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Roman

Grand Maître, Jim Harrison

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 13 Décembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Flammarion

Grand Maître. Trad. USA Brice Matthieussent. septembre 2012. 350 p. 21 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Jim Harrison a pris la peine d’un sous-titre en 5ème page, en forme d’avertissement : « faux roman policier ». Précaution superflue, en quelques pages on a compris. On tient entre les mains un évident faux polar, mais un encore plus évident vrai Jim Harrison ! Et comme tous les vrais Jim Harrison, c’est un grand livre.

On va faire comme Big Jimmy : expédier la pseudo intrigue policière, la pseudo enquête. Le vieux Sunderson, flic du Michigan qui part juste à la retraite, se met sur les traces de Dwight, Le Grand Maître d’une secte sulfureuse et nauséabonde, prônant le sexe (y compris la pédophilie), les plaisirs terrestres et captant le fric de ses adeptes, nombreux en ces régions des USA. Il met ses derniers élans de flic dans sa volonté de faire tomber cet ignoble personnage.

Bon. Voilà. Il faut dire tout de suite que ce « prétexte » narratif n’occupe que peu de place dans ce livre et nul ne s’en plaindra car le propos, la matière, la grandeur de ce roman sont ailleurs, dans la présence énorme et fascinante de … Jim Harrison.

Les miroirs de l'esprit, Norman Spinrad

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 30 Novembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Science-fiction, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Les miroirs de l’esprit (Mind Game), traduit (USA) par Charles Canet, 598 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Norman Spinrad Edition: Folio (Gallimard)

 

Les miroirs de l’esprit est d’abord l’histoire de deux frustrés : Jack Weller et sa femme, Annie. Jack est réalisateur à la télé. Il dirige l’émission pour les enfants Une vie de singe. Dans sa profession, c’est le bas de l’échelon. Quant à sa femme, elle ne décroche pas les rôles qui pourraient faire décoller sa carrière d’actrice et doit se cantonner à courir les castings pour quelques apparitions dans des spots publicitaires de seconde zone.

Même si beaucoup se contenteraient de leur situation, il leur manque quelque chose. « Qu’est-ce qui manquait à leur vie ? Ils n’avaient pas besoin d’un psychiatre ou d’un conseiller conjugal pour le leur révéler. C’était la réussite, et ça, rien ne pouvait le remplacer ».

Un jour, ils sont conviés par l’un de leurs amis dans un nouveau bar à la mode : le Club transformationaliste des célébrités. Comme son nom l’indique, le club appartient à la secte des Transformationalistes. Il s’agit d’une version (à peine déguisée paraît-il) de la Scientologie.

La secte ne se cache pas des intentions qu’elle a eues en ouvrant ce bar.

Le voleur de cadavres, Patricia Melo

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 29 Novembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Amérique Latine, Actes Noirs (Actes Sud)

Le Voleur de Cadavres. Trad. Du portugais (Brésil) par Sébastien Roy. 218 p. 19,80 € . Ecrivain(s): Patricia Melo Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Livre étrange et fort, bousculant tous les archétypes du roman noir, le voleur de cadavres interroge sur la frontière ténue qui sépare le bien et le mal chez des personnages pourtant bien « gentils », presque touchants d’humanité.

Première surprise, le cadre de l’histoire. Loin des villes grondantes, du bitume mouillé, des néons blafards et des truands. Le narrateur/héros de l’histoire a quitté la ville qu’il ne supportait plus, Sao Paulo, pour se reposer dans une sorte de paradis terrestre, le Pantanal, dans le Mato Grosso à l’ouest de Brésil. Paradis écologique qui constitue l’écosystème le plus dense de la planète, avec un réseau extraordinaire de cours d’eau et de lacs, des forêts somptueuses et une faune d’une richesse exceptionnelle.

Notre homme va à la pêche sur le fleuve Paraguay. Il fait un temps splendide. Tout est paisible. Soudain un petit avion se fait entendre, tombe dans le fleuve nez en avant, et se plante dans l’eau devant notre pêcheur ébahi.

Géographie des baleines, Manuèle Peyrol

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 27 Novembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Géographie des baleines, Editions De Fallois, octobre 2012, 248 p. 18 € . Ecrivain(s): Manuèle Peyrol

L’enfance rend-elle imperméable aux mensonges et aux faux-semblants des adultes ? Selon Manuèle Peyrol, la réponse pourrait être positive si l’on est, comme le principal personnage de son roman, Marie, dotée d’une lucidité à toute épreuve et d’une perspicacité hors norme.

Marie est âgée de cinq ans en 1940. Elle demeure dans un appartement bourgeois avec vue sur le port d’Oran. Tout pourrait se passer très normalement à ceci près que Marie a, déjà, décelé dans l’attitude des adultes un côté ridicule qui la conduit à assimiler ces derniers à des baleines, en raison de la perception de leur taille, aussi démesurée que celles des vraies baleines.

Des échos de conversation tenues entre ses parents parviennent aux oreilles de Marie, des bribes de phrases captées dans les propos des habitants de son immeuble qui semblent se présenter comme des échantillons représentatifs de la société coloniale de l’époque : la « dame russe », ainsi que l’appelle Marie, en raison de son origine russe blanche, monsieur Pinchina, élégant, urbain, cultivant le raffinement, dont on apprend la judéité, la concierge Madame Visconti, la servante Amina, qui va conduire avec Marie quelques dialogues piquants sur les « Indigènes » et la transformation de l’Algérie : « Ils disent que c’est la France mais nous ne sommes pas des Français. Eux sont chez eux, et nous aussi nous sommes chez eux, même si nous sommes chez nous… »

L'employé, Guillermo Saccomanno

Ecrit par Yann Suty , le Jeudi, 22 Novembre 2012. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Amérique Latine, Asphalte éditions

L’employé (El Oficinista), trad. espagnol (Argentine) Michèle Guillemont, 172 p. 18 € . Ecrivain(s): Guillermo Saccomanno Edition: Asphalte éditions

L’employé. C’est le titre du livre, c’est aussi la fonction de son protagoniste principal. Mais c’est aussi son nom. Comme tous les autres personnages du livre, il n’est désigné que par sa fonction. L’univers est bureaucratique : on pense tout de suite à Kafka.

L’employé reste tard à son travail. Ce n’est pas que son travail lui plaise, mais « il préfère retarder autant que possible son retour au foyer » pour des raisons qu’il serait dommage de révéler.

Son travail est pourtant loin d’être un havre de paix. Ses collègues ne peuvent être que des ennemis. La tension et la violence latente sont d’autant plus vives qu’elles sont accompagnées de non-dits.

« Ce matin, à son arrivée, il comprend qu’un licenciement va avoir lieu. Un garçon bien mis attend à la réception, près de l’accès principal aux bureaux. Une jeune fille ou un jeune homme à cette place signifie, chacun le sait, le remplacement d’un membre du personnel. Les nouveaux attendent, prêts à occuper un poste et à entrer immédiatement en fonction, tandis que les employés commencent leur journée dans la crainte, en se demandant qui va être remplacé, qui sera licencié. Le jeune aux cheveux gominés, au costume gris, à la chemise blanche et à la cravate bleue, est posté là tel un soldat en faction ».