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La Clef rouge, et autres contes cruels et de mort, Maurice Leblanc (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 02 Septembre 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Contes

La Clef rouge, et autres contes cruels et de mort, Maurice Leblanc, éditions Le Visage Vert, septembre 2021, 178 pages, 15 € . Ecrivain(s): Maurice Leblanc

 

Jean-Luc Buard, préfacier de cet ouvrage, nous dit que Maurice Leblanc aura écrit en tout 395 contes et nouvelles « non-lupiniens ». Trente-cinq d’entre eux ont été réunis ici, tous ont eu une première parution dans la presse, entre 1890 et 1911, avant que certains ne soient recueillis en volume – à ce titre, il faut saluer le travail opéré sur la bibliographie qui figure à la fin du livre.

Ces contes dits « cruels et de mort » nous montrent avec quelle atrocité, et même avec quelle perversité, le destin se joue des espérances et des croyances des individus que nous sommes. La vengeance prend ainsi un tour dramatiquement salé dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, ou dans L’Unique Maîtresse. Tous les espoirs d’une jeunesse tendus vers son avenir conjugal s’abattent brutalement lorsqu’on a la malchance de se trouver mêlé à une mésaventure : ainsi en est-il du Serment (« …elle pensait que la vie est une chose adorable et qu’il n’y a rien au monde de plus doux que l’amour », p.110) ou du Sauvetage, dont l’ironie finale rend le drame encore plus acéré.

La barque le soir, Tarjei Vesaas (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 06 Avril 2022. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman, Editions José Corti

La barque le soir, trad. norvégien, Régis Boyer, 192 pages, 19 € . Ecrivain(s): Tarjei Vesaas Edition: Editions José Corti

Régis Boyer, le traducteur et préfacier, pose la question essentielle quant à ce livre : roman, autobiographie ou poème ? Tout en admettant le tort que l’on aurait à vouloir circonscrire un ouvrage dans un genre particulier, surtout quand on reconnaît la richesse de ce même ouvrage, on est néanmoins assuré de la présence de la poésie dès les premières lignes. Non pas tant dans ce que la poésie pourrait véhiculer de formel, mais davantage dans les images, et dans cette volonté de l’écrivain à tendre, jusqu’à la pureté, vers ce qui n’est qu’impressions et sensations, comme dépouillées des contingences sociales. La poésie se mêle aussi, au sein du style, dans des élans itératifs, faits de morceaux de phrase ou de simples mots : tel un refrain, telle une ponctuation personnelle, le narrateur y revient, comme exprimant ses doutes ou sa perplexité face à ce qu’il perçoit et face à sa mémoire.

Car les souvenirs d’enfance s’immiscent souvent dans cet ouvrage : pour le narrateur, cette période se caractérise par de la rudesse et un mutisme pesant. Pourtant, l’auteur se fixe sur l’émerveillement, et sans jamais l’once d’une lourdeur, dans un souffle continu, il nous conduit, sorcier, à un instant de grâce, à ce qui paraît « insaisissable » (suivant le titre d’un chapitre) : oui, l’émerveillement est ici l’élu, le fil conducteur, le pilier, la justification de ce livre, où la nature est en vérité le personnage principal.

Karmina Ultima, Philippe Pratx (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 14 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Le Coudrier

Karmina Ultima, Philippe Pratx, septembre 2021, Ill. Odona Bernard, préface Jean-Michel Aubevert, 162 pages, 20 € Edition: Le Coudrier

 

Ce « chant ultime » du dernier Mangbetu, tel que nous le propose Philippe Pratx, se décompose (et nous entraîne) en quatre voyages fondateurs. La prégnance aventureuse, magique, voire mystique, associée aux paysages du périple, ne se départit pas d’une large signification philosophique : les montagnes – la Morte-Terre – les îles de la Nuit – les contrées de la Brume. Vraisemblablement, l’enjeu est ici de mourir et de renaître : « Il fallut bien me résoudre à la quitter, cette pauvre vieille Terre corrompue (…) Ma vie n’est qu’errance. (…) Ceux que je rencontre se lèvent et partent » (p.16-17). Il s’agit aussi de construire, à travers ces voyages décisifs, sa propre « maison intime », et les livres y ont une place centrale, pour ne pas dire qu’ils représentent la vie.

Le Chant liminaire nous dévoile en partie les raisons qui ont poussé le poète à errer : « Si tu veux être heureux, ignore-toi toi-même, sois à toi le perpétuel “autre”, l’alien et le fou de ta conscience ; ne connais non plus jamais tout à fait “les autres” ni le monde (…) J’ai toujours su (…) dans la catastrophe universelle, demeurer réellement moi-même, j’ai toujours su tout de moi-même. (…) Cela est aussi ma souffrance » (p.34-35).

Le médecin d’Avignon, Isabelle Pouchin (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 31 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Le médecin d’Avignon, Isabelle Pouchin, éd. Gaspard Nocturne, mars 2021, 180 pages, 19 €

 

Le voyage d’Hugues Rivehaute, le « médecin d’Avignon », nous emmène en 1349 (et un peu au-delà), dans une France que la peste ravage, où les morts s’accumulent comme autant de corps indifférenciés, où l’atmosphère putride et le désespoir ont achevé de désarmer le personnage principal. « Vous n’en avez pas guéri un, pas un seul » (p.12). Abandonnant son engagement de médecin et son collègue Guy de Chauliac, Hugues a pour seul but de gagner le nord : « un homme failli ne manque à personne » (p.5). L’itinérance qui se fait alors par les pas se fait aussi par les pensées et les rêves : l’on découvre la rudesse des épreuves passées, telle que la perte de sa femme et de ses enfants qu’il a été incapable de sauver. Cependant, son chemin le conduit à rencontrer la bonté exceptionnelle d’une vieille femme isolée, Jeanne, qui après plusieurs semaines parviendra à le remettre sur pied ; un compagnon qui ne le lâchera plus, le chien Pelote ; la beauté ineffable de la nature et son découlement perpétuel ; ses bêtes qui semblent observer ironiquement le spectacle dramatique des hommes, victimes esseulées d’un fléau horrifiant.

Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 03 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Nouvelles, USA

Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram, éditions Le Visage Vert, août 2021, trad. USA Anne-Sylvie Homassel, Blandine Longre, 162 pages, 14 €

 

Ralph Adams Cram fut un architecte de renom aux Etats-Unis, qui dès sa jeunesse éprouva un goût prononcé pour l’ancien, plus spécifiquement le gothique, ce qu’affermirent en lui deux voyages effectués en Europe avant ses trente ans. Préalablement à son engagement définitif dans le métier d’architecte, il côtoyait les milieux artistiques de Boston et produisit quelques œuvres littéraires, dont cet unique recueil de nouvelles, Black Spirits and White (1895), ouvrage qu’il sembla renier vers la fin de sa vie.

Si l’on a un penchant pour les histoires de fantômes, il est honnête de dire que notre esprit ne peut se trouver révolutionné par ces récits. Ceci n’enlève en rien le plaisir qu’on en tire, ni la qualité littéraire du livre : l’auteur ménage remarquablement les atmosphères de mystère et d’horreur, qui ne manquent pas de laisser durablement leurs empreintes dans notre imagination. Comment s’empêcher, par ailleurs, de ne pas soulever quelques références littéraires dans ces nouvelles ?