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Les Livres

Les vies de papier, Rabih Alameddine

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 28 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Pays arabes

Les vies de papier, Les Escales, août 2016, trad. anglais Nicolas Richard, 330 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Rabih Alameddine

 

Une traductrice qui, après avoir été libraire, ne publie pas ses traductions, qui les enserre jalousement dans « la chambre de bonne » de son appartement, et qui plus est, fait des traductions de traductions… si l’on replace le tout dans le Beyrouth traversé par toutes les guerres, souvent fratricides, on aura une vue assez panoramique de ce roman :

« Je choisissais de mourir dans mon appartement plutôt que de vivre sans. Dans les marges du matin, je m’accroupissais derrière ma fenêtre et observais les thanatophiles adolescents avec des semi-automatiques qui, tels des cafards, couraient en zigzags. Le clair de lune sur le canon des fusils de seconde main. Tandis que les nébuleuses des bombes éclairantes coloraient les cieux en indigo, je voyais les étoiles cligner avec incrédulité face à l’orgueil démesuré qui faisait rage en bas, sur la terre ferme » (p.40).

« Quand les seigneurs de guerre ont achevé leur interlude quelques jours plus tard, je me suis sentie protégée entre les quatre murs de mon appartement, veillant avec la kalachnikov proche de ma poitrine.

Aaliya l’élevée, la séparée » (p.58).

Au-delà de la nuit, Alix Lerman-Enriquez

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 27 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Au-delà de la nuit, éd. Les Poètes Français, 4ème trimestre 2016, 56 pages, 15 € . Ecrivain(s): Alix Lerman-Enriquez

 

 

Qui ne le sait ou le pressent : la poésie est consolation, vaut – dit-on – toutes les thérapies. Elle est une sauvegarde, pour celui qui lit, et, pas moins, celle qui écrit. Où, mieux qu’au creux des vers – même les plus modestes – niche-t-on sa peine, ses angoisses et quand même, quelque espoir en lueur… La poésie est mélancolie comme cette ancienne gravure, au coin d’un livre sur le Romantisme, dont c’était le titre. Noire et grise, je crois, sous une lune froide ; assise, une femme qui pleure… Gravure qu’on pourrait associer au petit opus d’Alix Lerman-Enriquez, si elle n’avait choisi des arbres d’hiver, face branches noires, criant, sous un ciel plombé.

Tristesse avec Chopin – on l’écoute en lisant, juste ce qu’il faut d’assourdi – ces poèmes, dont les itinéraires font sens, et cognent à notre cœur, en quelques chemins simples.

Rouge suivi de Monsieur Le, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 27 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Rouge suivi de Monsieur Le, 111 pages, 15 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

« Ecrire Rouge »


Le théâtre est politique. Rouge, un des tout derniers textes de Darley avant sa mort en 2016, résonne comme un aboutissement du chemin qu’il emprunta, tout au long de son œuvre ; parti du roman et allant vers la scène du monde, celle qui parle des exilés politiques, économiques, des nostalgiques du bon vieux temps, des victimes de la flexibilité et enfin des femmes et des hommes qui veulent tout « faire péter ».

Ainsi écrire rouge, c’est à la fois écrire la pièce qui porte ce titre mais aussi, comme le dit Darley lui-même, écrire « sur la violence, sur le terrorisme », en se souvenant des années de plomb de la bande à Baader en Allemagne et des Brigades Rouges en Italie.

Les Furies, Lauren Groff

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 26 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

Les Furies (Fates and Furies), traduit de l’américain par Carine Chichereau, 427 p. 23,50 € . Ecrivain(s): Lauren Groff Edition: L'Olivier (Seuil)

427 pages d’intelligence, de bonheur, d’élégance, d’humour, d'horreur, constituent ce roman dont on dit – le bruit court – que Barack Obama l’a désigné comme le meilleur roman qu’il ait lu dans l’année 2015 (première parution en V.O.). Ces vertus tissent toutes les dimensions du livre, son écriture, sa structure, ses personnages, l’histoire racontée enfin. Lauren Groff, jeune auteure américaine, possède une maîtrise assez incroyable, un savoir-faire romanesque qui renvoie aux plus grandes plumes. Et la version française, élaborée par Carine Chichereau, n’enlève rien aux qualités précitées.

Lancelot (dit Lotto) est un jeune homme dégingandé de près de deux mètres de haut. Elle - ce n’est pas Guenièvre mais … – s’appelle Mathilde (et mesure un mètre quatre-vingt-deux). Ils sont beaux, intelligents, ils s’aiment, se marient et … ne font pas d’enfants, mais qu’importe. La vie leur appartient, le monde aussi. Ils ont beaucoup d’amis, organisent des fêtes fastueuses et Lotto devient un dramaturge célèbre, porté et soutenu par sa Mathilde, sa femme parfaite, loyale et pure, « une diseuse de vérité pathologique » lui dit Lotto. Leur amour est un long fleuve tranquille, la carrière de Lotto monte en puissance, Mathilde, lumineuse, le soutient de toutes ses forces et de toute son aura. Tout ressemble à un conte de fées. Depuis la toute première seconde de leur rencontre, leur amour une force d’attraction tellurique.

Traverses, Carnets 2010-2011, Jean-Claude Pirotte

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 26 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Poésie, Le Cherche-Midi

Traverses, Carnets 2010-2011, janvier 2017, 96 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jean-Claude Pirotte Edition: Le Cherche-Midi

 

Traces d’une « dépressive période », ces Carnets, tenus entre le mois de juin 2010 et celui de 2011, montrent à l’envi l’intérêt de l’écrivain belge, disparu trois ans plus tard, pour tout ce qui touche la France, ses régions, ses gouvernants. À l’ombre de ses lectures favorites du moment, et au plus haut point celle de Déposition de Léon Werth, journal de guerre, Pirotte se met à réfléchir en termes politiques au destin de la France qui l’a accueilli : la critique acerbe et justifiée des comportements d’un Sarkozy le renvoie à celle des pires déviances de la politique française depuis Vichy. Il n’y a pas de mots assez durs pour conspuer un « homme politique » vil, corrompu, prêt à toutes les bassesses, qui massacre la langue française et joue à l’enfant gâté. Ce sont des pages virulentes d’un petit livre qui fait aussi le point sur ses déménagements entre la Suisse et La Panne (sur la côte belge), qui révèle ses périodes de tarissement en écriture, sa fatigue existentielle, ses difficultés déambulatoires. À cette période triste et dépressive répondront quelques années de fertile activité (une dizaine de livres, sans compter les posthumes).