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Essais

Conservatisme, Roger Scruton (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Décembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Albin Michel

Conservatisme, mai 2018, trad. anglais Astrid von Busekist, 234 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Roger Scruton Edition: Albin Michel

 

« Le conservateur, c’est l’homme qui accueille le donné comme une grâce et non comme un poids, qui a peur pour ce qui existe et qu’émeut toujours la patine du temps sur les êtres, les objets ou les paysages », écrit Alain Finkielkraut (Nous autres, modernes, Ellipses, 2005, p.269-270), qui ajoute un peu plus loin que le conservateur est devenu l’homme à abattre, qu’on le mette en joue depuis la gauche aussi bien que depuis la droite. Vu de la gauche, le conservateur est accusé de vouloir maintenir les privilèges et donc les injustices hérités du passé ; vu de la droite, on lui reproche de défendre les avantages acquis. Le conservateur ne sera, par exemple, pas enclin à considérer le statut des cheminots comme un archaïsme qu’il faut faire disparaître, mais comme un progrès social qu’il conviendrait d’étendre à d’autres catégories professionnelles. Surtout, le conservateur est l’ennemi absolu du bougisme, cette variante dégradée du progressisme identifiée par Pierre-André Taguieff, selon laquelle tout doit tout le temps changer et les êtes humains s’adapter au changement défini comme sa propre fin. Il ne s’agit plus de changer pour améliorer, mais de changer parce qu’il faut « bouger », réformer, être « en marche », ne pas demeurer immobile, crispé, etc. Le capitalisme consumériste y trouve son compte, qui pousse à remplacer des produits fonctionnant très bien par des produits ne présentant qu’un nombre restreint d’authentiques perfectionnements.

Les cinq sexes, Pourquoi mâle et femelle ne sont pas suffisants, Anne Fausto-Sterling (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 29 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Payot

Les cinq sexes, septembre 2018, trad. anglais (USA) Anne-Emmanuelle Boterf, 92 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Anne Fausto-Sterling Edition: Payot

 

« Imaginez que les sexes se soient multipliés à l’extrême, sans limite à l’imagination. Ce serait un monde de pouvoirs partagés ».

Cette phrase au vu d’aujourd’hui paraît tout à fait visionnaire. Elle est tirée de cet essai intitulé Les cinq sexesqui ne date effectivement pas d’hier, il a été lancé en 1993, comme un pavé dans la mare, par Anne Fausto-Sterling, biologiste, historienne des sciences et féministe, ce qui lui a valu une notoriété mondiale dans le champ des études sur le genre.

Dans cette édition 2018, Les cinq sexes sont précédés d’une longue préface de Pascale Molinier, auteur et professeur de psychologie et suivis d’un texte publié en 2000 dans la revue The Sciences : Les cinq sexes revisités. Toujours par Anne Fausto-Sterling. En 7 ans, l’auteur constate des avancées, et on commençait enfin dans le milieu scientifique – mais tout juste – à écouter les personnes intersexuées elles-mêmes, et l’auteur cite notamment l’activiste américaine des droits des intersexes, Cheryl State. Le corps médical commençait à s’ouvrir à la remise en question de la chirurgie « correctionnelle » et systématique dès la naissance.

Le Pouvoir corrompt, Lord Acton (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 28 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Le Pouvoir corrompt, Les Belles Lettres, avril 2018, trad. anglais Michel Lemosse, préface Jean-Philippe Vincent, 136 pages, 17 € . Ecrivain(s): Lord Acton

 

Né à Naples (1834) et mort en Bavière (1902), John Emerich Edward Dalberg-Acton, Baron Acton, fut un historien britannique de haute lignée. La Bibliothèque de Cambridge conserve les 59.000 volumes de sa collection privée et les recueils de copies qu’il avait fait établir, seule manière d’étudier le passé sur pièces, avant qu’apparaisse la reproduction photographique des documents anciens. Mais Lord Acton ne fut pas seulement un homme plongé dans le monde ancien. Il bénéficie d’une certaine célébrité grâce à une phrase extraite d’une lettre envoyée en 1887 : « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ». La formule est à bon droit fameuse ; il y aurait beaucoup à dire sur le pessimisme profond qui en émane, la faisant ressembler à une malédiction, et sur la vérité qu’elle renferme. Pourquoi le pouvoir exerce-t-il un tel attrait sur les êtres humains, au point de les métamorphoser dès qu’ils en sont nantis (le phénomène des « petits chefs »), et pourquoi favorise-t-il à ce point l’émergence de personnalités qu’on ne peut qualifier autrement que de monstrueuses (le XXesiècle fut prodigue dans ce domaine, mais d’autres périodes peuvent également être citées) ? Pourquoi la politique, au contraire du grand art ou de la sainteté, donne-t-elle l’impression de faire surgir ce qu’il y a de pire dans l’humanité ?

Œuvres, Georges Perros (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 26 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Œuvres, Quarto, novembre 2017, 1600 pages, 32 € . Ecrivain(s): Georges Perros Edition: Gallimard

 

Georges Poulot, un jour de 1953, devint Georges Perros. Ainsi la NRF voulait-elle éviter une confusion avec les articles signés Georges Poulet, critique belge. Le comédien, ami de Gérard Philipe, et du même cours (Denis d’Inès, professeur) que Dany Robin, quittait le monde du théâtre pour entrer de plain pied en littérature, tout d’abord comme critique littéraire de la fameuse maison sise rue Bottin, ensuite, mais à son cœur défendant, en tant qu’écrivain, auteur de notes, d’aphorismes, poète. Il acceptera d’être publié en 1960 : Papiers collés. On lui proposait cela depuis 1956 : recueillir ses notes de travail, ses aphorismes. La Bretagne lui colle à la peau, la poésie aussi. Retiré en Bretagne, il y apprendra les leçons essentielles du silence et de la mer. Œuvres rassemble l’ensemble des textes critiques et poétiques de Perros, les uns édités de son vivant, les autres, posthumes, ou encore recueillis dans ses journaux, ses carnets, ses correspondances.

Thierry Gillybœuf, au-delà de sa préface, de sa biobibliographie illustrée de Georges, introduit chacune des œuvres du poète et professeur (à Brest).

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, Esther Rogan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Classiques Garnier

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, janvier 2018, 430 pages, 52 € . Ecrivain(s): Esther Rogan Edition: Classiques Garnier

 

On connaît la formule d’Aristote suivant laquelle l’être humain est unzoôn politikon, un animal destiné à la vie en société. Comme l’ont montré les multiples exemples d’enfants sauvages ou d’enfants-loups (qu’il se soit agi d’expériences ou de hasards), aucun individu ne peut se développer normalement loin de ses semblables.

Une fois ce principe posé, Aristote ne s’est pas contenté d’imaginer, comme tant de penseurs, une société idéale, harmonieuse, où chacun vivrait en bonne entente avec ses semblables. Il a introduit au cœur de sa vision une notion redoutable, la stásis, vocable polysémique, que les dictionnaires de Bailly et de Magnien-Lacroix traduisent par soulèvement, révolte, division politique entre deux personnes, opposition, désaccord, querelle… Le mot n’est pas spécifique au lexique aristotélicien, qui se retrouve dans le Nouveau Testament.