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Essais

Le temps des livres est passé, Juan Asensio (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Mai 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le temps des livres est passé, éditions Ovadia, mars 2019, 655 pages, 35 € . Ecrivain(s): Juan Asensio

 

Pour quiconque aime vraiment la littérature, la vraie, celle dont l’unique projet est la justesse et la perfection, ce livre est un don du ciel. Juan Asensio, dont on sait la force de travail et le talent qu’il déploie dans son Blog littéraire Stalker*, nous y offre quelques-unes de ses études critiques, plus de soixante au total. Travail de Titan qui fait et qui fera trace dans l’histoire de la critique littéraire.

Le mot est dit, critique littéraire – ce qui semble tirer l’objet de ce livre vers un exercice dont il faut dire qu’il n’existe quasiment plus. Aujourd’hui – les Américains nous ont tendu le mot – on fait des « revues » (reviews) de livres, on dit aussi en français des recensions. De quoi s’agit-il ? D’un exercice de compte-rendu de lecture : de quoi parle ce livre (ah les résumés de livres !), comment c’est écrit, quel en est le degré, non pas d’intérêt mais de plaisir qu’il procure. Le journaliste littéraire aujourd’hui est un bateleur du livre. Les plus intelligents d’entre eux parlent aussi de la situation du livre, de son champ de signification et de son importance littéraire. Les autres se contentent de leur propre plaisir (« J’ai aimé », « J’ai adoré », délayés à l’envi…) brandi comme une preuve de la grandeur du livre traité.

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, Henri Vermorel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Mai 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, août 2018, 632 pages, 29 € . Ecrivain(s): Henri Vermorel Edition: Albin Michel

 

La correspondance entre Sigmund Freud et Romain Rolland fut publiée pour la première fois en 1966, dans une thèse de la Faculté de médecine de Paris. À qui s’en étonnerait, on rappellera que Freud était médecin et que la psychanalyse entretient avec la médecine des rapports, certes ambigus, mais réels. Cette correspondance est d’un faible volume et l’on peut de prime abord s’étonner que la republication d’une vingtaine de lettres (il n’y en a pas davantage) aboutisse à un volume de six cents pages. C’est que l’intérêt de cette correspondance est inversement proportionnel à ses modestes dimensions matérielles et Henri Vermorel, qui les republie, les annote et les éclaire, a fait un authentique acte de lecture, digne de tous les éloges. Il reprend le livre qu’il avait publié en 1993 (Sigmund Freud et Romain Rolland, Correspondance 1923-1936, Presses Universitaires de France), en le mettant à jour pour tenir compte de la découverte de nouveaux documents dans les archives de la maison Fischer, l’éditeur de Freud.

Morales espiègles, Michel Serres (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Jeudi, 18 Avril 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Pommier éditions

Morales espiègles, février 2019, 91 pages, 7 € . Ecrivain(s): Michel Serres Edition: Le Pommier éditions

 

Une éthique de l’espièglerie.

On connaît les remarquables travaux de Michel Serres, en tant qu’épistémologue et historien des sciences. La série des Hermès I à V, de La communication (1969) au Passage du Nord-Ouest (1980), nous avait ravis par sa rigueur et l’éclat de ses analyses. Dans son dernier ouvrage, il change de registre et « entre en morale, comme en terre exotique, sur la pointe des pieds » écrit-il.

Ce livre relève d’une commande à laquelle Michel Serres a répondu, celle des Editions Le Pommier qui fêtent leurs vingt années et qui ont demandé à notre Académicien un texte de circonstances. A vingt ans, on reste espiègle, vif, malicieux sans méchanceté. Et on le reste quel que soit l’âge et qu’on s’appelle, foi de gascon, Michel Serres. D’où cet ouvrage Morales espiègles. Un titre fanfaron qui ferait frémir un austère kantien ou qui décevrait peut-être un esprit nietzschéen pour son aspect légèrement édulcoré.

Et l’espièglerie se voit décliner sous ses différentes formes.

Sollers en peinture, Olivier Rachet (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 03 Avril 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Tinbad

Sollers en peinture, mars 2019, 220 pages, 21 € . Ecrivain(s): Olivier Rachet Edition: Tinbad

Olivier Rachet : « dialogue » avec Sollers.

Olivier Rachet donne au Sollers, critique d’art, esthète, écrivain (forcément) et homme de « goût » (mot clé pour le sujet et pour l’auteur de Paradis lui-même), le premier essai consacré à la peinture dans son œuvre.

L’analyste ne s’est pas contenté des multiples articles en revue (les siennes, Tel Quel, L’infini, ou celles des autres, et dans la presse dont Le Monde entre autres) : il s’est frotté tout autant aux textes de « fiction » dans un texte où tout est dit des partis-pris jouissifs comme des « crucifixions » de Sollers qui au besoin pourrait se déguiser en soldat roman face à certains crétins.

Par ailleurs, il propose parfois une forme de dialogue à la fois critique et autocritique dans lequel il s’amuse. L’auteur et son modèle s’interpellent : page 184, par exemple, l’un reproche à l’autre d’être allé « baiser la mule du pape Jean-Paul II ». Et l’accusé de répondre de manière apocryphe : « que l’on puisse sortir indemne de l’enfer et de la damnation en rayonnant en peinture, vous agacez terriblement ».

Physique de l’esprit Empirisme, médecine et cerveau (XVIIe-XIXe siècles), Céline Cherici, Jean-Claude Dupont, Charles T. Wolfe (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 02 Avril 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Hermann

Physique de l’esprit Empirisme, médecine et cerveau (XVIIe-XIXe siècles), Céline Cherici, Jean-Claude Dupont, Charles T. Wolfe, janvier 2018, 248 pages, 24 € Edition: Hermann

 

« Poe avait un front vaste, dominateur, où certaines protubérances trahissaient les facultés débordantes qu’elles sont chargées de représenter – construction, comparaison, causalité –, et où trônait dans un orgueil calme le sens de l’idéalité, le sens esthétique par excellence ». Cette remarque de Baudelaire au sujet de l’écrivain américain dont il se fit l’intercesseur empressé, est inintelligible si l’on néglige son arrière-plan médical. Le poète convoque ici ce que nous regardons comme une « fausse science », qui connut toutefois un succès durable au XIXe siècle : la phrénologie ou étude des bosses du crâne, élaborée par le médecin allemand Franz Joseph Gall (1758-1828). Son idée était assez simple pour qu’elle fût séduisante : toutes les facultés de l’esprit devraient avoir une manifestation, une transcription anatomique, dans la forme du crâne et particulièrement dans la présence, à certains endroits, de certains reliefs (un crâne humain est rarement aussi lisse qu’on œuf ou un galet). Gall élabora une véritable cartographie de l’occiput.