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Prise de sang, Emmanuel Berl (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 14 Janvier 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Les Belles Lettres

Prise de sang, Emmanuel Berl, 2020, 246 pages, 13,90 € Edition: Les Belles Lettres

 

Publié en 1946, Prise de sang est un livre composé sur les décombres. Personnalité du monde littéraire parisien, Emmanuel Berl avait été jugé suffisamment français pour récrire, en juin 1940, certains discours de Philippe Pétain (il estimait avec raison que la prose cacochyme et crachotante du maréchal n’atteignait pas à la puissance rhétorique de Churchill ou De Gaulle), dont celui contenant la fameuse phrase « La terre, elle, ne ment pas » (aussi belle et creuse, si l’on y réfléchit bien, que n’importe quel slogan électoral). Dans les mois qui suivirent, cependant, Berl ne fut plus jugé assez français (autrement dit, trop juif) pour jouir de ses droits civiques et continuer à vivre sans se cacher. La Corrèze et le Lot, deux départements suffisamment vastes et vides pour qu’un Juif pût s’y dissimuler sans courir trop de risques (et, n’étant pas le premier venu, Berl pouvait compter sur de solides amitiés, nouées avant-guerre), lui offrirent l’hospitalité.

Nous sommes les voix des morts, Les derniers déportés témoignent, Jean-Marie Montali (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 06 Janvier 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Récits, Le Cherche-Midi

Nous sommes les voix des morts, Les derniers déportés témoignent, Jean-Marie Montali, octobre 2020, 240 pages, 17,80 € Edition: Le Cherche-Midi

 

Bientôt, les survivants de la Shoah auront tous disparu. D’un côté, nous sommes en présence d’une évidence biologique – les camps de la mort ont cessé leur activité il y a trois quarts de siècle et ceux qui en ont réchappé sont, pour les plus jeunes, octogénaires. De l’autre, il semble intolérable que plus personne ne puisse témoigner du pire massacre de tous les temps. Un décompte macabre pourrait bientôt commencer, analogue à celui par lequel, dans les années 1990, on s’était mis à dénombrer les derniers combattants de 1914-1918 ou, à présent, les Compagnons de la Libération, et les historiens se sont lancés dans le recueil des ultimes témoignages qui seront délivrés de vive voix.

Il existe dans le nord d’Israël, à Haïfa, une fondation créée en 2001, Yad Ezer Lechaver, qui permet à des survivants de la Shoah établis dans l’État hébreu, de ne pas finir leurs jours dans la misère matérielle. Cette association possède des immeubles dans lesquels les rescapés sont logés.

Les Lumières de l’ombre, Libres penseurs, hérétiques, espions (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 14 Décembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Histoire, Editions Honoré Champion

Les Lumières de l’ombre, Libres penseurs, hérétiques, espions, éditions Honoré-Champion, mai 2020, Sophie Bisset, Marie-Claude Felton, Charles T. Wolfe, 310 pages, 55 € Edition: Editions Honoré Champion

 

« Le côté obscur des Lumières » : la formule est facile et ressemble à une accroche de journaliste en mal d’inspiration. C’est pourtant bien le territoire que ce volume prospecte. Que furent les Lumières ? On se représente une confrérie d’écrivains élégants et de penseurs raffinés regardant tous dans la même direction, tous préoccupés jour et nuit d’améliorer le monde en général et l’humanité en particulier, de libérer celle-ci de tout ce qui peut contribuer à l’amoindrir, à l’effrayer ou à l’oppresser. Cela, c’est l’image d’Épinal ou la vision propagée par les manuels de littérature. La réalité fut sensiblement différente. De nombreux écrivains des Lumières se haïssaient. On préfère fermer les yeux sur l’antisémitisme et le racisme qui se donnent libre cours dans les œuvres de Voltaire. Ainsi qu’on l’a finement remarqué, l’univers clos et étouffant du marquis de Sade, lieu de supplices infinis, annonce la rationalité concentrationnaire.

Les Vies d’écrivains (1550-1750), Contribution à une archéologie du genre biographique, Élodie Bénard (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 08 Décembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Essais

Les Vies d’écrivains (1550-1750), Contribution à une archéologie du genre biographique, Élodie Bénard, Droz, 440 pages, 39 €

Nous avons l’habitude, lorsque nous prenons un livre, de trouver quelque part, au dos du volume ou dans un pli de la couverture, la photographie de l’auteur et quelques lignes de biographie. Ces deux éléments sont si communs que c’est leur absence qui finit par surprendre et par sembler suspecte. Les maisons d’édition doivent aussi veiller à cela et savent bien que rien n’est pire qu’un cliché pris dans ces cabines automatiques, qui donnent au plus paisible des individus l’allure d’un repris de justice.

Cette coutume tenace de la photographie et de la biographie express montre surtout que la leçon de Proust dans son Contre Sainte-Beuve n’a pas été « reçue », à la manière d’une puissante émission radio qui se serait perdue dans l’immensité de l’univers. Or il y a aussi peu de rapport entre la photographie d’un écrivain et son œuvre qu’entre le visage d’un cuisinier et ses plats. « L’histoire d’un auteur est proprement l’histoire de ses ouvrages, comme l’histoire d’un héros est celle de ses actions. La vie privée d’un homme de lettres est quelque chose de bien sec et souvent bien petit : les événements en sont trop peu considérables pour mériter l’attention d’un lecteur », écrivait Jean-Baptiste Rousseau en 1730 (cité p.225). Et il avait raison.

Έπιγράμματα, Travaux et jours dans la Grèce antique, Bernard Plessy (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 01 Décembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire

Έπιγράμματα, Travaux et jours dans la Grèce antique, Bernard Plessy, éditions Paradigme, juin 2020 (édition bilingue), 96 pages, 9,90 €

 

Sans doute faut-il être soi-même un chasseur de vieux livres et un dénicheur de textes anciens pour deviner les sentiments qui assaillirent le jeune Claude Saumaise (1588-1653), ce jour de 1606 où, dans la bibliothèque de l’électeur palatin, à Heidelberg (où il faisait ses études), il mit la main sur un manuscrit grec unique et inconnu, véritable chef-d’œuvre mineur, une collection de poèmes brefs écrits sur un millénaire, que la postérité connaîtra comme l’Anthologie palatine (le manuscrit se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque vaticane). Elle fera l’objet d’une édition intégrale par les soins de l’érudit strasbourgeois Richard Brunck, entre 1772 et 1776. Tous les florilèges de littérature grecque ancienne réservent une place à cette poésie souvent précieuse et savante, parfois modeste, en tout cas jamais tout à fait inintéressante.

De ce corpus considérable, Bernard Plessy a tiré à la matière d’une anthologie concise (l’anthologie d’une anthologie, donc), bilingue, élégamment imprimée.