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Les Livres

Comment regarder un match de foot, collectif

, le Mercredi, 16 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Comment regarder un match de foot, Raphaël Cosmidis, Gilles Juan, Christophe Kuchly, Julien Momont, Solar Editions, janvier 2016, 506 pages, 17,90 €

 

Comment regarder un match de foot

Avec les yeux et sans chicha ni chichis

Si vous n’aimez par le football ou si vous pensez que c’est un sport qui met en présence 22 abrutis auxquels on n’a confié qu’un seul ballon, passez votre chemin.

Si vous pensez que le football se limite aux pensées stratosphériques du philosophe chti-bavarois Franck Ribéry, « nous on est des joueurs qu’on va vite avec le ballon », cet ouvrage, dû à la plume de quatre érudits passionnés du ballon rond, n’est pas pour vous.

Car le football n’est pas seulement un sport où des supporters avinés dotés d’un QI de protozoaire braillent des insultes à l’attention des joueurs de l’équipe adverse, c’est aussi un jeu susceptible de plaire aux esthètes et aux intellectuels, souvent désespérés par les interviews pitoyables (comme dirait Laurent Blanc) des joueurs ou les commentaires affligeants des experts ou prétendus tels.

Anthologie de poésie haïtienne contemporaine dirigée et présentée par James Noël

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 15 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Points, Anthologie

Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, novembre 2015, 572 pages, 9,90 € Edition: Points

 

Découvertes. Découvertes avant tout avec cette anthologie. C’est d’ailleurs d’abord à cela que devrait servir toute anthologie. Le jeu de la compilation des « best of » est ici largement dépassé pour le lecteur ordinaire qui, quand bien même il ou elle serait amateur de poésie, découvre une diversité qu’il serait bien à mal d’apprécier par ses propres moyens.

Il peut sembler a priori difficile de trouver une unité parmi tous les auteurs rassemblés ici. Ce sont en effet 73 voix différentes qui sont offertes à notre curiosité, de celle du doyen René Depestre (né en 1926) à celle du benjamin, Fabian Charles (né en 1993). Si quelques voix peuvent nous être connues, sans forcément nous être familières, la plupart seront pour le lecteur une entière découverte. Chercher à tout prix quelque chose qui unifierait toutes ces voix au-delà du présent volume et de l’attachement à une île qui conjugue dans nos imaginaires continentaux exotisme et fascination, exubérance religieuse et musicale et drame sociaux, de l’esclavagisme aux catastrophes naturelles, pourrait sembler inutile et prétentieux (voire un peu méprisant et post-néo-colonialiste).

Pendant que les mulots s’envolent, Corinne Valton

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 15 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Paul & Mike

Pendant que les mulots s’envolent, janvier 2016, 190 pages, 13 € . Ecrivain(s): Corinne Valton Edition: Paul & Mike

 

Sutures et reprises

Corinne Valton est une styliste particulière. Elle concrétise ce qu’écrit Bernard Noël : « C’est en défaisant qu’on fait ». Ses nouvelles cependant offrent moins des déconstructions que des transformations du monde à travers ses nouvelles souvent drôles. Les personnages sont parfois reliés d’un texte à l’autre selon divers rapports par accrocs, jointures, coutures. En ce sens l’auteur lutte contre la ressemblance à « façon » (pour parler couture) et par voie de conséquence contre nos constructions mentales.

Les nouvelles sont faites de cambrures et de spasmes. Les personnages sortent des limbes du quotidien pour devenir chimères propres à d’extraordinaires voyages entre le dehors et le dedans. En dépit de la présence du monde contemporain les textes n’en représentent pas le simple miroir mais saisissent ce qui fait du réel un marécage afin d’en faire saillir des envols particuliers.

Schlott, Eléona Uhl

Ecrit par Zoe Tisset , le Mardi, 15 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Héloïse D'Ormesson

Schlott, janvier 2016, 159 pages, 14 € . Ecrivain(s): Eléona Uhl Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Etre dans la tête et le corps d’une femme éprise de deux vies. Deux mondes parallèles qui se croisent et s’entremêlent sans que jamais l’une abolisse vraiment l’autre. Deux personnalités d’un même bloc qui s’énoncent et se racontent au supposé médecin et psychiatre. « Moi, je subis vos pressions ainsi que vos ennuyeuses interrogations, celles qui, de toute manière, ne vous mèneront à rien. A rien de bien ». Comprendre, essayer d’atteindre et de sentir comme celle qui a perdu la surface plane et unifiée du monde réel.

Dans ce roman, nous sommes tourmentés par deux consciences et deux âmes qui s’approchent, se flairent et se reniflent, sans parvenir à s’apprivoiser et à se réconcilier. « Comment j’avais vu tout ça ? Depuis l’extérieur, et planquée derrière mon arbre en fleur (…). Je n’avais qu’elle en tête, la belle demoiselle. Vous avez raison, très cher, j’étais obsédée par cette femme qui, contrairement à moi, était dévergondée et lumineuse à la fois ». Peu à peu, de l’observation de l’autre on passe à une véritable obsession, puis à une possession traversée de scarifications, le corps ne s’appartient plus. Qui est qui ? Mélange d’humanité et d’animalité comme ce félin devenu Bernadette ou Mme Schlott. « Ces monstres me plaquèrent au sol sans aucune pitié, blessant mes poignets, ficelant mes chevilles (…) Un miaulement jaillit de je ne sais où et décolla, pareil à un féroce rugissement. Je venais de miauler ».

L’Amour, Marguerite Duras

Ecrit par France Burghelle Rey , le Lundi, 14 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

L’Amour, 144 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Marguerite Duras Edition: Folio (Gallimard)

 

Duras ou l’émotion poétique

Marguerite Duras, dès les premières lignes de L’Amour, par l’économie des moyens, suggère du regard le plus pénétrant, observe ses personnages, leurs mouvements, le paysage dans lequel ils évoluent. Cette simplicité induit une émotion nourrie du dépouillement des êtres devant l’absurde, la même émotion que l’on ressent en lisant de la poésie sauf qu’ici ce n’est pas de la poésie.

« Jour » : une soudaine lumière en un seul mot comme un choc pour le lecteur qui se laisse porter. On entre alors dans autre chose. Même si l’histoire semble banale – mais il est vrai qu’on avance sans vraiment comprendre dans un mystère et un monde nouveaux – Duras ménage presque à chaque page des surprises avec ses flashes inattendus. Mais elle en dit plus qu’elle n’en a l’air. De la femme « pâle » chaque lecteur dégage ce qu’il sent : la maladie, la solitude qui ne sont pas dites, comme s’il y avait absence de vie intérieure. Les yeux « s’ouvrent douloureusement », plus loin le geste de la femme est « d’une tendresse désespérée ». Mais que valent ces hypallages par rapport à une poétique qui est ici celle du corps ? Les mots « crient », « dévorent », « sang », continuent à faire choc comme le mot « enfant » qui contrastent inhabituellement avec « bonheur ».