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Roman

La femme en vol, Ile Eniger

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 18 Avril 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

La femme en vol, Editions Parole, Collection main de femme, 250 p. 12 € . Ecrivain(s): Ile Eniger

 

La femme en vol c’est l’histoire d’une femme et son intimité amoureuse, familiale, racontée à la troisième personne du singulier. Une histoire qui se révèle par petites touches, comme une peinture. Et justement, cette femme, c’est Fane et Fane aime Jean, Jean qui aime Fane. Mais voilà, Jean aime aussi la solitude et la peinture, et Fane va peu à peu apprendre le prix de cet amour qui est à la hauteur de ses exigences. Aimer Jean, c’est l’accepter tout entier, parce que la solitude et la peinture l’emporteront sur son amour de femme, exigeant, exclusif, immense. Ce que Jean et Fane partagent et ne cesseront de partager, le ciment ou plutôt les ailes de leur amour, c’est une soif éperdue d’authenticité et de liberté.

« Bien sûr qu’elle avait eu envie de baisser les bras, de rentrer dans ces rangs bien droits, bien rassurants, bien sagement préparés pour toi dès que tu montres ta tête. Bien sûr que la facilité avait été tentante, la banalité attestée est tellement plus confortable que le contre-courant ! On t’aime quand tu commences à ressembler à tout le monde ! Tu oublies qui tu es, pour quoi tu es, et ceux qui pensent à ta place se font un plaisir d’organiser tes limites. On te coule dans le moule sans qu’un poil ne dépasse, tu es reconnu !

Superman est arabe, Joumana Haddad

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 13 Avril 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Moyen Orient, Sindbad, Actes Sud

Superman est arabe, traduit de l’anglais par Anne-Laure Tissut, février 2013, 232 pages, 20 € . Ecrivain(s): Joumana Haddad Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Joumana Haddad, dans la continuité de J’ai tué Shérazade, nous donne à lire un pamphlet aussi réfléchi que passionné, bouillonnant, à la fois très personnel dans la forme : truffé de citations qui soulignent les propos, elle alterne faits, pensées, coups de gueule, récit, poésie, témoignages – et d’une nécessité universelle vitale dans le fond.

Ce livre sous-titré « De Dieu, du mariage, des machos et autres désastreuses inventions » est une attaque en règle contre le système patriarcal qui sévit dans le monde arabe mais pas seulement, loin de là. Un système qui s’enracine ici dans les trois religions monothéistes, avec tout ce qui en dérive : machisme, discrimination, violence, assassinat, privation de liberté et qui, si les femmes en sont les victimes directes, n’épargne pas non plus les hommes, qui se doivent d’adopter certains comportements, qui ne font que camoufler en vérité un profond malaise, des peurs et un sentiment d’insécurité non affrontés de face et qui surtout les empêchent d’accéder à la totalité de leur être et donc à leur propre liberté.

Les eaux tumultueuses, Aharon Appelfeld

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Avril 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, L'Olivier (Seuil), Israël

Les eaux tumultueuses. Traduit de l'hébreu Valérie Zenatti Mars 2013. 188 p. 19 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

 

Appelfeld – dans ce roman écrit il y a 25 ans et fort heureusement traduit aujourd’hui enfin par l’excellente et fidèle Valérie Zenatti – nous propose le tableau fascinant d’un monde qui ne l’est pas moins. Fascination qu’exerce la désagrégation, la fin car nous sommes conviés, dans une étrange pension de vacances pour juifs aisés, à assister à une séquence troublante de la fin d’un monde.

Rita arrive, comme chaque année, à la pension Zaltzer pour ses vacances traditionnelles, partagées entre les jeux d’argent, l’alcool et d’éventuelles rencontres érotiques. Elle est la première à arriver, rejointe par bientôt par trois ou quatre autres habitués. Et ils attendent les autres. Bien lents à arriver. Viendront-ils ? Ne viendront-ils pas ? Appelfeld va utiliser cette attente comme une scansion à suspense. Le petit groupe va même, pendant tout le début du séjour, aller régulièrement à la gare, attendre les « arrivants ». Qui n’arrivent pas.

Sayonara Gangsters, Genichiro Takahashi

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 09 Avril 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Japon

Sayonara Gangsters, Books éditions, 20 mars 2013, traduit de l’anglais Jean-François Chaix, d’après la traduction du japonais de Michael Emmerich, 223 p., 18 € . Ecrivain(s): Genichiro Takahashi

 

 

Vieille dame, quintuplés, habitant de Jupiter, « chose incompréhensible », et même Virgile transformé en frigo, tout le monde défile dans la classe de poésie du narrateur, dans un monde où les gangsters font la loi, où l’on apprend sa mort par un faire-part envoyé par la mairie et où les rivières peuvent couler au 6ème étage des immeubles.

On pourrait placer ce roman sous l’égide des Métamorphoses d’Ovide, un Ovide en exil, aussi saoul qu’il l’est dans le roman, où il fait une apparition dans le récit du réfrigérateur Virgile. La fantaisie débridée du roman invite à l’énumération d’éléments incongrus plutôt qu’au résumé, mais il y a bien là cependant une histoire, discrète, celle des amours de Sayonara Gangsters, le narrateur, qui encadrent de leur tendresse et de leur mélancolie le défilé cocasse des aspirants poètes.

Le silence, Jean-Guy Soumy

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 09 Avril 2013. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Robert Laffont

Le silence, janvier 2013, 220 pages, 18 € . Ecrivain(s): Jean-Guy Soumy Edition: Robert Laffont

 

Roman charpenté, classique, à l’ancienne, comme on dirait en ébénisterie ; personnages forts, notamment féminins, cousus, dessus, dessous, solides comme la vraie vie ; odeurs de paysages qui en imposent presque naturellement : campagnes limousines, ou, espaces américains. Normal ; on est là, dans un livre signé Soumy. La qualité sans le battage.

Ce roman-là porte la marque des autres – c’est le propre d’une écriture, et d’un univers, et avance – c’est la marque d’un imaginaire vivant.

Un titre qui bat comme un cœur occupant tout l’espace sonore : « le silence », décliné en une partition complexe et pour ainsi dire infinie : silence qui accompagne le deuil de Jessica, l’américaine, devant le suicide de son mari, qu’elle appelait Alexandre ; silence du passé caché de celui-ci – quelle histoire ! Silence devant les fils, et notamment, Lewis, l’enfant autiste. Silence des recherches, des chagrins, des doutes, qui font un bruit d’enfer – mais qui est ce mari ? Ce qui résonne en chacun d’entre nous ; après le départ, sait-on jamais tout de celui qui est parti ? Assourdissant silence qui, peu à peu, monte, comme en certains concerts, en notes insoutenables, puis, decrescendo, s’apaise.