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Récits

Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson (2ème critique)

Ecrit par Lionel Bedin , le Lundi, 28 Novembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Voyages

Sur les chemins noirs, octobre 2016, 146 pages, 15 € Edition: Gallimard

 

Sylvain Tesson nous a habitués à des récits de périples lointains (Bérézina, ou Dans les forêts de Sibérie), il nous propose aujourd’hui le récit d’une traversée à pied de la France, du Mercantour au Cotentin, effectuée d’août à novembre 2015. Dans un contexte particulier : Tesson, le voyageur, le baroudeur, l’adepte de l’escalade, y compris celle des cathédrales, est tombé d’un toit, à Chamonix, en août 2014. Miraculé, sur son lit d’hôpital il fait ce constat : « j’avais pris cinquante ans en huit mètres. La vie allait moins swinguer ». Quand il comprend qu’il est bien amoché mais vivant, il se met dans l’idée de « demander aux chemins ce que les tapis roulants [la rééducation] étaient censés me rendre : des forces ». La marche à pied comme médecine. Et pourquoi pas en France, puisque son état ne lui permet pas d’aller plus loin. C’est donc avec un peu d’ironie (passer de Kaboul à Châteauroux : « quel désastre ! ») et beaucoup d’appréhension qu’il se met en route, depuis le col de Tende, ne sachant pas si la thérapie par la route allait être bénéfique ou non.

 

Leçon de géographie

People Bazaar, Souvenirs d’un infiltré dans le beau monde 1950-2000, Jean-Pierre de Lucovich

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 22 Novembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Séguier

People Bazaar, Souvenirs d’un infiltré dans le beau monde 1950-2000, octobre 2016, 592 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre de Lucovich Edition: Séguier

« Juin 1955. Je suis au coin de la rue Saint-Benoît et du boulevard Saint-Germain. J’attends. Quoi ? Tout et rien. Que va-t-il se passer ce soir ? Comment dîner ? Pourrai-je entrer au Club Saint-Germain où doit passer Art Blakey et ses Jazz Messengers ? » (Avoir vingt-ans à Saint-Germain-des-Prés).

Je me souviens de Pierre de Lucovich, toutes celles et ceux qu’il a croisés, rencontrés, interviewés, aimés, en plus de cinquante ans, pourraient-ils peut-être répondre à cette invitation, à ce réjouissant exercice littéraire. En attendant de lire leurs réponses, l’infiltré offre dans cet opus ses souvenirs, souvenirs gracieux et élégants de nuits blanches et noires de Paris et New-York, les nuits d’un « raisin aigre »*, accordées aux musiques de Miles Davis, de Bud Powell ou de Thelonious Monk. En cinquante ans, Pierre de Lucovich aura plus pour moins approché – le journalisme ressemble parfois à la chasse au lion à l’arc – Orson Welles, drapé dans sa cape noire, Paul Gégauff, brillant, provocateur, mais aussi Maurice Ronet, docteur en lucidité, ou encore Françoise Sagan, l’amie, Dalio, l’humour juif à fleur de peau, l’autodérision dans le sang, mais aussi quelques princesses, des ministres, des peintres, des chanteurs, des couturiers, tant et tant d’autres. L’élégant infiltré écrit pour Paris Match, Vogues Homme, Paris Presse, Lui, L’Express, L’Evènement du Jeudi, Harper’s Bazaar.

Le rappel des jours, Denise Le Dantec

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mardi, 15 Novembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le rappel des jours, Éd. La Part Commune, 2015, 296 pages, 17 € . Ecrivain(s): Denise Le Dantec

 

Denise Le Dantec, dans l’exergue de son livre Le rappel des jours, définit très bien son objectif. « La pensée est incapable de sa propre histoire. Qu’elle s’en fasse au moins l’aveu, avant d’en prendre consciemment le risque ». Cette phrase, l’auteur l’a empruntée à Dionys Mascolo. Et elle précise, à la fin de son récit, son chemin de vie dans ces vers écrits lorsque Claude Roy et Michel Leiris, ses amis, lui ont proposé de lui décerner le titre de Belle Jardinière : « Où vas-tu, Belle Jardinière,/ Où vas-tu de bon matin ?/ Je m’en vais courir la bruyère/ Et cueillir la fleur nouvelle/ Qui fleurira mon jardin ». « J’avais entendu les cris et la douleur. J’avais vu l’assujettissement de l’homme par l’homme. J’avais compris la nécessité vitale de se taire et de se cacher pour échapper à la cruauté ».

C’est un récit autobiographique à la lecture duquel nous sommes conviés. Mais c’est bien plus que cela. C’est toute une époque qui est relatée dans les pages de ce livre. On y découvre tant de noms qui ont traversé sa mémoire et sa vie. C’est impressionnant. Elle nous en parle avec respect, amitié et tendresse. Elle n’est pas oublieuse Denise Le Dantec.

Vous, Dominique-Emmanuel Blanchard

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 04 Novembre 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres

Vous, éditions Félicia-France Doumayrene, août 2016, 120 pages, 12 € . Ecrivain(s): Dominique-Emmanuel Blanchard

 

« Je vous écris à vous parce que vous êtes vivante. Et plus précisément, des vivantes ». Le dernier livre de Dominique-Emmanuel Blanchard aurait pu s’appeler Les intermittences du cœur ou Fragments d’un discours amoureux, ou Lettres à une inconnue. Mais c’est juste Vous que l’auteur a préféré, un petit mot de rien du tout, une seule syllabe, mais qui en dit beaucoup sur l’homme qui écrit, sur « La Femme » et sur ce que peut nous révéler de complexe le mot « amour ».

Cet ouvrage nous présente un constant aller-retour entre le présent où l’âge trahit et le passé que nous imaginions ouvert sur tous les possibles, entre l’ombre de Vous et sa disparition constante dans les replis de la mémoire.

On pourrait l’intituler un récit épistolaire puisqu’il est adressé à une ou des destinataires. Oui, ce sont bien des lettres d’amour. Mais sont-elles jamais parvenues à leurs destinataires ? Cela ne nous sera pas divulgué. L’auteur reste volontairement dans le flou.

La Condition humaine et autres récits, André Malraux en La Pléiade

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 02 Novembre 2016. , dans Récits, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Malraux, La Condition humaine et autres récits, Préface Henri Godard, septembre 2016, 1184 pages, 55 € (prix de lancement) . Ecrivain(s): André Malraux Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Tchen regarda l’heure. Dans ce magasin d’horloger, trente pendules au moins, remontées ou arrêtées, indiquaient des heures différentes. Des salves précipitées se rejoignirent en avalanche. Tchen hésita à regarder au-dehors ; il ne pouvait détacher ses yeux de cet univers de mouvements d’horlogerie impassibles à la révolution » (La Condition humaine).

Malraux, forcément : écrivain (1) ! Qui pourrait en douter ? Et si le doute s’insinue, l’escapade dans cet opus que lui consacre La Pléiade permet de lever toute hésitation. Ecrivain aventurier, sensible aux frissons du temps et de son temps, aux révoltes, aux révolutions, à sa place dans l’histoire, à l’histoire qui s’écrit et qu’il est aussi en train d’écrire.