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Les Livres

Madison Square Park, Abha Dawesar

Ecrit par Zoe Tisset , le Jeudi, 21 Avril 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Asie, Roman, Héloïse D'Ormesson

Madison Square Park, avril 2016, trad. anglais Laurence Videloup, 336 pages, 21 € . Ecrivain(s): Abha Dawesar Edition: Héloïse D'Ormesson

 

« Cela fait presque cinq ans que je vis à New York avec un blanc dans une seule pièce et mes parents ne sont pas au courant ; ils espèrent encore me voir épouser un gars du pays qu’ils auront choisi. Je me sens plus éloignée d’eux que je ne le suis de l’Inde. Je frissonne ». Uma est enceinte, elle va être mère, mais s’est-elle dégagée de l’emprise d’un couple de parents, plus que batailleurs ? « Je raccrochai aussi au nez de mon père. Je le revoyais en train de frapper ma mère au visage ; la revoyais, elle, tombant violemment en arrière, obligée d’amortir sa chute en se protégeant de son bras malade, celui qu’il lui avait déjà cassé. Et le lendemain, il agissait comme si tout était normal ». Uma est encore une petite fille en même temps qu’une femme. Deux récits et deux temps s’entremêlent dans ce livre, il y a le présent et ce qui fut l’enfance et l’adolescence d’Uma. L’enfant qui s’annonce oblige celle-ci à choisir les points d’union et de désunion entre ces deux temps. Quoi qu’il en soit, elle ne peut plus scinder sa vie en deux, à l’image de ces deux téléphones qu’elle possède, un pour Thomas et les amis et un autre pour ses parents.

Histoires d’amour dans l’Histoire des Arabes, choisies, traduites et annotées par Jean-Jacques Schmidt

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 20 Avril 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays arabes, Contes, Sindbad, Actes Sud

Histoires d’amour dans l’Histoire des Arabes, février 2016, 149 pages, 19 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Schmidt Edition: Sindbad, Actes Sud

Remercions et félicitons les éditions Actes Sud pour la publication de cet ouvrage dans lequel Jean-Jacques Schmidt a compilé une somme d’environ soixante-dix contes de longueur très variable.

Ouvrage de référence quand on sait que, ces dernières décennies, maintes thèses d’histoire littéraire ont fait de la littérature arabe une des sources essentielles du roman courtois et de la poésie courtoise qui ont fait florès en Occident du XIe au XIIIe siècle.

On connaît par ailleurs l’influence qu’a eue sur notre histoire littéraire le Livre des Mille et Une Nuits, surtout après la traduction qu’en a faite Antoine Galland au début du XVIIIe siècle, mais déjà beaucoup plus tôt, puisque dès le XIe siècle circulaient en Europe des variantes de certains des récits qui le constituent, transplantés ou greffés dans le corpus des contes des folklores locaux.

Les histoires d’amour ici collectées, rassemblées et classées par grandes périodes (successivement époque préislamique, débuts de l’islam, époque omeyyade, époque abbasside, époque andalouse) présentent, malgré les contextes historiques différents et l’emprise croissante de la religion, une remarquable identité thématique, narrative et dramatique.

Personne ne disparaît, Catherine Lacey

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 20 Avril 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Actes Sud

Personne ne disparaît, février 2016, trad. anglais (USA) Myriam Anderson, 272 pages, 22 € . Ecrivain(s): Catherine Lacey Edition: Actes Sud

 

Personne ne disparaît, paru chez Actes Sud, éblouit dès les premières pages, par des sentiments mal classés, qui sont autant rupture(s) avec son histoire que formulation d’une écriture de son temps. Un roman d’une apparence indifférente, celle d’une déception, d’une colère et du détachement de ne pouvoir arrêter l’instant qui passe, fuyant déjà ; et ce, quelle que soit la perception d’une vibration, sa beauté. Une quête d’émancipation, moments fragiles que nous voulons oublier, mais qui continue à nous hanter. Seul l’apprentissage d’un nouveau langage par le mouvement, fera disparaître l’immobilité tremblante de l’attachement aux maîtres. Dévoilé par une série de secousses, l’événement lent d’une respiration n’est rien si vous ne bougez pas, une femme n’est pas une femme si elle n’est pas libre, si elle ne fait pas soi l’étranger intime de soi, le soi intime de l’étranger.

L’héroïne de Catherine Lacey, Elyria, pouvait l’admettre maintenant, elle avait envie d’être responsable de la destruction de son mari, d’une petite à moyenne partie de lui, c’est-à-dire de quelqu’un qui vous aime, même si nous ne voyons pas sous l’éclairage de la lampe torche, cet affreux désir dormir sous les couvertures de l’amour, de l’attachement avec lesquels nous tentons d’étouffer cet atroce désir :

Ciao connard, Florian Eglin

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 20 Avril 2016. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, La Grande Ourse

Ciao connard, mars 2016, 139 pages, 15 € . Ecrivain(s): Florian Eglin Edition: La Grande Ourse

 

Le titre du livre ne dit pas tout, loin s’en faut, il n’est en fait qu’une des réparties de l’un des deux protagonistes. C’est un huis clos, mais un huis clos bien singulier, puisqu’il réunit un bourreau et son supplicié. Et ce tête-à-tête a lieu dans une bibliothèque qui est celle du supplicié. « Connard » est le mot qu’emploie le supplicié pour désigner, à plusieurs reprises, son bourreau.

Le début du récit se situe au moment où le narrateur nous apprend que son ventre, sa « cavité abdominale », est ouvert et partiellement délesté d’une grande partie de son contenu, ses intestins, qu’il décrit par le menu. L’absurdité de la situation est accrue par la capacité du narrateur à décrire ses intestins, posés sur une table à côté de lui, puis d’autres organes qui seront tranquillement prélevés au fur et à mesure de l’évolution de ce qui apparaît comme une expérience. Le bourreau suit en fait les indications que précise un livre, celui d’un auteur qui a lui aussi commis ce type d’expérience. Le foie sera particulièrement apprécié, puisque qu’il sera préparé pour être dégusté…

Encore un tour autour de la vie, Chroniques napolitaines III, Jean-Noël Schifano

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 19 Avril 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Gallimard

Encore un tour autour de la vie, Chroniques napolitaines III, avril 2016, 192 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Noël Schifano Edition: Gallimard

 

L’auteur français (né en 1947, d’un père sicilien et d’une mère lyonnaise), devenu citoyen de la ville de Naples, dont il est l’un des meilleurs connaisseurs, où il a vécu, écrit, traduit, senti toute cette matière de ville, en restitue, une fois de plus, ici, dans ce quatorzième livre depuis 1981, la magie, le bouillonnement, le baroque, la violence comme la sensualité la plus gourmande. Du premier essai sur Naples (Seuil) en passant par des romans, des recueils de lectures et d’entretiens (Désir d’Italie, Folio essais n°61, 1996) et un volumineux et fécond Dictionnaire amoureux de Naples (Plon, 2007, Schifano ne peut décemment sortir de cette inspirante ville. L’obsédante compagne nourrit encore et encore.

Comme dans le premier Chroniques napolitaines (Gallimard, 1984), l’italianiste réputé part d’archives pour conter, à sa manière, riche, bouillonnante, haute en images fortes, colorées, une Naples qui ne soit pas seulement celle que l’histoire, la Grande, les rumeurs, les clichés moulent dans une topographie imaginaire assez réductrice, mais une ville qui bout de vie, d’érotisme, d’imagination, de délire, très loin des images toutes faites.