Identification

Articles taggés avec: Banderier Gilles

La Pensée de la décadence de Baudelaire à Nietzsche, Andrea Schellino (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 03 Mai 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Classiques Garnier

La Pensée de la décadence de Baudelaire à Nietzsche, Andrea Schellino, 656 pages, 59 € Edition: Classiques Garnier

 

« Littérature de décadence ! – Paroles vides de sens que nous entendons souvent tomber, avec la sonorité d’un bâillement emphatique, de la bouche de ces sphinx sans énigme qui veillent devant les portes saintes de l’Esthétique classique. À chaque fois que l’irréfutable oracle retentit, on peut affirmer qu’il s’agit d’un ouvrage plus amusant que l’Iliade ». Ainsi Baudelaire commençait-il ses Notes nouvelles sur Edgar Poe. La décadence occupe, chez l’écrivain français, une place cardinale (au sens étymologique) à la fois en tant que sujet de réflexion et critère de réception. Que Les Fleurs du mal aient pu être jugées comme une œuvre décadente, alors qu’à nos yeux elles incarnent une forme de classicisme, est un paradoxe qui nous en apprend plus sur l’époque où vécut Baudelaire (l’adjectif décadent finissant par fonctionner comme une sorte d’insulte ou d’anathème qu’écrivains et critiques se jetaient au visage) que sur le recueil lui-même. Mais Baudelaire ne fut pas seulement considéré comme un exemple de décadence : il médita ce concept et son envers, la notion de progrès. En cela, il fut de son temps, car plus que toute autre époque et pour des raisons qui n’ont été qu’imparfaitement élucidées, le XIXe siècle fut hanté par la perspective du déclin.

Russies, Dominique Fernandez (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Avril 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Voyages, Philippe Rey

Russies, mars 2021, 208 pages, 9,90 € . Ecrivain(s): Dominique Fernandez Edition: Philippe Rey

 

Avec son sens consommé de la formule, Churchill définissait (mais était-ce vraiment une définition ?) la Russie comme « une devinette, enveloppée dans un mystère, au cœur d’une énigme » (a riddle, wrapped in a mystery, inside an enigma). Mais, autant on pouvait à la Renaissance ou au XVIIe siècle se permettre de négliger l’énigme en question ou se contenter de savoir qu’il existait quelque part un pays plutôt froid et peu hospitalier nommé Russie, autant depuis le Siècle des Lumières et l’ouverture (forcée) sur l’Occident européen, il n’est plus possible d’ignorer cette immense nation, qui a en grande partie dominé l’histoire du XXe siècle, grâce à (ou à cause de) l’utopie communiste. Pendant des siècles, et sans que l’Europe s’en rendît compte, la Russie lui servit de glacis, la protégeant des invasions asiatiques qui, sans le courage des peuples russes, eussent atteint Lisbonne en moins de temps qu’il n’en aurait fallu à l’Europe pour comprendre ce dont il s’agissait (les rêves insensés de Napoléon et de Hitler se brisèrent sur le bouclier russe, aussi imperméable dans un sens que dans l’autre). De nos jours, une grande partie des décisions prises par les États-Unis en matière de politique étrangère visent la Russie.

Le Livre noir, Textes et témoignages, Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 09 Avril 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Livre noir, Textes et témoignages, Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman, Actes-Sud, 2019, trad. russe, Carole Moroz, 1136 pages, 28 €

 

Le Livre noir, textes et témoignages sur l’extermination scélérate des Juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l’URSS et dans les camps d’extermination en Pologne pendant la guerre de 1941-1945, traduits du russe par Yves Gauthier, Luba Jurgenson, Michèle Kahn, Paul Lequesne et Carole Moroz, sous la direction de Michel Parfenov.

Dans une des pages incandescentes qu’il a consacrées au procès Eichmann, Kessel raconte qu’à un moment, installé de façon provisoire dans la salle de presse et suivant les débats par écran interposé, il voyait « le visage d’Eichmann […] en gros plan, déformé, couturé, déchiré de tics. La voix avait une intonation presque hystérique. Elle s’écriait par saccades :

– Affirmation étrange, absurde ! Je ne connaissais pas les chiffres. Et que ne disait-on pas ? Commérages de Nuremberg. Bavardages d’Auschwitz. Les uns assuraient que j’avais cité cinq millions de Juifs exterminés, d’autres que c’était deux millions, et d’autres six millions.

La Haine de la culture, Pourquoi les démocraties ont besoin de citoyens cultivés, Konrad Paul Liessmann (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 29 Mars 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

La Haine de la culture, Pourquoi les démocraties ont besoin de citoyens cultivés, Konrad Paul Liessmann, éd. Armand-Colin, septembre 2020, trad. allemand, Suzanne Kruse, Hervé Soulaire, 222 pages, 20,90 €

 

 

Dans l’original allemand (publié à Vienne en 2017 et traduit avec une célérité exemplaire), le recueil de Konrad Paul Liessmann s’intitule Bildung als Provokation. Si le second substantif (un vocable français habillé à l’allemande) ne présente pas de difficultés de traduction, il n’en va pas de même pour le mot Bildung, qui recouvre plusieurs concepts : l’éducation dans ce qu’elle peut avoir de plus général ou la formation dans ce qu’elle a de plus utilitaire, mais également la culture ou l’expérience des hommes et des choses acquise au long des années (comme dans le « roman d’apprentissage », Bildungsroman, dont les modèles viennent du monde germanique). On comprend que ce mot aux acceptions fort étendues regroupe tout ce qui est de l’ordre de l’acquis culturel, par opposition à l’inné génétique.

Journal d’un rabbin lituanien du XVIIIe siècle, Menahem Mendel Slatkine (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 22 Mars 2021. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Israël, Editions Honoré Champion

Journal d’un rabbin lituanien du XVIIIe siècle, Morceaux choisis et édités à partir d’un ouvrage attribué au rabbin Shlomo David de Radoshkovitchi par Menahem Mendel Slatkine, éd. Honoré-Champion, 2020, trad. hébreu Claire Darmon, 478 pages, 65 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Dans les premières pages du Nom de la rose (Un manuscrit, naturellement), Umberto Eco s’est moqué avec virtuosité et volubilité du vieux topos littéraire du manuscrit retrouvé au fond d’une malle, tout en reprenant ce même lieu commun avec force détails destinés à l’accréditer. Ce Journal d’un rabbin lituanien est-il autre chose qu’une fiction ? Il faut s’interroger sur la personnalité de celui qu’on regardera, selon la réponse qu’on donnera à cette question, comme son véritable auteur ou son simple éditeur.

La vie de Menahem Mendel Slatkin (1875-1964) forme un pont entre deux mondes. Né à Rostov-sur-le-Don, il vécut sa jeunesse dans le climat d’antisémitisme slave, survécut aux pogroms de 1905 et choisit la voie de l’exil vers la Suisse, Zurich d’abord, puis Genève qui abritait une importante communauté russe.