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Roman

Cristallisation secrète, Yôkô Ogawa

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 22 Février 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Actes Sud, Japon

Cristallisation secrète, traduit du japonais par Rose-Marie Makino, Babel mars 2013, 384 p. 8,70 € . Ecrivain(s): Yôko Ogawa Edition: Actes Sud

 

Effacement

 

Lorsqu’on lit Cristallisation secrète, on ne peut s’empêcher de penser à Je suis une légende, Le château de Kafka ou encore La métamorphose. On trouve aussi des convergences avec Rhinocéros de Ionesco. Ceci s’explique peut-être par les thématiques évoquées.

La narratrice, romancière elle aussi, vit sur une île dont on ne connaît pas le nom (sans doute parce qu’il s’est effacé des mémoires des insulaires depuis la nuit des temps…), assiste, impuissante, à la disparition des objets du quotidien qui surviennent sans crier gare. L’étrangeté de la chose réside dans l’indifférence générale lorsque se produit l’événement. Personne ne dit rien. Au contraire, tout le monde s’active à chasser l’objet disparu de sa mémoire de sorte qu’il devient inconsistant et innommable par la suite. En effet, il s’ensuit un effacement de l’objet : son nom, sa forme et sa fonction n’évoquent plus rien pour personne. Il n’a plus d’existence car on ne se souvient pas de lui.

La tragédie d'Arthur, Arthur Phillips

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Février 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Le Cherche-Midi

La tragédie d’Arthur, traduit de l'anglais (USA) par Bernard Hoepffner, janvier 2013, 617 p. 22 € . Ecrivain(s): Arthur Phillips Edition: Le Cherche-Midi

 

On sort de la lecture de ce livre avec le sentiment d’avoir passé des heures dans un labyrinthe et de n’être pas sûr du tout d’en être vraiment sorti ! La sortie utilisée est-elle la bonne, la vraie, une illusion ? Car tout ce livre a pour thème le faux. « F for fake » titrait Orson Welles dans le film qu’il dédiait à un grand faussaire pictural, Elmyr. Et ce film avait pour titre français « vérités et mensonges » qui conviendrait fort bien à cette variation sur le thème du faux littéraire.

Pour commencer qui a écrit quoi ? Ce livre est signé bien sûr par Arthur Phillips. Mais pas que. L’autre auteur s’appelle William … Shakespeare. Plus de cent pages placées à la fin du livre sont constituées de la publication d’un inédit du Barde : la tragédie d’Arthur. Vous avez bien lu, un inédit de Shakespeare. D’où vient cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) ?

C’est là le propos central de ce livre : Arthur Phillips nous raconte qu’il fut affublé d’un père improbable. Passionné de Shakespeare, il voulut transmettre dès leur enfance sa passion à ses enfants. Et ça marche plutôt bien pour la sœur d’Arthur, Dana, qui devient une fan et une spécialiste du Barde. Moins bien pour Arthur … jugez-en :

Les poètes morts n'écrivent pas de romans policiers, Bjorn Larsson

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 21 Février 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Pays nordiques, Grasset

Les poètes morts n’écrivent pas de romans policiers, traduit du suédois par Philippe Bouquet, 2012, 491 p. 22 € . Ecrivain(s): Björn Larsson Edition: Grasset

 

Il y a ordinairement autant de distance entre le roman policier et la poésie qu’entre le jeune Werther et Hercule Poirot… bien qu’il existe des lecteurs prisant tout autant chacun de ces deux genres.

Björn Larsson a osé réunir dans un même livre poésie, crime, enquête policière, réflexions sur la poésie…

Le héros : Jan Y Nilsson est un poète, un vrai, de ceux pour qui l’écriture poétique est « une vocation à laquelle on [voue] son existence, sans considération de modes ni de tendances ».

Et voici qu’il se met, le traître, sur commande de son éditeur, à écrire… un roman policier !

Et voilà qu’il se permet de mourir quelques heures à peine avant d’apprendre par ce même éditeur que son roman sera un best-seller et lui rapportera des millions d’euros par contrats signés sur épreuves avant même qu’en soit écrit le dernier chapitre…

La femme d'un homme qui, Nick Barlay

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 19 Février 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, Quidam Editeur

La femme d’un homme qui (The wife of a man who), trad. de l’anglais (Royaume-Uni) Françoise Marel, 364 p. 23 € . Ecrivain(s): Nick Barlay Edition: Quidam Editeur

 

Joy est la femme d’un homme qui… est retrouvé mort dans une chambre d’hôtel de Leipzig, dans des circonstances incongrues. Il s’est étranglé avec un collant. Un Golden Lady. Séance d’asphyxie auto-érotique qui a mal tourné.

Joy est la femme d’un homme qui… menait une double vie. Une double vie qu’elle va s’employer à éclaircir, au fil d’une enquête qui la mènera en Allemagne et en Belgique.

Mais, d’abord un mot sur la manière dont l’histoire est racontée.

Nick Barlay explose les codes narratifs en recourant à l’utilisation du « tu ». Mais ce n’est pas un « tu » traditionnel, un je qui s’adresse à un autre, c’est plutôt un « tu » intérieur, un « tu » d’une personne qui se parle à elle-même. C’est comme si Joy commentait ce qu’elle faisait, mais avec un effet de distance, comme si ce n’était pas tout à fait elle qui était embarquée dans cette histoire. D’ailleurs, ce n’est pas elle, mais plutôt pas la femme d’un homme qui…

Une langue venue d'ailleurs, Akira Mizubayashi

Ecrit par Theo Ananissoh , le Lundi, 18 Février 2013. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Folio (Gallimard)

Une langue venue d’ailleurs, janvier 2013, 263 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Akira Mizubayashi Edition: Folio (Gallimard)

 

C’est affirmé d’entrée de jeu, avec une simplicité sincère qui indique la qualité morale du propos :

« Le français est la langue dans laquelle j’ai décidé, un jour, de me plonger. J’ai adhéré à cette langue et elle m’a adopté… C’est une question d’amour. Je l’aime et elle m’aime… si j’ose dire… ».

Le lecteur avance, appréhendant discrètement à chaque page de lire l’habituel hommage à l’art français de la table ou à la supposée légèreté typique et rohmerienne… Mais non ! Pas une seule fois, en plus de deux cents pages consacrées à cet amour exceptionnel pour la langue française, on n’est confronté à ces raisons et motifs communs (et ambivalents) que suscitent souvent la France et sa langue hors du monde francophone. Une langue venue d’ailleurs, paru en 2011 dans la fameuse collection L’un et l’autre de J. B. Pontalis, est tout à la fois une autobiographie, une méditation comparative (et comparatiste) finement insérée dans le corps du récit et une magnifique description de ce en quoi une langue est le lieu de la vie.