rationnelle que rien qui réponde au mot “dieu” nexiste en réalité » (cité p.9). La phrase mérite d’être examinée de près. « Après mûre réflexion » exclut la négation de Dieu sous le coup du désespoir ou de la colère. « Certitude rationnelle » va dans le même sens : il ne s’agit pas de proclamer l’inexistence de Dieu après une catastrophe collective (comme le séisme de Lisbonne) ou un deuil privé. « Rien qui réponde au mot “dieu” » correspond au nœud du problème. Que convient-il de mettre sous ce vocable ? Le créateur d’un univers infini, fait de milliards de galaxies contenant chacune des milliards d’étoiles ? L’entité qui accompagne le destin individuel de tous les êtres humains ayant jamais vécu (et qui veille sur eux) ? L’intelligence qui sait tout de tout et de tous à chaque seconde ? Le mot « Dieu » recoupe-t-il la même chose dans le judaïsme que dans l’islam ou chez les Aztèques ?

Révolution et mensonge, Alexandre Soljénitsyne (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 18 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Révolution et mensonge, Alexandre Soljénitsyne, Fayard, octobre 2018, préface Georges Nivat, trad. russe José Johannet, Georges Philippenko, Nikita Struve, Georges Nivat, 186 pages, 20 €

 

Soljénitsyne possédait une double formation intellectuelle : d’un côté, les mathématiques et la physique ; de l’autre la philosophie et l’histoire. La littérature ne vint qu’ensuite, si l’on peut dire cela d’un Russe, peuple lettré entre tous.

Historien, Soljénitsyne eut le goût des sources, des mémoires, des chroniques, qu’il lut par centaines pour composer La Roue rouge. Un des premiers conseils que les professeurs d’histoire donnent à leurs étudiants est de fuir comme la peste le raisonnement contrefactuel (« que se serait-il passé si tel événement ne s’était pas produit ? »). Soljénitsyne, au contraire, s’y adonna avec délices. De même que l’historien, le scientifique recherche les causes des phénomènes observés, leurs influences mutuelles, leurs interactions. De même que le savant, le philosophe s’attache à l’aspect général des choses, derrière la foisonnante infinité des détails.

Célèbre la terre pour l’ange, Anthologie, Rainer Maria Rilke (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 12 Juin 2019. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Langue allemande

Célèbre la terre pour l’ange, Anthologie, octobre 2018, trad. allemand Jeanne Wagner, 138 pages, 14 € . Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Albin Michel

 

À force de contempler des cascades d’angelots aux joues rebondies et aux membres potelés ruisseler des plafonds dans les églises baroques, on a fini par oublier à quel point ces êtres surnaturels, qui contemplent Dieu en face, peuvent être inquiétants (le peintre belge Fernand Khnopff s’en était souvenu). Une hiérarchie complexe les différencie, de l’humble ange gardien (mais un ange peut-il être humble ?) qui accompagne chaque être humain le long de son chemin ici-bas, à ces entités mystérieuses que sont les Trônes, les Dominations, les Vertus, les Puissances, les Principautés (voir l’épître aux Romains, 8, 38-39), que le catholicisme d’avant l’effondrement invoquait dans le canon de la messe ; en passant par les archanges : Gabriel, Raphaël (qui guérit Tobie) et Michel (en hébreu, « qui est pareil à Dieu »), protecteur du peuple juif, de la Synagogue, puis de l’Église. « Ego enim sum Raphael angelus, unus ex septem qui astamus ante Dominum » (Tobie 12, 15, « Je suis Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent devant la gloire du Seigneur et pénètrent en sa présence », trad. T.O.B.)

Ainsi fut Auschwitz, Témoignages (1945-1986), Primo Levi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Histoire, Les Belles Lettres

Ainsi fut Auschwitz, Témoignages (1945-1986), février 2019, texte établi par Fabio Levi et Domenico Scarpa, trad. Marc Lesage, 304 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Primo Levi Edition: Les Belles Lettres

 

Même s’il en a publié d’autres, Primo Levi demeure pour la postérité l’homme d’un seul livre, Si c’est un homme, auquel tous les autres semblent subordonnés, comme les branches à un tronc. Rien a priori ne destinait ce chimiste turinois à devenir écrivain. Rien, sauf une expérience indicible et l’impératif moral de porter témoignage au nom de ceux qui jamais ne revinrent. Il avait compris que le silence de chaque rescapé était un cadeau posthume offert au nazisme.

Recueil de textes brefs, écrits pour les journaux ou à la sollicitation des autorités soviétiques et de la justice, Ainsi fut Auschwitz est un livre composé en partie à quatre mains, avec un autre homme de science, ou plutôt de l’art (les médecins considèrent ainsi leur discipline), Leonardo De Benedetto. Le titre du premier texte, signé des deux hommes, « Rapport sur l’organisation hygiénique et sanitaire du camp de concentration pour juifs de Monowitz (Haute-Silésie) », publié dans la Minerva Medica, un hebdomadaire de praticiens bien connu de l’autre côté des Alpes, trahit une tension vers l’objectivité scientifique.

La Société ouverte et ses ennemis, Karl Popper (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 27 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Points

La Société ouverte et ses ennemis, juin 2018, trad. anglais Jacqueline Bernard, Philippe Monod, deux volumes, 342 et 336 pages, 9,50 € chaque volume . Ecrivain(s): Karl Popper Edition: Points

 

Karl Popper eut le privilège à la fois douteux et involontaire de fêter ses seize ans lorsque s’acheva la Première Guerre mondiale et d’être né dans une ville qui, à bien des égards, fut à la fois la matrice de la modernité européenne et le centre géométrique de ses névroses : Vienne. Dans le bouillonnement intellectuel qui caractérisait la capitale de la jeune Autriche, Popper publia ses premiers travaux scientifiques, portant sur l’épistémologie. Il jugea ensuite préférable de s’éloigner du continent européen, se rendant en Grande-Bretagne, puis aussi loin de Vienne qu’il soit possible d’aller sans changer de planète : en Nouvelle-Zélande. Ce fut depuis ce pays lointain, dernière escale avant le Pôle Sud, qu’il assista à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie et à tout ce qui suivit, même si les informations ne lui parvenaient que lentement. Ce fut également en Nouvelle-Zélande que Popper rédigea La Société ouverte et ses ennemis, qu’il déclara avoir récrit une trentaine de fois. À la fin de 1945, il fut recruté par l’université de Londres où il travailla jusqu’à sa retraite. Il ne retourna dans le monde germanique que pour donner des conférences et Vienne ne recueillit que ses cendres.