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Récits

De cœur et de sang, Maria Pia Briffaut

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mardi, 10 Janvier 2017. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

De cœur et de sang, éd. Amalthée, décembre 2016, 156 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Maria Pia Briffaut

Partir en quête d’une histoire cachée, un espace que des mémoires avaient pour une grande part enseveli, telle fut la bataille que Maria Pia Briffaut mena jusqu’à son terme sans céder à la tentation de la dérobade. Et c’est cette reconquête de ses territoires perdus autour de laquelle va se cristalliser toute son existence jusqu’à ce qu’une brèche déchire l’opacité de son histoire avec la certitude que quelque chose va advenir

À un moment de son existence, en consigner le récit devient pour elle une nécessité. Mais pas à n’importe quel moment. La mise en chemin vers l’écriture démarrera après bien des tribulations. Maria Pia Briffaut attendra le décès de ses parents adoptifs pour se lancer dans cette aventure.

Et surtout pas n’importe comment. Il lui faudra trier, éliminer, mettre en relief certaines étapes pour réussir à découvrir sa musique intérieure. Et c’est ainsi que naquit le livre De cœur et de sang, à la suite d’un travail acharné d’élaboration, de choix et de construction. Maria Pia Briffaut nous offre en partage un secret qui est constitutif de son identité, qui fait partie intégrante de sa personnalité, qui explique le mouvement de sa vie. Lisons-le avec l’attention qu’il mérite, il a beaucoup à nous apprendre.

Le cocher, Selma Lagerlöf

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 07 Décembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Fantastique, Babel (Actes Sud)

Le cocher (Körkalen, 1912), trad. suédois Marc de Gouvenain, Lena Grumbach, 152 pages . Ecrivain(s): Selma Lagerlöf Edition: Babel (Actes Sud)

 

 

Ce récit publié peu avant la « grande guerre » est sans doute de ceux qui témoignent des derniers éclats du romantisme et du post-romantisme avant la grande bascule. Il peut aujourd’hui nous sembler vraiment appartenir à un autre temps qui serait si révolu qu’il en deviendrait pour nous exotique, quasiment incompréhensible. C’est qu’il y a quelque chose dans ce récit des danses macabres, celles mises en images par nombres de peintres au cours des siècles (de Jérôme Bosch à Holbein, pour n’en citer que deux), par des musiciens au cours des grandes années du romantisme (Saint-Saëns ou Franz Liszt, par exemple). S’y ajoute la touche moraliste propre à cette époque, que l’on peut aussi trouver désuète et bien mélodramatique, et qui n’est pas sans rappeler le ton d’une autre grande plume scandinave, celle d’Andersen.

Le silence de mon père, Doan Bui

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 06 Décembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Iconoclaste

Le silence de mon père, mars 2016, 254 pages, 19 € . Ecrivain(s): Doan Bui Edition: L'Iconoclaste

 

Restituer dans un livre toute une part du récit familial, beaucoup l’ont tenté ; certain(e)s l’ont réussi. C’est ici le cas de la journaliste Doan Bui, d’origine vietnamienne. C’était le cas des récits de Pancrazi, du beau livre de Frain (Sorti de rien), et des archives de Yourcenar.

L’ethnographie familiale suppose une matière féconde et un regard qui soit d’une sagacité à toute épreuve : rendre vie et parole à l’histoire d’un père, exilé dans son propre corps depuis l’AVC qui le rendit muet, exilé originaire d’un pays quitté dans le flot des départs, demandait à l’auteur une écriture qui puisse, sans pathos, décrire un parcours, aller aux sources d’une vie voyageuse qui aboutira finalement au Mans, prendre le temps de « fouiller » comme une « fourmi » les annales de l’histoire proche.

Que savons-nous des gens que l’on aime ? Que sauvera-t-on d’eux ? Doan Bui a senti la nécessité de raconter ce qui risque de s’éventer et de tomber dans le pur oubli. Elle le fait pour ses filles, pour ses sœurs, pour ses frères. Il a fallu même creuser jusqu’à dépecer les secrets – toute famille en porte. Son récit est passionnant de bout en bout : il livre avec émotion un travail de quête précis, argumenté, un retour au pays pour savoir et pouvoir raconter.

Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson (2ème critique)

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 28 Novembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Voyages

Sur les chemins noirs, octobre 2016, 146 pages, 15 € Edition: Gallimard

 

Sylvain Tesson nous a habitués à des récits de périples lointains (Bérézina, ou Dans les forêts de Sibérie), il nous propose aujourd’hui le récit d’une traversée à pied de la France, du Mercantour au Cotentin, effectuée d’août à novembre 2015. Dans un contexte particulier : Tesson, le voyageur, le baroudeur, l’adepte de l’escalade, y compris celle des cathédrales, est tombé d’un toit, à Chamonix, en août 2014. Miraculé, sur son lit d’hôpital il fait ce constat : « j’avais pris cinquante ans en huit mètres. La vie allait moins swinguer ». Quand il comprend qu’il est bien amoché mais vivant, il se met dans l’idée de « demander aux chemins ce que les tapis roulants [la rééducation] étaient censés me rendre : des forces ». La marche à pied comme médecine. Et pourquoi pas en France, puisque son état ne lui permet pas d’aller plus loin. C’est donc avec un peu d’ironie (passer de Kaboul à Châteauroux : « quel désastre ! ») et beaucoup d’appréhension qu’il se met en route, depuis le col de Tende, ne sachant pas si la thérapie par la route allait être bénéfique ou non.

 

Leçon de géographie

People Bazaar, Souvenirs d’un infiltré dans le beau monde 1950-2000, Jean-Pierre de Lucovich

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 22 Novembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Séguier

People Bazaar, Souvenirs d’un infiltré dans le beau monde 1950-2000, octobre 2016, 592 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre de Lucovich Edition: Séguier

« Juin 1955. Je suis au coin de la rue Saint-Benoît et du boulevard Saint-Germain. J’attends. Quoi ? Tout et rien. Que va-t-il se passer ce soir ? Comment dîner ? Pourrai-je entrer au Club Saint-Germain où doit passer Art Blakey et ses Jazz Messengers ? » (Avoir vingt-ans à Saint-Germain-des-Prés).

Je me souviens de Pierre de Lucovich, toutes celles et ceux qu’il a croisés, rencontrés, interviewés, aimés, en plus de cinquante ans, pourraient-ils peut-être répondre à cette invitation, à ce réjouissant exercice littéraire. En attendant de lire leurs réponses, l’infiltré offre dans cet opus ses souvenirs, souvenirs gracieux et élégants de nuits blanches et noires de Paris et New-York, les nuits d’un « raisin aigre »*, accordées aux musiques de Miles Davis, de Bud Powell ou de Thelonious Monk. En cinquante ans, Pierre de Lucovich aura plus pour moins approché – le journalisme ressemble parfois à la chasse au lion à l’arc – Orson Welles, drapé dans sa cape noire, Paul Gégauff, brillant, provocateur, mais aussi Maurice Ronet, docteur en lucidité, ou encore Françoise Sagan, l’amie, Dalio, l’humour juif à fleur de peau, l’autodérision dans le sang, mais aussi quelques princesses, des ministres, des peintres, des chanteurs, des couturiers, tant et tant d’autres. L’élégant infiltré écrit pour Paris Match, Vogues Homme, Paris Presse, Lui, L’Express, L’Evènement du Jeudi, Harper’s Bazaar.