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Les Livres

Le tambour des larmes, Beyrouk

Ecrit par Theo Ananissoh , le Samedi, 26 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman, Elyzad

Le tambour des larmes, septembre 2015, 240 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Beyrouk Edition: Elyzad

 

Rayhana court. Sans s’arrêter ou presque. Par les dunes, de jour, de nuit, sous l’orage, s’abritant dans une grotte ou sous une tente de bergers charitables, échappant de justesse à un viol… Où va-t-elle ? Non. Que fuit-elle ? Les… siens. Le campement de sa naissance, sa tribu, sa mère, son oncle le Chef, ses amis d’enfance, bref tout ce qui aurait dû être son lieu de vie et de sécurité. Rayhana, belle, à peine sortie de l’adolescence, âme confiante, n’a pas vite compris son sort de femme. Elle a cru aux paroles tendres et furtives d’un jeune citadin. La voici enceinte avant d’avoir été mariée ; pire, d’un amant inconnu, nuitamment disparu comme il est apparu. Horreur ! Scandale ! Elle accouche en cachette, on lui arrache le bébé et la marie de force à un garçon naïf afin de simuler, preuve à l’appui, sa virginité. Les âmes rebelles sont en fait des esprits confiants et purs. Rayhana ne peut consentir à ce destin. Son bébé disparu la hante, ce qu’on a fait de lui la torture nuit et jour. Elle ne peut rester là, dans ce campement, dans ce monde. Elle s’en va, s’enfuit, s’évade d’eux, de tout, de tous. En emportant – geste de vengeance ? De rage ? – l’objet sacré parmi les plus sacrés de la tribu : le tambour tribal.

Dans les ruines, Les massacres d’Adana, avril 1909, Zabel Essayan

Ecrit par Guy Donikian , le Vendredi, 25 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire, Libretto

Dans les ruines, Les massacres d’Adana, avril 1909, trad. arménien Léon Ketcheyan, postface Gérard Chaliand, 324 pages, 10 € . Ecrivain(s): Zabel Essayan Edition: Libretto

 

Cilicie, avril 1909. Les massacres qui surviennent dans cette province de l’empire ottoman, vont faire une trentaine de milliers de morts en quelques semaines, dans la population arménienne.

La Cilicie fut aux 12ème et 13ème siècles un royaume arménien où les croisés, en route pour Jérusalem, furent accueillis. Cette province était donc à majorité arménienne depuis l’établissement de ce royaume, nommé aussi royaume de la Petite Arménie.

Les Arméniens de l’empire ottoman ont subi, à différents moments de l’histoire, des périodes de massacres qui alternaient avec des périodes de « calme » relatif. En 1895, les massacres perpétrés sur les Arméniens firent 200.000 morts. La Révolution des Jeunes Turcs, en 1908 fit espérer une égalité de tous les sujets ottomans. Mais, un an plus tard, la tentative du sultan Abdul Hamid de reprendre le pouvoir fut jugulée et les massacres reprirent en Cilicie, sous l’égide du parti des Jeunes Turcs, en qui les minorités, dont les Arméniens, avaient fondé des espoirs…

Majda en août, Samira Sedira

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 25 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

Majda en août, mars 2016, 138 pages, 16 € . Ecrivain(s): Samira Sedira Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

« La pluie tombait tiède et fine. Elle tirait sa petite valise à roulettes dans les flaques, sur le bord de la route ; ses pieds étaient nus ; ses joues noires de crasse. Le délire l’avait menée sur les rivages salés de son enfance, l’aveuglante lumière du Sud. A toutes les personnes qu’elle avait croisées ce jour-là, elle avait demandé : Babylone, c’est encore loin ? ».

Un des plus forts ; un des plus beaux livres du Printemps – assurément bien davantage – est là, replié dans ses 138 pages, comme chrysalide palpitant à peine. Promesse de vie ou de mort ? Les deux sans doute, les deux peut-être. En tous cas, livre-choc ; livre-voyage ; livre-rencontre avec une femme, devenue malade psychique, portée là, sur ces rivages de la folie si peu ordinaire, par son enfance, les accidents de sa vie, sans compter nous, notre société, notre Histoire. Nous en sortons, ballottés, émus-aux-larmes ; Majda, qu’on emporte, nôtre.

Du bonheur aujourd’hui, Michel Serres

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 25 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Le Pommier éditions

Du bonheur aujourd’hui, octobre 2015, 136 pages, 9 € . Ecrivain(s): Michel Serres Edition: Le Pommier éditions

 

Qu’est-ce que le bonheur ? Dans ce recueil de chroniques radiophoniques enregistrées entre juin 2006 et décembre 2014 le dimanche sur France Info, et retranscrites sous forme de dialogue entre Michel Polacco et l’auteur, Michel Serres livre ses clés de compréhension du monde qui nous entoure, sur les plans inter et intrapersonnels. Le professeur de philosophie des sciences à Stanford, adepte des technologies numériques, auteur de plus de cinquante ouvrages, se fait brillant vulgarisateur et humaniste hors pair. Des concepts comme l’art, la paix, la santé sont analysés dans une perspective résolument optimiste qui fait de ce court ouvrage un petit traité sur le bonheur.

Ainsi, « Le bonheur, c’est l’oubli… » des mauvaises expériences, et la courbe de satisfaction de la vie « croît de plus en plus à mesure que l’on vieillit, […] arrive à une sorte de palier entre quarante et cinquante ans, [puis] croît de nouveau jusqu’à soixante-cinq ans, sommet de la satisfaction de la vie » quand les contraintes et enjeux liés au travail et aux ambitions professionnelles se sont assagis. C’est là l’opinion d’un savant, professeur d’université, qui conçoit la vie comme linéaire et relativement régulière.

La Méguila d’Esther, Gérard Garouste

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 24 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Hermann

La Méguila d’Esther, février 2016, 128 pages, 30 € . Ecrivain(s): Gérard Garouste Edition: Hermann

 

C'est aujourd'hui la fête juive de Pourim qui célèbre Esther, épouse du roi Assuérus.

 

Gérard Garouste dans les « pas » d’Esther

Quoique « canonisé » avec retard peut-être parce qu’il relevait davantage du genre romanesque que de genre historique, le livre d’Esther fait néanmoins partie du patrimoine historique du peuple juif. Qu’importe si les Sages du Talmud l’ont d’abord considéré comme hétérodoxe. L’œuvre est singulière sous son apparence profane : elle fait exception dans la conception du lien entre Dieu et les hommes. Les prières n’existent pas dans ce livre mais uniquement des manifestations qui lui sont associées : « Mardochée déchira ses vêtements, se couvrit d’une silice et de cendres ». Tout au long du récit s’affiche une confiance déterminée dans le salut du peuple juif enraciné dans les textes plus anciens. La Providence est distillée tout au long du récit et c’est elle qui retient Garouste. Comprenant que la situation du secret est de l’ordre de l’exil de la Face le peintre cherche à exhumer le caché, à accorder une rédemption à la trace enfouie dans les ténèbres.